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Culture - Démocratie culturelle : le Cese a des idées, mais pas vraiment de solutions

Après s'être penché sur le renouveau des politiques culturelles (voir notre article ci-dessous du 8 avril 2014), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté - par 122 voix pour, 22 contre et 11 abstentions - un avis et un rapport intitulés "Vers la démocratie culturelle". Ce travail est présenté par Marie-Claire Martel, représentante de la vie associative et des fondations, au nom de la section de l'éducation, de la culture et de la communication.
Le concept de démocratie culturelle "englobe et met en cohérence des leviers d'intervention traditionnels utilisés dans les politiques culturelles avec d'autres, relativement nouveaux. Trois axes sont ainsi concernés : la participation et la co-construction des politiques culturelles, l'animation et la médiation culturelles, les pratiques artistiques en amateur".

Des "inégalités tenaces"

Le rapport part du constat que des acteurs de terrain appellent au changement des politiques culturelles. Mais l'aspiration des citoyens à davantage de participation se heurte "à des inégalités tenaces". Les politiques publiques de la culture doivent donc considérer les citoyens comme des acteurs à part entière de la culture.
Pour le rapport, "l'élaboration de politiques davantage décentralisées, horizontales et collaboratives, regroupant des acteurs à la fois publics, privés et issus de la société civile, serait ainsi la meilleure réponse apportée à une situation où il n'existe plus d'acteur unique, dans les circonstances actuelles, à même de poursuivre et d'atteindre les objectifs convergents et interdépendants que partagent l'ensemble des parties prenantes".

Premier principe : l'absence de supériorité d'une forme de culture sur les autres

A partir de ce constat, le rapport propose "trois grands principes" pour guider une politique de démocratie culturelle. Le premier consiste en la réhabilitation de toutes les cultures et l'absence de supériorité d'une forme de culture sur les autres, ainsi que leur "mise en cohabitation".
Il s'agit notamment de donner toute leur place aux "esthétiques invisibilisées", en les intégrant dans des structures généralistes existantes ou en bénéficiant des coopérations territoriales menées avec les associations locales centrées sur ces pratiques. "Aujourd’hui encore, le traitement accordé aux différentes cultures est inégal, et nombreuses sont celles qui souffrent d’un défaut de visibilité, en particulier lorsqu’elles sont issues des minorités", souligne le rapport, prenant en exemple "le cas" des outre-mer "où ces 'esthétiques invisibilisées', ou rendues invisibles, concernent des groupes ethniques représentant une majorité de la population".

"Face à la diffusion d'une offre standardisée, la démocratie culturelle incite à la diversité des goûts"

Second principe : la liberté de choix et d'appréciation des œuvres artistiques et formes culturelles. Celle-ci "nécessite que la démocratisation soit approfondie en luttant contre toutes les inégalités. Face à la diffusion d'une offre standardisée, la démocratie culturelle incite à l'affirmation des préférences et à la diversité des goûts, mais ne saurait se contenter d'être une politique de l'offre".
Enfin, le troisième principe concerne "la réciprocité entre le développement de l'individualité et celui de la vie commune : la démocratie culturelle défend l'idée d'une société construite collectivement, qui commence par la construction de soi, l'épanouissement de la personne à travers la pratique de loisirs ou d'activités culturelles, mais aussi la prise de conscience de sa singularité, résultat de la rencontre, du croisement, de multiples identités". La démocratie culturelle pousse ainsi "au décloisonnement des projets culturels et contribue de fait à une meilleure intégration des individus, au renforcement d'une identité culturelle partagée et à la revitalisation des liens sociaux".

Des propositions souvent trop générales

Au-delà de ces orientations de principe, l'avis et le rapport avancent également une trentaine de préconisations. Mais, comme trop souvent dans les rapports du Cese, celles-ci manquent de précision et ne font l'objet d'aucun chiffrage, ni priorisation. L'avis propose, par exemple, de soutenir la diffusion des cultures et pratiques artistiques souffrant d'un défaut de visibilité "par un mécanisme d'incitation financière", sans autre précision.
De même , le Cese préconise "d'adapter les lieux culturels aux besoins spécifiques des publics les plus fragiles afin de garantir une réelle accessibilité aux œuvres pour tous les publics", de "faire des lieux culturels des lieux du quotidien et d'étendre leurs fonctionnalités, de manière à rompre 'l'effet du seuil' et de les rendre plus familiers", ou encore que "dans le cadre de la lutte pour l'égalité territoriale sur le plan culturel, [...] le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) soit doté d'un budget cohérent avec son champ de compétences étendu, lui permettant d'intervenir sur l'ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales".
Quelques propositions pourraient toutefois être plus rapidement opérationnelles, comme celles consistant à intégrer un volet obligatoire consacré au développement culturel dans les prochains contrats de plan Etat-régions ou à renforcer la validation des acquis de l'expérience (VAE) dans la formation des professionnels du secteur culturel.