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Commande publique - Délai de "stand still" : ça va mieux en le disant

Dans un arrêt du 24 juin 2011, le Conseil d'Etat a précisé deux règles pratiques de passation des marchés publics : premièrement, il faut toujours penser à indiquer le délai de "stand still" dans son courrier de notification ; deuxièmement, une offre très chère n'est pas automatiquement inacceptable.
Le cas est le suivant : un candidat à un marché de nettoyage passé par un office public de l'habitat   (alors encore soumis au Code des marchés publics) s'était vu notifier par deux courriers successifs  d'abord son éviction pour offre économiquement inacceptable, ensuite l'attribution du lot à une entreprise concurrente. Il a alors saisi le juge des référés précontractuels estimant que l'office avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Apprenant la signature du contrat, intervenue seize jours après la réception de la deuxième lettre, le candidat mécontent s'est désisté de son instance pré-contractuelle pour saisir le juge des référés contractuels. Ce dernier a annulé le contrat.

Le concurrent évincé doit être informé du délai de "stand still"

Conformément aux exigences européennes transposées en 2009 à l'article 80-I 1° du Code des marchés publics, un délai d'au moins seize jours (onze en cas de notification électronique) doit être respecté entre la date d'envoi de la notification et la date de conclusion du marché. Le dernier alinéa de cet article précise que la notification de l'attribution du marché ou de l'accord-cadre doit comporter "l'indication de la durée du délai de suspension que le pouvoir adjudicateur s'impose". En l'occurrence, en l'absence de notification, ce délai ne pouvait être opposé au candidat. Ainsi, devaient être écartées les dispositions de l'article L.551-14 du Code de justice administrative qui ferment la voie du référé contractuel au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel.
Déjà, dans l'arrêt France Agimer du 10 novembre 2010, le Conseil d'Etat avait jugé que cet article ne permettait pas de rendre irrecevable "un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des conditions de l'article 80 du Code des marchés publics".
Les juges du Palais Royal transposent cette solution au cas d'espèce et considèrent que cet article ne permet pas non plus de "rendre irrecevable le recours contractuel du concurrent évincé ayant antérieurement présenté un recours précontractuel qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, ne l'a pas été contrairement à ce qu'exige le dernier alinéa du 1° du I de l'article 80 du Code des marchés publics, du délai de suspension que ce dernier s'imposait entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du contrat".
Ainsi, l'absence d'indication du délai de suspension de signature prive le requérant - qui ignorait la date de signature du contrat - de son droit d'exercer utilement un recours en référé précontractuel à l'encontre du marché. Ce qui est une atteinte aux droits des candidats.

Une offre très chère n'est pas automatiquement inacceptable

Statuant au fond, le Conseil d'Etat saisit l'occasion de rappeler une seconde règle. Si l'article 53-III du Code des marchés publics permet d'éliminer les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables, ces termes ont des sens bien précis. Ainsi, l'article 35-I 1° de ce même code énonce qu'une offre est inacceptable "si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer". Or, en l'espèce l'office public de l'habitat avait jugé économiquement inacceptable et refusé de classer l'offre du candidat évincé au seul motif qu'elle était supérieure de 25% à l'estimation de ses services. Ceci, sans apporter la preuve que l'offre de cette société n'aurait pu être financée par l'office. Cette pratique est contraire au droit : il faut systématiquement apporter la preuve (budgétaire dans le cas précis) que l'acheteur n'a pas la possibilité d'accepter cette offre.

L'Apasp

Références : Conseil d'Etat, arrêt du 24 juin 2011, OPH interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines, n°346665 ; Conseil d'Etat, arrêt du 10 novembre 2010, France Agrimer, n°340944

 

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