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Coup de rabot abandonné sur les exonérations pour l'emploi à domicile, envisagé mais limité sur la CMU-C et le RSA

Le gouvernement a finalement renoncé à inscrire dans le projet de loi de finances pour 2020 une disposition revenant sur l'exonération totale et inconditionnelle des cotisations sociales sur l'emploi à domicile pour les personnes de plus de 70 ans.

 

Le Premier ministre a annoncé ce mardi 24 septembre devant l'Assemblée nationale que le gouvernement abandonnait l'idée de supprimer l'exonération sociale accordée aux personnes âgées non dépendantes quand celles-ci emploient une aide à domicile, qui devait figurer dans le projet de loi de finances présenté vendredi.
"J'ai demandé à la ministre du Travail de renoncer à cette mesure", a indiqué Edouard Philippe lors de la séance des questions au gouvernement. "Je veux donc rassurer les professionnels et les employeurs: ces mesures n'entreront pas en vigueur". "Cette décision aurait mérité une concertation beaucoup plus approfondie", a-t-il reconnu, en réponse à une question d'un député LR, Gilles Lurton. Selon le chef du gouvernement, l'annonce de cette mesure ne correspond pas "aux conditions qui sont conformes à ce que je fixe comme objectif et ce que je veux suivre comme méthode s'agissant de l'acte II du quinquennat".  Il a précisé que Muriel Pénicaud "fera parvenir rapidement d'autres propositions qui seront soumises à concertation avec les parlementaires et avec les secteurs concernés".
L'association les Petits Frères des Pauvres, qui s'inquiétait de voir "les aînés être une variable d'ajustement budgétaire", s'est dite mardi "satisfaite" de ce revirement. Satisfaite également, la Fepem (fédération des particuliers employeurs de France), dont la plateforme téléphonique, "depuis hier, était surchargée d'appels inquiets".

"Recentrer les choses"

C'est la veille, le 23 septembre, que Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, avait confirmé l'information révélée le matin même par le quotidien Les Échos : le projet de loi de finances pour 2020, qui doit être présenté au conseil des ministres ce vendredi 27 septembre, comporterait bien une disposition revenant sur l'exonération totale et inconditionnelle des cotisations sociales sur l'emploi à domicile pour les personnes de plus de 70 ans. Un coup de rabot sur une niche sociale qui a aussitôt suscité de vives réactions.
En pratique, toute personne de plus de 70 ans bénéficie aujourd'hui – quels que soient ses revenus et son degré d'autonomie – d'une exonération totale des cotisations patronales pour les personnes qu'elle emploie à son domicile. La seule exception concerne les cotisations d'accident du travail-maladies professionnelles (AT-MP), jusqu'à hauteur d'une rémunération de 650 euros par mois. Cette exonération est également valable quelle que soit l'activité assurée par la personne employée : aide-ménagère, mais aussi jardinage, prestations d'"homme toutes mains", informatique...
De quoi permettre à Sibeth Ndiaye d'expliquer, sur LCI, qu'il s'agissait de "recentrer les choses pour que les aides, quand elles existent, s'adressent aux personnes qui en ont le plus besoin [...]. Le dispositif ne doit en effet pas servir à aider les seniors bien portants, au-delà des abattements accordés à tous les Français, à se payer des travaux de jardinerie". Le critère d'âge aurait donc disparu et l'exonération aurait été accordée uniquement aux personnes reconnues en situation de perte d'autonomie ou de handicap, autrement dit essentiellement aux titulaires de l'APA, de l'AAH, d'une pension d'invalidité...
Si la mesure affichait un objectif de meilleur ciblage des exonérations, voire de "justice sociale", l'idée était aussi évidemment de dégager une économie budgétaire de 310 millions d'euros en 2020 et de 350 millions d'euros en année pleine. Un montant à comparer au coût actuel de la mesure, soit 1,8 milliard d'euros en 2019.

Une mesure symbolique sur le RSA et la CMUC ?

Si la mesure sur l'exonération de cotisations sociales semble aujourd'hui abandonnée, d'autres coups de rabots pourraient trouver place dans le PLF 2020 ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Après le probable abandon d'une réforme en profondeur de l'aide médicale d'État (AME), ces textes pourraient en effet comporter deux autres mesures, "selon des documents internes au ministère des Solidarités et de la Santé" que s'est procurés le quotidien économique L'Opinion.
La première pourrait instaurer un délai de carence pour les nouveaux demandeurs d'asile, étrangers en situation régulière et qui relèvent donc, dès le dépôt de la demande, de l'assurance maladie ou de la CMU-C. Ce délai de carence pourrait porter sur les trois premiers mois de séjour en France. Durant cette période, les demandeurs d'asile ne seraient pris en charge que pour les "soins urgents" (femmes enceintes, pronostic vital engagé...). Selon les documents du ministère, l'objectif affiché est de "limiter les risques de potentiel détournement abusif de la procédure de demande d'asile par ceux qui voudraient entreprendre la démarche dans le seul but de bénéficier des droits attachés à cette protection".
La seconde mesure envisagée concernerait le RSA, aujourd'hui ouvert aux étrangers résidant de façon régulière en France depuis au moins cinq ans. Cette durée de résidence préalable serait portée à dix ans pour les étrangers qui sont arrivés en France de façon irrégulière ou qui s'y sont maintenus sans titre de séjour. La mesure concernerait une partie des 25.000 étrangers titulaires du RSA arrivés en France de manière irrégulière (sur 1,9 million de bénéficiaires).
Ces deux mesures ont une portée plus symbolique que budgétaire (20 millions d'euros d'économies budgétaires attendues au total). Si elles sont confirmées, elles ne devraient pas manquer d'être discutées lors du débat sur la politique d'immigration qui doit se tenir à l'Assemblée le 30 septembre.