Déchets ménagers : une collecte en hausse, loin des objectifs de réduction, selon l'Ademe

Selon un rapport publié par l'Ademe dans le courant de l'été, les déchets ménagers et assimilés collectés par le service public ont connu une hausse de 6% entre 2019 et 2021 et dépassé la barre des 39 millions de tonnes habituellement constatée depuis 2009. Une tendance contraire aux objectifs de réduction des déchets affichés dans la loi et toujours marquée par des disparités territoriales importantes.

"Une tendance 2021 contraire aux objectifs de réduction des déchets", alerte l'Ademe dans son dernier rapport sur la collecte des déchets par le service public en France publié dans le courant de l'été. 41,3 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés ont ainsi été collectés, en croissance de 6% par rapport à 2019. "Cela représente une rupture par rapport à la tendance des dix années précédentes pendant lesquelles les tonnages collectés n'avaient pas dépassé 39 millions de tonnes", observe l'Agence qui note aussi que les quantités d'ordures ménagères résiduelles diminuent régulièrement (2 millions de tonnes depuis 2009) au profit des collectes séparées et des flux de déchets en déchèteries.

Pas de réduction des volumes

Les déchets ménagers ont représenté en 2021 611 kg/habitant, à rebours de l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 qui était d'arriver à 550kg/habitant en 2020. Beaucoup reste donc à faire pour parvenir à celui inscrit dans la loi Agec de 2020, qui vise une réduction de 15% de ces déchets en 2030 par rapport à 2010, soit 502 kg/habitant.

"On peut supposer qu'une partie de l'augmentation des tonnages collectés est liée au rattrapage des travaux du bâtiment en 2021, ainsi qu'à une prise en charge accrue des déchets du bâtiment par les collectivités dans le cadre de la nouvelle filière REP [responsabilité élargie des producteurs] bâtiment, avec l'augmentation du nombre de déchèteries ouvertes aux professionnels, relève l'Ademe. Toutefois, cette explication n'est pas complète car, même en excluant les déblais et gravats, le ratio de DMA collectés par le SGPD [service public de gestion des déchets] augmente de 4% entre 2019 et 2021, passant de 527 kg/habitant à 547 kg/habitant."

Le rapport montre que même si elles sont en déclin depuis 2009 (-11 points), les ordures ménagères résiduelles représentent toujours le premier gisement de déchets ménagers collectés par le service public (40% du total), devant les matériaux recyclables (20%) et les biodéchets pouvant donner lieu à une valorisation organique (14%). En tonnages, les catégories de déchets dont la collecte a le plus progressé entre 2019 et 2021 sont les déblais et gravats (+17%) et les déchets dangereux issus des équipements électriques et électroniques (+11%).

L'étude fait ressortir des variations territoriales importantes. Le ratio de collecte reste plus faible en milieu urbain, surtout quand celui-ci est dense, qu'en milieu rural. Les écarts selon la typologie d'habitat sont similaires à ceux des années passées. Les territoires touristiques et les départements littoraux sont ceux où la surproduction de déchets est la plus forte tandis qu'on observe une production réduite à l'Est.

Tonnages d'ordures ménagères résiduelles encore importants 

Le rapport note que depuis 2007, la valorisation matière ou organique des déchets ménagers n'a cessé de progresser et concernait en 2021 près de la moitié des tonnages.

Avec 8,2 millions de tonnes en 2021, la collecte séparée a atteint un ratio de 120 kg/habitant/an, en hausse de 9kg/habitant par rapport à 2019. Celle de déchets d'emballages et de papiers constitue depuis 2015, en tonnages, le premier flux collecté séparément (53 kg/habitant en 2021, +2,8 kg par rapport 2019), devant le verre (34kg/habitant, +5% en deux ans) et les biodéchets (18,7 kg/habitant). En matière de collecte séparée, les départements urbains affichent de plus faibles performances. À l'échelle de la France métropolitaine, c'est dans la moitié nord que les meilleures performances apparaissent.

Alors que la collecte des ordures ménagères résiduelles (OMR) doit diminuer au profit des collectes séparées permettant le recyclage des matériaux et la valorisation organique des biodéchets, l'étude montre que les tonnages collectés en 2021 (16,7 millions de tonnes, 246 kg/habitant) sont sensiblement égaux à ceux de 2019. Elle note que depuis dix ans, le rythme de recul de la collecte d'OMR a tendance à ralentir (-1,3% en kg/habitant par an entre 2013 et 2019 contre -2,6% entre 2007 et 2013, tendance alors conforme aux objectifs d'amélioration de la valorisation des déchets).

Là encore, on observe des disparités importantes entre territoires. "En zone touristique ou commerciale, les ratios de collecte se situent largement au-dessus du ratio national (+45%), du fait d'une forte population saisonnière ou/et de la densité de commerces par rapport au nombre d'habitants, indique l'Ademe. À l'inverse, en collectivité rurale, les ratios de collecte demeurent toujours inférieurs à la moyenne nationale." Raisons invoquées : de meilleures pratiques de tri, une gestion de proximité des biodéchets, avec un compostage domestique plus fréquent qu'en milieu urbain. D'un département à l'autre, les ratios d'OMR peuvent varier de 136 kg à 460 kg par habitant, certaines collectivités parvenant à passer sous la barre des 100 kg d'OMR par habitant. Les départements ayant le plus forte collecte d'OMR sont ceux qui sont très urbanisés ou très touristiques, à l'exemple de la Corse. Le premier mode de traitement des OMR est l'incinération, principalement avec production d'énergie, tandis que la part des OMR orientée vers le stockage se stabilise (24% en 2021 comme en 2019). "Le développement des filières de valorisation, la réduction des capacités d'enfouissement et l'augmentation de la TGAP incitent fortement les collectivités à réduire ce flux résiduel", estime l'Ademe.

