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CRTE et CPER, une articulation naissante qui pose encore des questions

Alors que la quasi-totalité des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont signés, démarre, avec du retard, la signature des contrats de plan Etat-régions pour la période 2021-2027. À terme, les premiers devraient correspondre au volet territorial des seconds. La région Grand Est a pris les devants, en imaginant des pactes territoriaux de relance et de transition écologique (PTRTE) qui organisent la convergence entre les deux démarches.

Alors que tous les CRTE devraient être bientôt signés, la question de leur articulation avec le volet territorial des CPER se pose. La région Grand Est a pris les devants, imaginant un pacte territorial de relance et de transition écologique (PTRTE) qui fait converger les deux démarches, se substituant aux CRTE sur tout le territoire et correspondant à la déclinaison du volet territorial du CPER. Pour mémoire, le volet territorial des CPER correspond à une contractualisation infrarégionale avec des territoires de projets pour faire émerger des dynamiques de développement local. Conclu comme le reste du CPER dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et la région, il liste les orientations principales de cette dynamique territoriale et mentionne des enveloppes financières.

Les CRTE suivent le même principe en listant les projets des territoires nécessaires à leur relance et à leur dynamisme économique. A ceci près qu'ils n'imposent pas la signature des régions, puisqu'il s'agit d'une contractualisation entre l'État et les intercommunalités. Si elles le souhaitent, elles peuvent y participer, par projet ou globalement. En revanche, les CRTE ne comprennent pas d'enveloppe budgétaire, l'idée étant pour chaque projet d'aller chercher les financements. Pour répondre à ce manque critiqué par les acteurs locaux, la circulaire du Premier ministre du 4 janvier 2022 sur la mise en œuvre des CRTE insiste sur les différentes sources de financement, que sont la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), les fonds européens et les CPER.

Le PTRTE, un outil de dialogue avec les territoires

La région Grand Est a ainsi imaginé une sorte de mix entre les deux démarches, avec une contractualisation entre l'État, la région et les intercommunalités (EPCI, PETR ou pays). "Pour nous, c'est un réel outil de dialogue avec les territoires, explicite Marie-Gabrielle Chevillon, vice-présidente de la région Grand Est, en charge de la cohésion des territoires et de la contractualisation, cela nous donne une vision globale des projets, lesquels démarrent, comment les financer, à travers des comités de pilotage réguliers que nous organisons".

La ministre de la Cohésion des territoires est elle-même venue assister à la signature de l'un de ces PTRTE, le 10 janvier 2022, celui liant la région, l'État, 39 communes de l'agglomération de Mulhouse et la collectivité européenne d'Alsace. Montant du pacte : 506 millions d'euros avec plus de 500 projets recensés, dont une bonne part traite de la transition énergétique et écologique (extension des réseaux de chaleur et développement de la production d'hydrogène, ferme pédagogique de maraîchage bio, végétalisation de cours d'école…). Parmi les projets phares : un grand chantier de dépollution, rénovation énergétique et extension du parc des expositions pour l'agglomération mulhousienne, et la dépollution et réhabilitation des anciennes friches de l'usine textile DMC et de la Fonderie (ex-Société alsacienne de construction mécanique).

"À l'heure actuelle, 94 PTRTE sont identifiés dont 86 ont été signés, les autres le seront prochainement, explique à Localtis Marie-Gabrielle Chevillon. Tout le territoire sera couvert avec des pactes divers et variés en fonction des territoires, de leurs objectifs et projets."

Pour accompagner les projets qui ne rentrent pas dans les dispositifs de droit commun, la région Grand Est a mis en place un fonds sur mesure, doté de 20 millions d'euros par an.

Le volet territorial des CPER va correspondre aux CRTE

Selon l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le volet territorial des CPER correspondra in fine aux CRTE, du moins en grande partie. "Les neuf dixièmes coïncideront a posteriori", assure-t-on ainsi à l'ANCT. Reste que les deux outils n'ont pas le même calendrier, ce qui crée des inquiétudes de la part des acteurs locaux. "La confirmation de l'articulation entre le volet territorial des CPER et des CRTE s'est fait attendre, indique France urbaine, les choses commencent à bouger, mais il faut voir si les crédits fléchés vers les CRTE deviennent une réalité. Nous restons vigilants, d'autant que les CRTE deviennent dépendants du calendrier des CPER". Et les contrats de plan couvrant la période 2021-2027 ont déjà pris du retard. À ce jour, onze conseils régionaux (excepté la Normandie et la Corse) ont signé avec l'État un accord de relance et un protocole d'accord CPER. "La signature définitive des CPER 2021-2027 interviendra début 2022 après la réalisation des différentes procédures, saisine de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable-CGEDD, consultation du public, avis du Conseil économique, social et environnemental régional-Ceser", assure l'ANCT. La région Pays de la Loire est la première à avoir signé son CPER le 4 février dernier.

Les régions, qui ont vu l'arrivée des CRTE avec circonspection, estiment toutefois que le pragmatisme va l'emporter. "Auparavant c'était plus simple car la logique contractuelle des régions était dominante, estime Régions de France, mais tout le monde va trouver des solutions, les régions vont essayer de compléter le dispositif avec leurs propres outils, l'idée étant de simplifier la vie des porteurs de projets pour qui la multiplication des contrats est un véritable casse-tête".

Rediscuter à terme des outils d'aménagement du territoire

Les régions espèrent aussi qu'à terme le partenariat avec l'État sera remis sur la table. "Au fil des années, on a un peu reculé dans ce domaine, d'abord avec la fusion des régions en 2016, les périmètres de contractualisation changeant, puis à partir de 2017 avec le lancement par l'État de programmes thématiques comme si rien n'existait auparavant, ce qui a beaucoup irrité les régions." L'ANCT a en effet conclu des pactes territoriaux pour accompagner les territoires fragiles, comme le Pacte Sambre-Avesnois-Thiérache, le Pacte Ardennes, le Pacte Nièvre ou encore l'Engagement de rénovation du bassin minier qui, la semaine dernière, a donné lieu à des échanges houleux entre le président de la République Emmanuel Macron et le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand.

Régions de France espère pouvoir rediscuter des outils d'aménagement du territoire. L'association imagine ainsi un CPER allégé, avec des conventions d'application par thématique sur des périodes différentes et une revue de projets tous les deux mois. "Ce serait logique qu'on essaie de faire évoluer le système autour d'un contrat stratégique entre l'État et la région, moins lourd que le CPER et, en-dessous, beaucoup de liberté d'organisation pour les territoires."