Crise énergétique : les régions cherchent à compléter les aides de l'État

Les régions tentent de monter en puissance sur le soutien aux entreprises écartées des dispositifs mis en place par l'État pour faire face à la crise énergétique, du fait des conditions d'éligibilité. Revue de détail sur ces initiatives régionales souvent conditionnées à des engagements en matière de transition écologique.

Face à l'ampleur de la crise énergétique, les régions confrontées à leurs propres difficultés ont dans un premier temps hésité à venir en aide à leurs entreprises, laissant l'Etat à la manoeuvre (voir notre article du 17 octobre 2022). Mais la situation devient telle qu'elles sont obligées de monter au front pour compléter les dispositifs nationaux (voir notre article du 27 octobre 2022) dont le fameux "amortisseur électricité", qui ne sera disponible qu'à partir du 1er janvier 2023, pour les petites et très petites entreprises, les collectivités, hôpitaux, universités et associations. Les TPE comme les petites collectivités et les particuliers bénéficient du "bouclier tarifaire" qui permet de plafonner la hausse des tarifs réglementés de gaz et d'électricité (le plafond est fixé à 15% pour 2023). Enfin, les PME peuvent recourir au "guichet électricité" pour payer leurs factures d'électricité. Initialement créé dans le cadre du plan de résilience en mars 2022, le dispositif devait prendre fin au 31 décembre 2022, il va finalement être prolongé en 2023, a annoncé le gouvernement, jeudi 8 décembre, répondant à l'inquiétude grandissante chez les chefs d'entreprise et les collectivités. Pour aider à s'y retrouver, Bercy tient à jour la liste des dispositifs en vigueur.

Mais seules les entreprises répondant aux critères fixés (dépenses d'énergie par rapport au chiffre d'affaires notamment) peuvent percevoir ces aides et il y a parfois des trous dans la raquette, constatent les régions. Ce sont ces entreprises qu'elles ciblent en mettant en place des dispositifs locaux complémentaires, comme elles l'avaient fait pendant la crise sanitaire avec leur fonds "rebond".

Le "Pack énergie" normand de 30 millions d'euros

La Normandie, première région industrielle de France en part de PIB, a annoncé la mise en place un dispositif d'aides aux entreprises baptisé "Pack énergie". Au total, 30 millions d'euros sont budgétés pour ces aides. Le principe : examiner au cas par cas la situation des entreprises qui n'ont pas accès à l'aide de l'État et prendre le relais en complémentarité. Les aides permettront aux entreprises d'investir pour améliorer l'efficacité énergétique de leur production par l'intermédiaire de prêts à taux zéro et des prêts participatifs remboursables au bout de sept ans. A noter qu'elles peuvent être cumulables avec celles de l'Etat.

Autre initiative régionale : l'Auvergne-Rhône-Alpes, qui, le 25 novembre, a annoncé un plan de 25 millions d'euros pour accompagner les entreprises, notamment industrielles. "Le président de région s'est rendu compte que les aides du gouvernement étaient très restrictives et complexes, explique-t-on à la région. Le plan régional est principalement dédié à l'industrie car dans ce secteur, les entreprises ont beaucoup de dépenses en énergie mais pas toujours le chiffre d'affaires requis pour intégrer le dispositif de l'État ; ce n'est pas un bouclier tarifaire régional car nous n'avons pas la main sur les prix de l'énergie, mais il s'agit de financer tous les projets pour moderniser les ateliers et sites de production pour gagner en efficacité énergétique."

Le plan propose des diagnostics et des conseils en matière de sobriété énergétique, mais aussi des investissements pour des projets permettant la réduction de leur consommation énergétique et un prêt énergie. Objectif : permettre l'emprunt de plus de 70 millions d'euros à un taux préférentiel pour des prêts allant jusqu'à 500.000 euros. La région a aussi décidé d'adapter son plan de relocalisation (1,4 milliard d'euros) à la crise énergétique et va proposer une offre clé en main aux entreprises qui souhaitent déployer des panneaux solaires via des solutions de financement avantageuses.

