Coup d’envoi du fonds de solidarité avec des critères assouplis

Aussitôt le fonds de solidarité lancé - avec l'octroi d'une première aide de 1.500 euros pour les TPE et indépendants - le gouvernement a annoncé abaisser le seuil d'éligibilité de 70% de perte de chiffre d'affaires à 50%.

La campagne du fonds de solidarité a démarré tambour battant le 31 mars. À midi, ce 1er avril, déjà plus de 204.000 TPE et indépendants s’étaient rendus sur le site impots.gouv.fr pour demander l’aide forfaitaire d’urgence de 1.500 euros, a annoncé le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. Cette aide de 1.500 euros est destinée à soutenir les TPE, indépendants et professions libérales réalisant moins d’un million d’euros de chiffres d’affaires et employant moins de 10 salariés et fortement touchés par les conséquences de l’épidémie de coronavirus. À commencer par toutes les activités qui ont dû fermer : artisans, commerçants, restaurants…

Le seuil de pertes abaissé de 70 à 50%

Mais à peine le décret fixant les modalités de ce fonds avait-il été publié, le 31 mars, que le gouvernement a décidé d’assouplir ses critères, à la demande des représentants des indépendants. En effet, initialement – et comme le prévoit le décret lui-même -, il fallait pour être éligible afficher une perte de chiffre d’affaires de 70% en mars 2020 par rapport à mars 2019. Un seuil jugé trop restrictif par les professionnels. Ainsi, "le gouvernement a décidé d'octroyer l'aide y compris pour les entreprises dont le chiffre d'affaires baisse de plus de 50%", peut-on lire sur le site des impôts. Un décret correctif est attendu "dans les jours prochains", avec pour but de rendre cette nouvelle disposition effective à compter de ce vendredi 3 avril. "C'est une manière de marquer à quel point nous voulons soutenir dès le premier jour les petits entrepreneurs, les indépendants, les commerçants, mais aussi les professions libérales concernées qui sont les plus durement touchées par cette crise économique", s’en est expliqué le ministre de l’Economie, mardi, lors d’une conférence de presse. "Je rappelle que cette perte de 50% restera la référence pour le mois d'avril. Je rappelle également que ce fonds de solidarité sera prolongé durant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire", a-t-il tenu à préciser.

Rappelons que ce fonds, financé essentiellement par l’État et les régions, prévoit un deuxième étage : une aide complémentaire pouvant aller jusqu’à 2.000 euros pour les entreprises les plus en difficulté. La demande est à adresser auprès de la région à compter du 15 avril. Là, les critères sont plus restrictifs : il faut employer au moins un salarié, se trouver dans "l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours suivants", avoir essuyé un refus de sa banque pour une demande de prêt de trésorerie adressée depuis le 1er mars 2020.

Doté à ce jour de 1,2 milliard d’euros (750 millions de l’Etat, 250 des régions auxquels est venue s’ajouter une contribution de 200 millions d’euros de la Fédération française des assurances), avec un objectif prévisionnel d’environ 600.000 bénéficiaires, le fonds devra rapidement être abondé pour faire face aux demandes supplémentaires, compte tenu du nouveau seuil d’éligibilité. Bruno Le Maire évoquait mardi un besoin d’1,7 milliard d’euros pour couvrir le mois de mars. D’autres collectivités ou intercommunalités pourraient être amenées à y contribuer, comme l’autorise l’ordonnance du 25 mars portant sur la création du fonds. Si, depuis le début de la crise, les intercommunalités ont avant tout cherché à relayer l’information auprès des entreprises, elles sont nombreuses aujourd’hui à vouloir "soutenir leurs entreprises par des fonds dédiés, en complément d’aides régionales, ou par d’autres leviers", constate d’ailleurs l’Assemblée des communautés de France.

Un message aux banques et assurances

L’enjeu à présent : assurer le versement des 1.500 euros au plus vite de l’aide alors que la trésorerie de bon de nombre de demandeurs est au plus bas. L’administration s’est engagée à répondre dans un délai de 48h, à défaut, silence vaut acceptation.

Alors que la plupart des instruments du plan d’urgence se mettent en place (report de charges fiscales et sociales, chômage partiel…), les artisans attendent aussi des efforts des banques et des assurances. Si ces dernières se sont engagées à abonder le fonds de solidarité, elles sont peu enclines à revoir leurs contrats et à accorder des indemnisations pour pertes d’exploitations. "Il n’y a pas de mobilisation des assurances, les crises sanitaires ne rentrent pas dans les critères de contrats. Et elles jouent petit bras", se plaint-on à CMA France. Quant aux banques, "elles n’ont pas de coordination, pas de ligne nationale de traitement".  C’est donc du cas par cas. CMA France a lancé une enquête auprès de ses artisans pour connaître leur situation. Les trois quarts d’entre eux ont fermé leur activité, soit sur décision administrative (58%) soit de leur propre chef (28%), selon les premiers résultats de cette enquête en ligne. 45% d’entre eux ont eu recours au chômage partiel pour leurs salariés, mais seulement 40% d’entre eux juge la procédure facile. Les autres déplorent un "accès au site difficile", "souvent hors-service" ou en "maintenance".