Dans les Hauts-de-France, la région et les intercommunalités signent un "accord inédit" sur la réindustrialisation

La région Hauts-de-France, l'association Intercommunalités de France et la communauté d'agglomération Béthune-Bruay Artois Lys Romane ont signé, lundi 18 décembre, un "accord inédit" pour coordonner leurs actions en matière de réindustrialisation. L'enjeu : créer un "écosystème favorable" aux entreprises. Une première qui a vocation à être reproduite avec les autres régions.

"On ne réindustrialisera sans doute pas le pays en partant d'un grand discours national descendant, mais bien plus en mobilisant à l'échelle des territoires, en organisant un dialogue à l'échelle des territoires qui permette de répondre aux problématiques des industriels". Le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin, était à Béthune (Pas-de-Clais) lundi 18 décembre pour signer avec le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et le président de la communauté d'agglomération Béthune-Bruay Artois Lys Romane, Olivier Gacquerre, un accord de partenariat "inédit" intercommunalités-région sur le thème de la réindustrialisation. Le président du Grand Chalon a tenu à rappeler que son association est force de proposition depuis plusieurs années avec son idée de "pacte productif" qui a sans doute permis d'accoucher du programme des Territoires d'industrie qui vient d'être renouvelé (voir notre article du 10 novembre).

Le choix des Hauts-de-France pour cette première ne doit rien au hasard. La région est le "symbole de la reconquête industrielle et de ce pari un peu fou de croire en la réindustrialisation des territoires", a insisté Sébastien Martin. Frappée plus que d'autres par la désindustrialisation, c'est aujourd'hui l'une des régions qui attire le plus d'investissements, en particulier autour de "l'industrie verte".

L'accord traduit la volonté de la région "de travailler avec toutes les intercommunalités des Hauts-de-France pour le renouveau productif des territoires". "On parle beaucoup des gigafactories. La première de ces gigafactories est née car un grand chef d'entreprise qui est Carlos Tavarès a pu voir qu'en quinze jours, nous étions totalement alignés, la région et les intercommunalités. Sans les intercommunalités, je n'aurai pas été capable de mettre 121 millions d'euros, ça a été le début de l'aventure des gigafactories. (…) C'est ça la clé du succès", a déclaré Xavier Bertrand lors de la signature.

Les deux niveaux de collectivités, qui ont la compétence exclusive du développement économique, entendent ainsi rapprocher leurs stratégies et actions dans le cadre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation Hauts-de-France 2022- 2028. La région promet d'engager un "dialogue inter-territorial", d'associer les intercommunalités et l'élaboration de ses choix stratégiques, ou encore d'accompagner le développement des compétences dans les métiers de l'industrie. De leur côté, les intercommunalités veulent partager avec la région leur connaissance des projets industriels, orienter certains publics vers les métiers de l'industrie, faciliter l'accueil des salariés…

La formation, un "enjeu essentiel"

Pour Sébastien Martin, la formation constitue un "enjeu essentiel". Et de rappeler qu'Intercommunalités de France avait plaidé, dans le cadre de la préparation de loi Industrie verte, pour la création d'"académies industrielles et technologiques", à l'image de celle qu'il a créée dans le Grand Chalon (voir notre article du 18 avril). "C'est quelque chose qui va prendre du temps que de réadapter notre outil de formation et d'enseignement supérieur à une économie qui se réindustrialise", a-t-il prévenu, alors que la tertiarisation de l'économie a concentré les moyens autour des métropoles. "Aujourd'hui on assiste à une forme de revanche des villes moyennes, mais ça ne réussira pas si les universités et les grandes écoles (…) ne comprennent pas qu'il faut rapprocher les outils de formation des territoires industriels et productifs."

Les intercommunalités et la région souhaitent aussi mieux collaborer sur l'épineuse question du foncier industriel, à l'heure de l'organisation du zéro artificialisation nette (ZAN) au niveau régional. "Je ne vais pas faire ma pleureuse (…), il s'appliquera partout et dans toutes les régions", a lancé Xavier Bertrand, en forme de pique au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Lui dit vouloir créer un "compte foncier régional", "en mettant les intercommunalités dans la gouvernance". En janvier, il présidera une conférence sur la gouvernance du ZAN. Il se félicite aussi de la mise en place dans sa région, depuis 2017, de "contrats d'implantation" qui, avant la loi Industrie verte, ont permis de faciliter toutes les démarches pour les investisseurs et de raccourcir les délais d'implantation. Un contrat qui fait école puisque le Cese comme le député Charles Rodwell proposent de le généraliser (voir nos articles du 30 mars 2021 et du 13 décembre 2023). "Si nous réussissons l'État, un peu la région, beaucoup les intercommunalités, à réduire les délais, c'est parce que vous jouez le jeu", a-t-il souligné. "Il n'y a aucun dossier d'implantation majeur, il n'y a aucun projet de restructuration réussi qui n'aurait pu voir le jour dans les Hauts-de-France s'il n'y avait pas eu un vrai partenariat entre la région et les intercommunalités", a-t-il ajouté.

"Il y a toujours des capacités à rebondir"

Ce partenariat – associant services de l'État, région, intercommunalités – a permis à Béthune de se relever dans le cadre du programme "Rebond industriel", après la fermeture de l'usine Bridgestone fin 2020, laissant 864 salariés sur le carreau, dans un territoire qui, comme l'a rappelé Olivier Gacquerre, avait déjà perdu un quart de ses emplois industriels entre 2000 et 2020. Aujourd'hui, 80% des salariés du groupe japonais ont "retrouvé une solution" dont la moitié sur le site même. Preuve, selon le maire qu'"il n'y a rien d'inéluctable. (…) Il y a toujours des capacités à rebondir". "La revitalisation économique, le reclassement, ça marche, parce qu'on a travaillé ensemble", a abondé Xavier Bertrand. Ce dernier propose aux intercommunalités de créer avec elles un "guichet unique" de l'accueil qui prendrait en compte toutes les questions périphériques à l'entreprise : l'offre scolaire, culturelle, sportive... "C'est ce qui permettra de faire la différence. Ce n'est pas le politique qui crée de l'emploi, mais on a une sacrée responsabilité, celle de créer l'écosystème favorable", a-t-il souligné.

Avec ce premier accord, Sébastien Martin espère enclencher une dynamique. "Après, nous irons un peu partout à travers la France pour signer d'autres pactes d'engagements entre régions et intercommunalités", a-t-il dit.