Corruption : "Le bloc communal, premier touché par les atteintes à la probité", pointe un rapport sénatorial

La commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance financière, la criminalité organisée et le blanchiment a publié son rapport - "Ces dizaines de milliards qui gangrènent la société" –, le 20 juin dernier. 

Elle y pointe notamment "les atteintes à la probité, dont la corruption est la forme la plus courante, qui constituent souvent l'origine de l'intégration des criminels dans l'économie légale" et le "moyen le plus efficace de faire perdurer et de renforcer leur présence" dans cette dernière. Si ces atteintes sont difficiles à quantifier, elles seraient en hausse depuis 2016, ayant même bondi de 8,2% l'an passé. Autre tendance relevée, ces atteintes seraient plus nombreuses dans les territoires insulaires ainsi que dans "les grands pôles économiques, comme les agglomérations parisienne ou marseillaise". En se référant aux travaux de l'Agence française anticorruption (AFA), la rapporteur, Nathalie Goulet (Normandie, UC), souligne que "les collectivités territoriales concentrent plus de la moitié des décisions de justice relatives à [ces] atteintes impliquant le secteur public". Et au sein de ces collectivités, "le bloc communal est le plus touché", puis les départements et enfin les régions. "Ceci est paradoxal car c'est dans le bloc communal que les Français conservent la plus grande confiance", observe-t-elle. Favoritisme, prise illégale d'intérêt et détournement de biens publics sont sur-représentés dans le bloc communal, alors que des faits de corruption sont plus prégnants dans les administrations de l'État ("forces de sécurité intérieure, justice, finances publiques notamment").

Concrètement, l'obtention de marchés publics constitue un "moyen privilégié d'entrée dans la sphère légale", "souvent par la corruption des fonctionnaires décisionnaires". Il est ainsi observé que "les entreprises détenues par des criminels tendent à investir systématiquement les secteurs qui sont susceptibles de se voir confier de [tels] marchés" : le BTP, le traitement de déchets, le transport ou la sécurité privée. Pour y remédier, la sénatrice propose, entre autres mesures, de revoir certaines dispositions de la loi Sapin II et de publier le plan national de lutte contre la corruption "dans les plus brefs délai" afin de favoriser le développement des réflexes de prévention, et en associant les élus à son élaboration et à sa mise en place. Il est toutefois relevé que "l'absence d'expertise interne dans les collectivités pour estimer le montant des travaux et surveiller la bonne réalisation du marché" constitue "une vulnérabilité".

Autres moyens usités, la captation d'aides publiques, "moyen malheureusement trop aisé pour les organisations criminelles de capter la ressource publique", ainsi que les "lessiveuses", ces petits commerces "à l'apparence tout à fait légale" qui permettent un blanchiment "de basse intensité sur un modèle réplicable de façon très aisée", sans nécessiter d'avoir "un personnel très formé" – barbiers, coiffeurs, ongleries, épiceries, restauration rapide… –, mais aussi "d'exercer une domination territoriale sur un quartier et [de] gagner en honorabilité". La commission d'enquête recommande de renforcer les moyens de contrôle de ces commerces, avec une "association plus étroite des maires" – une direction récemment prise par la loi narcotrafic (lire notre article du 16 juin). Et de juger au passage que le retard pris à fermer ces lessiveuses signalées par les élus ou les populations "nuit à la crédibilité de l'action de l'État".

"C'est une culture de la lutte contre le blanchiment, une sorte d'hygiène de base qu'il s'agit de diffuser en priorité dans la classe politique, et les élus, mais aussi parmi les citoyens qui seront les premières vigies", préconise in fine la sénatrice.

 

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