Jusqu'à 5.000 euros pour les TPE en Île-de-France

D'autres régions, comme l'Île-de-France ou la région Paca se lancent aussi. Pour la première, les aides se concentrent sur les TPE. Depuis le 1er décembre, l'Île-de-France propose ainsi aux entreprises de moins de 20 salariés, quel que soit leur secteur d'activités, un chèque allant jusqu'à 5.000 euros pour financer les investissements permettant de faire baisser leur consommation d'énergie. L'aide, qui est disponible sur le site mesdemarches.iledefrance.fr, remplace le chèque vert qui existait déjà mais offrait un montant de 1.500 euros maximum. Une récente enquête de la CCI Ile-de-France montre que 59% des employeurs de la région juge les aides gouvernementales insuffisantes, soit parce qu'elles imposent trop de contraintes en termes d'éligibilité, soit parce que les niveaux de prise en charge sont trop faibles au regard de la hausse réelle du coût de l'énergie.

En région Paca, 5,4 millions d'euros ont été débloqués pour déployer de nouvelles aides pour soutenir les entreprises dans leurs efforts de réduction de leur impact écologique et énergétique. Au menu notamment : "CEDRE Premier pas" qui sera lancé début 2023 pour permettre aux dirigeants d'engager des actions de transition écologique (gestion des déchets, cycle de vie du produit, efficacité énergétique, bilan gaz à effet de serre, achats responsables). La région accorde une subvention forfaitaire de fonctionnement de 3.000 euros et une subvention d'investissement de 7.000 euros.

Après Laurent Wauquiez qui, le mois dernier, avait interpellé le gouvernement pour demander une adaptation du bouclier tarifaire pour l'hôtellerie-restauration, la présidente de l'Occitanie et présidente de Régions de France, Carole Delga, a alerté lundi sur la situation des artisans boulangers et pâtissiers. Ces derniers seront éligibles à l'amortisseur mais sont exclus de ce même bouclier, "puisque la puissance de leur compteur électrique excède le plafond des 36 kilovoltampères fixé par l’État", fait valoir Carole Delga. Les boulangers sont de surcroît fortement impactés par la hausse du prix des matières premières : "Avec plus 15% sur le prix de la farine ou des œufs et jusqu’à 100% sur celui de la levure, certains artisans boulangers ont déjà annoncé leur fermeture définitive", s'alarme-t-elle, rappelant qu'ils sont en concurrence directe avec la grande distribution qui, elle, bénéficie des aides de l'État. "J’ai interpellé la Première ministre ce week-end pour que la situation soit rapidement réétudiée et qu’une révision soit faite pour sauver les artisans boulangers et pâtissiers français", indique-t-elle, dans un communiqué. La région Occitanie présentera ce lundi ses propres aides.

Entendant ces inquiétudes, le gouvernement a annoncé, jeudi 8 décembre, que non seulement le "guichet électricité" serait maintenu en 2023 mais que l'aide pourrait se cumuler avec l'amortisseur électricité entrant en vigueur au même moment. Seront éligibles "les TPE et les PME dont les dépenses d’énergie représentent 3% du chiffre d’affaires 2021 après prise en compte de l’amortisseur, et dont la facture d’électricité après réduction  perçue via l’amortisseur, connaît une hausse de plus de 50% par rapport à 2021", précise Bercy. Les deux dispositifs cumulés pourraient représenter un allègement de facture de 35%, a indiqué le ministre de l'Economie, jeudi, sur RMC, assurant qu'il n'y aurait "pas d'hécatombe" chez les boulangers... Le gouvernement invite aussi les entreprises en difficulté à contacter leur "conseiller départemental de sortie de crise", dont le contact est disponible sur le site impots.gouv.fr (lien), pour bénéficier d'un accompagnement individualisé.