Croissance continue de la collecte en déchèterie

La collecte en déchèterie connaît une croissance continue depuis 14 ans, quasiment à parc constant, note l'étude. Elle a représenté 16,4 millions de tonnes en 2021 (243 kg/habitant et 182 kg/habitant hors déblais et gravats apportés majoritairement par les artisans). Les déchets verts représentent toujours les flux les plus importants collectés en déchèterie (4,5 millions de tonnes collectés, soit un ratio de 67 kg/habitant). Par rapport à l'enquête précédente, l'étude montre que le flux qui a le plus augmenté est celui des déchets d'éléments d'ameublement (+35%) du fait du déploiement de la filière REP correspondante. Le flux des déblais et gravats a aussi connu une croissance importante (+16% par rapport à 2019). "Cette croissance est à rapprocher des préoccupations croissantes des collectivités d'une meilleure prise en charge des déchets du bâtiment, de manière à éviter les décharges sauvages", selon l'Ademe. En sortie de déchèterie, plus de deux tiers des flux sont orientés en valorisation matière ou organique.

C'est dans l'ouest de la France - départements du littoral atlantique, jusqu'aux Landes, et une partie de la Normandie – ainsi que dans l'Ariège et les Alpes-de-Haute-Provence que les ratios de collecte en déchèterie sont les plus élevés (315 kg par habitant). Pour des raisons très variables – pression foncière et densité de population pour les uns, manque d'équipements pour les autres -, les départements de la petite couronne d'Ile-de-France, les Yvelines ainsi que les départements et régions d'outre-mer affichent des ratios de collecte très faibles (de 1,2 à 110 kg par habitant). A l'échelle nationale, il existe en moyenne une déchèterie pour 15.900 habitants. 71% de ces équipements sont gérés directement par les collectivités locales. Quand cette gestion est confiée à une entreprise privée, c'est le plus souvent en prestation de service plutôt qu'en délégation. Ces déchèteries en prestation de service disposent en moyenne d'installations plus importantes que celles en régie et collectent 4.300 tonnes en moyenne contre 3.300 tonnes pour les déchèteries en régie. Près de huit déchèteries sur 10 ont plus de 16 ans, note encore l'étude, et 50% ont plus de 20 ans. Parmi les régions où l'équipement en déchèterie est le plus récent figurent l'Île-de-France, la Corse ou les Hauts-de-France.

Plus de 1.200 collectivités compétentes

Au-delà des chiffres de collecte, l'étude présente des données sur l'exercice de la compétence gestion des déchets par les collectivités. En 2021, 1.199 EPCI exerçaient une compétence collecte et/ou traitement de déchets, ainsi que 67 communes. "Les communes qui ont conservé la compétence déchets ont des caractéristiques géographiques très spécifiques", note l'Ademe en citant Paris ou des communes situées sur les îles (Sein, Ouessant, Saint-Barthélemy) ou en Polynésie. Quant au nombre d'EPCI exerçant la compétence déchets, il a été pratiquement divisé par deux entre 2007 et 2017, du fait du mouvement de rationalisation de l'intercommunalité, rappelle l'étude. La baisse s'est encore poursuivie entre 2017 et 2021 mais de façon beaucoup plus modérée (une trentaine de groupements en moins chaque année). La majorité des collectivités (60%) n'exercent qu'une compétence collecte et délèguent la compétence traitement, qui exigent plus d'investissements, à un syndicat ou un autre EPCI.

Premier mode de financement : la Teom classique

L'étude présente aussi un zoom sur le financement du service public de gestion des déchets. Pour plus des deux tiers des Français, la Teom classique (taxe d'enlèvement des ordures ménagères) est toujours en 2021 le premier mode de financement de la gestion des déchets mais la tarification incitative s'installe dans le paysage. 10% des Français ont ainsi une part incitative dans leur facture de déchets, "c'est-à-dire une part liée, a minima, à la quantité de déchets jetés dans la poubelle des OMR". La tarification incitative est le plus souvent adossée à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom), aujourd'hui majoritairement incitative (5 millions d'habitants assujettis à la Reom incitative contre 2 millions à la REOM classique) alors que la Teomi (Teom incitative) ne s'applique qu'à environ 1,5 million de personnes.

Pour les déchets non ménagers, la collectivité est libre de fixer la limite des prestations qu'elle assure dans le cadre du service public et lorsqu'elle choisit d'assurer la collecte et le traitement des déchets pour les commerçants ou artisans (ou d'autres producteurs de déchets non ménagers) de leur faire payer une redevance spéciale (RS) en cas de financement sur le seul budget général. Selon l'enquête 2021, au moins 42% des collectivités ont ainsi mis en place une RS. Plus de la moitié des collectivités n'ont en outre pas fixé de seuil limite pour l'acceptation des déchets assimilés – déchets des activités économiques pouvant être collectés avec ceux des ménages, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, sans sujétions techniques particulières, selon l'article L.2224-14 du code général des collectivités territoriales.

L'enquête montre également que le tarif moyen de TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) des installations de traitement majoritaire des OMR (stockage et incinération) s'élève à 23 euros par tonne sur un échantillon de 613 collectivités répondantes. La majorité des collectivités paie un tarif inférieur à 20 euros la tonne, correspondant au tarif du traitement thermique (incinération).

Enfin, en 2021, 36% des collectivités répondantes (336 au total) ont déclaré être engagées dans un plan local de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA) démarré entre 2016 et 2021. Ce type de programme consiste à mettre en œuvre des actions coordonnées à l'échelle d'un territoire pour atteindre des objectifs définis à l'issue d'un diagnostic de la situation existante.