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Déchets radioactifs : un débat public dans une trentaine de villes pour n'enterrer ni les doutes ni les inquiétudes

Le débat national sur la gestion des matières et déchets radioactifs lancé le 17 avril et qui durera jusqu'à la fin septembre va donner la parole et informer le public sur des sujets techniques, complexes et engageant les générations futures. Une trentaine de villes en métropole et en outre-mer vont accueillir des réunions en local, café philo, débats et tables rondes sur des thèmes identifiés tout en sachant que l'expression citoyenne reste libre d'en faire émerger d'autres. 

"C'est la première fois que ce plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), dont c'est la cinquième édition relative aux années 2019-2021, est soumis à un débat public", a introduit Chantal Jouanno, présidente de la commission nationale du débat public (CNDP), lors du lancement le 17 avril d'une consultation nationale qui vise à associer les citoyens aux décisions sur la gestion des matières et déchets radioactifs issus de la production de l'industrie nucléaire française. 

Un regard neuf sur ces enjeux 

Les précédents débats sur le sujet organisés en 2005 ou 2013 étaient moins larges ou focalisés sur un site (débat public Cigeo). Celui-ci, compare Chantal Jouanno, permet d'aborder l’ensemble des sujets et de parler de l'outil même de pilotage et programmation que constitue ce plan : "L'exercice a nécessité des mois de préparation et si nous avons choisi de l'orchestrer, c'est parce que le public mérite que son droit à être informé et à participer soit garanti", défend-elle. La saisine de la CNDP par le ministère de la Transition écologique et solidaire et l'Autorité de sûreté nucléaire, maîtrise d'ouvrage de ce plan qui fixe selon leurs mots "le cadre de référence de la gestion de ces substances", remonte à un an. Repoussée à deux reprises, notamment pour ne pas être éclipsée par le Grand Débat, la consultation est portée par une commission particulière pilotée par une magistrate, Isabelle Harel-Dutirou, et qui regroupe des personnalités aussi diverses que l'ingénieur général des ponts et initiateur de l'Autorité environnementale Michel Badré, des intellectuels, des experts en concertation, une commissaire enquêteur, etc. "Etant quasi profanes dans ce domaine, nous portons un regard neuf sur cette question qui ne peut être examinée sous le seul angle de la science et de la technique mais pose des questions éthiques auxquelles les citoyens seront associés en s'interrogeant sur ce que nous transmettons aux générations futures", éclaire Isabelle Harel-Dutirou. 

Le démantèlement attendu de plusieurs centrales (quatorze réacteurs d’ici à 2035, fixe la PPE) tout comme la mise en service de l’installation expérimentale de fusion ITER ont intensifié le débat national sur le devenir des déchets radioactifs. D'énormes quantités de déchets de très faible activité (gravats, terre, ferrailles provenant du démantèlement) vont être générés. Ils sont actuellement envoyés dans un centre de stockage dédié exploité par l’Andra dans le département de l’Aube. Selon les maîtres d'ouvrage, sa saturation devrait intervenir d’ici 2028 et "de nouvelles capacités de stockage seront alors nécessaires", sans doute à proximité de ce centre qui est lui-même voisin d'un autre, où sont ensevelis les résidus de faible et moyenne activité issus de l'exploitation des installations nucléaires françaises. Le débat public abordera donc les pistes d'optimisation de gestion de ces déchets. 

Parler des craintes et des alternatives

Concernant les déchets les plus radioactifs (haute activité-vie longue, HA-VL), le débat pourra porter sur le principe de réversibilité de leur stockage en profondeur, les questions et doutes qu'il soulève. "Notre commission est neutre, imperturbable, c'est son rôle de donner à voir les interrogations, les craintes, les attentes et les arguments", souligne Isabelle Harel-Dutirou. La commission a également choisi de mettre l'accent sur les recherches d'alternatives à ce stockage géologique profond. Les déchets anciens, radifères, comme ceux issus du graphite un temps utilisé, et qui n'ont actuellement aucun débouché, seront aussi abordés dans ce débat, tout comme la gestion existante des déchets historiques (miniers ou issus de la conversion de l'uranium) ou le sort des déchets nucléaires étrangers "dans l'attente de leur retour vers leur pays d'origine".

Le débat public doit aussi permettre de parler du retraitement, du cycle de vie du combustible, des scénarios de devenir possibles, et d'évoquer la sûreté de ces installations d'entreposage et stockage, ou encore du coût et financement des charges nucléaires, du transport de matières et déchets radioactifs, sans oublier les enjeux de transparence (rôle des commissions locales d'information), de dialogue et gouvernance (en lien avec les territoires), etc. La commission organisant le débat n'éludera pas non plus la question des "risques" et des "impacts" de ces substances sur la santé et l'environnement.

Débats démultipliés pour susciter la participation

Ce débat sera accompagné par un groupe miroir (quatorze citoyens recrutés dans treize régions) et donnera lieu au mois de mai à un "atelier de la relève" associant des chercheurs, étudiants, ingénieurs et futurs professionnels, en vue d'alimenter en propositions ce cinquième plan et de produire un avis sur l'amélioration de la gouvernance. Enfin, en amont pour organiser ce débat, une démarche dite de "clarification des controverses", à laquelle ont participé des établissements, entreprises et associations, a été menée pour travailler ces questions. Un esprit d'"ouverture et de dépassement des clivages" auquel ne croit pas l'association Réseau Sortir du nucléaire, qui a décidé de ne pas participer au débat, estimant "les choix sur les sujets déjà verrouillés". Le dispositif prévoit une vingtaine de manifestations sur l'ensemble du territoire. Les formes sont diverses : un café philo sur la dimension éthique à Caen le 24 avril, des "débats mobiles" en mai dans une dizaine de grandes et moyennes villes, avant d'autres rencontres en juin dans une dizaine d'autres, puis une trêve estivale et une fin de débat et restitution prévue le 25 septembre. A l'issue du débat, la commission établira un compte-rendu, auquel la maîtrise d'ouvrage sera tenue de répondre pour dire si elle poursuit ce projet de plan en l'état, en le modifiant ou en l'abandonnant.

 

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