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Emploi - Décrocheurs : des dispositifs coûteux et peu efficaces selon la Cour des comptes

D'un coût de deux milliards d'euros, les dispositifs mobilisés pour la prise en charge des jeunes décrocheurs souffrent d'un manque de lisibilité et d'éparpillement pour des résultats à améliorer, juge la Cour des comptes dans un rapport publié le 20 janvier 2016. Près de 500.000 jeunes en France ont quitté le système scolaire sans qualification.

"A l'heure actuelle, la prise en charge des jeunes sans qualification est éparpillée entre de nombreuses institutions dans le cadre d'une offre globale peu lisible, construite sans porter une attention suffisante aux questions d'efficacité et d'efficience." D'après le rapport de la Cour des comptes publié le 20 janvier 2016, les dispositifs et les crédits mobilisés en faveur des jeunes sortis sans qualification du système scolaire pourraient être améliorés. Ils sont près de 100.000 jeunes chaque année dans ce cas. Au total on compte 480.000 décrocheurs (de 18 à 24 ans). Un nombre qui a toutefois tendance à diminuer depuis plusieurs années. La France n'a cependant pas à rougir par rapport à ses voisins européens : le décrochage touche 9% de la jeunesse française, contre 11% en moyenne en Europe.

Deux milliards d'euros

Mais la Cour des comptes estime que face aux moyens mobilisés en France, autour de deux milliards d'euros (1,4 milliard au titre des dispositifs d'insertion et de formation, 0,5 milliard au titre des emplois aidés), soit 35% du total des aides publiques destinées aux jeunes, les résultats pourraient être meilleurs… Ce financement est assuré pour 50% par l'Etat, 25% par les régions et 15% pour les partenaires sociaux et Pôle emploi.
Parmi les critiques de la Cour des comptes : l'absence d'une politique unifiée de formation et d'insertion pour ces jeunes, du fait de l'intervention de quatre intervenants principaux (le ministère de l'Education nationale, le ministère de l'Emploi, les régions et les partenaires sociaux). Cette gouvernance partagée est considérée comme lourde et peu opérationnelle. "L'architecture d'ensemble de ce système et la dispersion des dispositifs ne permettent pas d'atteindre les objectifs affichés", insiste la Cour dans son rapport. Le repérage des jeunes et la qualité de l'orientation ne sont pas au rendez-vous. Il n'existe pas de référentiel commun, l'élaboration d'un diagnostic partagé de la situation de chaque jeune ne peut donc être réalisé de manière systématique. "L'orientation vers un dispositif ou une prestation est le plus souvent du ressort d'une seule personne, agent de l'Education nationale ou conseiller de mission locale, par exemple, alors qu'une approche coordonnée serait nécessaire", précise le document, qui affirme que "le principe de l'accompagnement global du jeune, qui est affirmé depuis le rapport Schwartz de 1982 et qui fonde en théorie l'action des missions locales, est battu en brèche par la segmentation des dispositifs".
Garantie jeunes, Civis, emplois d'avenir… la Cour des comptes prône une rationalisation des dispositifs. "La garantie jeunes mise en place à titre expérimental fin 2013, et dont le gouvernement prévoit qu'elle bénéficiera à 100.000 jeunes en 2017, pourrait nécessiter des arbitrages financiers et une rationalisation de l'offre existante susceptible de remettre en cause le Civis", estiment les magistrats, qui pense aussi à des arbitrages financiers concernant les emplois d'avenir, dont le coût financier (24.000 euros en moyenne par jeune) est "aussi, voire plus élevé que les dispositifs de deuxième chance, sans inclure le même niveau d'accompagnement."

Réorganiser les dispositifs en quatre ensembles

Face à ces constats, la Cour des comptes avance plusieurs recommandations. En matière de politique, elle préconise de conclure des contrats de programmes régionaux pour faire converger les politiques de l'Etat, des régions et des partenaires sociaux dans le domaine de la formation et de l'insertion des jeunes, et de mettre en place une instance opérationnelle de pilotage.
Concernant les dispositifs, la Cour propose de les réorganiser en quatre ensembles, en fonction du positionnement des jeunes vis-à-vis du marché du travail. Un dispositif d'accompagnement léger, après suppression du Civis, serait orienté directement vers l'emploi pour les jeunes les plus proches du marché du travail. Un autre dispositif, inspiré de la garantie jeunes, serait destiné aux jeunes qui ont besoin d'un accompagnement plus intense. Il serait complété par une allocation pour les jeunes en situation de précarité uniquement. Un troisième ensemble, géré par les régions, serait destiné aux décrocheurs les plus jeunes, qui n'ont pas vocation à réintégrer le système scolaire. Enfin, un quatrième ensemble, pour les jeunes les plus en difficulté, serait constitué des dispositifs de deuxième chance qu'il faudrait mieux articuler avec l'insertion par l'activité économique.
Avant d'orienter le jeune vers un de ces ensembles, un bilan approfondi pourrait être organisé dans le cadre d'un référentiel d'évaluation commun à l'ensemble des parties prenantes.
La Cour des comptes recommande par ailleurs de diversifier les solutions proposées par les plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs (rescolarisation, mais aussi préparation à l'alternance, service civique adapté, accompagnement socio-professionnel). Elle demande à l'Etat d'augmenter, par redéploiement des crédits du ministère de l'Education nationale, le nombre de places disponibles notamment dans les structures de retour à l'école, pour en disposer sur tout le territoire en fonction des besoins.
Enfin, la Cour propose à l'Etat d'harmoniser les barèmes des différentes allocations. Une manière d'éviter que les jeunes ne choisissent un dispositif en fonction de ses conditions financières…