Déplacements : les calculateurs d’itinéraires encadrés

Un décret réglemente les calculateurs d’itinéraires et de guidage. Ils devront mieux informer les utilisateurs sur les impacts de leurs déplacements et sur les alternatives à la voiture et éviter le report de trafic vers les voies secondaires. Ils devront encore prendre en compte les mesures de restriction en vigueur dans les zones à faibles émissions- mobilité (ZFE-m) ou visant les poids lourds.

Le décret encadrant les services numériques d’assistance aux déplacements – entendre les calculateurs d’itinéraires tels que ViaMichelin, Mappy, Waze, TomTom ou autres Google Maps – a été publié début août, complété par un arrêté. Il est pris pour application de l’article 122 de la loi Climat et résilience, issu d’un amendement du député Jean-Marc Zulesi (LREM) (voir notre article du 12 avril 2021). Ce dernier entendait à la fois faciliter "la transition des usages vers une mobilité décarbonée", en informant mieux les automobilistes "dès lors qu’existent des alternatives pertinentes à leur déplacement habituel", et limiter les détournements de trafic qu’une telle application peut engendrer, afin qu’elle ne "soit pas responsable de nouvelles externalités négatives et n’incite pas exagérément à l’utilisation de la voiture individuelle sur la base d’une promesse d’un trajet sans embouteillage mais provoquant de nombreuses nuisances environnementales". Le décret met en musique ce double objectif.

Lutte contre les gaz à effet de serre et la pollution

Le texte impose ainsi à ces applications :

• d’indiquer les mesures de restriction en vigueur dans les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) – "au minimum les informations intégrées dans la base de données relative aux zones à faibles émissions mobilité, mise à disposition sur le point d'accès national" (transport.data.gouv.fr – sur ce dernier, voir notre article du 4 mars 2020) –, et ce, dès le résultat d’une recherche d’itinéraire, précise-t-il. À noter que le décret indique que ces informations peuvent – et non doivent – être prises en compte dans le calcul de l'itinéraire considéré ;

• de "rendre accessible facilement à leurs utilisateurs un message de sensibilisation concernant les alternatives à l'utilisation du véhicule individuel". L’arrêté précise qu’il s’agit d’un message du type "Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo", "Pensez à covoiturer", "Passer de 130 à 110 km/h sur autoroute réduit votre consommation de 20%" et " Au quotidien, prenez les transports en commun", complété par la "mention signature" "#SeDéplacerMoinsPolluer". Il devra être "présenté à l'utilisateur de manière régulière, dès le résultat de la recherche d'itinéraire, dans un format aisément lisible, clairement distinguable, sans nécessaire action de celui-ci, et le cas échéant maintenu pendant une durée permettant sa lecture en intégralité", sans pour autant "perturber une situation de conduite" ;

• de leur fournir également au minimum une information relative aux quantités de gaz à effet de serre – qui prenne notamment en compte la phase de fonctionnement des moyens de transport et la phase amont de production des sources d'énergie nécessaires à ce fonctionnement – et aux polluants de l'air (oxydes d'azote et particules PM10) émis par le ou les modes de transport utilisés pour chaque suggestion d'itinéraire. Les services numériques qui visent à faciliter les déplacements multimodaux devront mettre en avant les propositions d'itinéraires dont l'impact est le plus faible en termes d'émissions de gaz à effet de serre. L’arrêté précise que cette "mise en avant" "est effectuée de manière raisonnable compte tenu des préférences d'usage de l'utilisateur, et de manière pertinente au regard des caractéristiques de l'itinéraire, notamment les temps de trajets".

Lorsque l'itinéraire initial comprend une portion en véhicule motorisé dont la vitesse maximale autorisée est supérieure ou égale à 110 km/h, les services numériques d'assistance aux déplacements proposent un itinéraire alternatif prenant en compte une diminution de la vitesse maximale de 20 km/h sur les portions concernées. 

Éviter le report de trafic massif sur le réseau secondaire

Les calculateurs devront encore s’efforcer "de proposer à l'utilisateur un itinéraire évitant l'usage massif de voies secondaires non prévues pour du trafic intensif, notamment en s'assurant que le temps de trajet restant est réduit d'au moins 10% comparé à l'itinéraire maximisant l'usage de voies non secondaires" – ce dans des conditions de trafic exemptées d'événements routiers sur les voies non secondaires. Ces événements, définis par l’arrêté, sont les fermetures de routes, voies, ponts ou tunnels, les accidents, les travaux routiers, les mesures temporaires de gestion de la circulation et les conditions météorologiques affectant la surface ou la visibilité de la route.

Afin de ne pas favoriser cet usage massif des voies secondaires pour du trafic de transit, le décret dispose que les autorités de police de la circulation compétentes peuvent qualifier de voie secondaire un tronçon routier non prévu pour accueillir un tel trafic, dans la limite de seuils dont les caractéristiques et les niveaux seront définis par un arrêté du ministre chargé des transports. Lorsqu'une agglomération est couverte par un plan de mobilité, la qualification des tronçons routiers s'effectue dans les conditions dudit plan. Les calculateurs d’itinéraires devront tenir compte en continu de ces informations dans la proposition d'itinéraire adressée à l'utilisateur.

Encourager le report modal

• En outre, les services numériques qui visent à faciliter les déplacements au moyen a minima de services de transport devront intégrer, au plus tard le 1er décembre prochain, l'ensemble des données sur les services de transport réguliers et à la demande mises à disposition sur le point d'accès national et, au plus tard le 1er décembre 2023, l'ensemble des données sur les services de partage de véhicules, de cycles, de cyclomobiles légers, d'engins de déplacement personnels, ou sur les déplacements à pied, mises à disposition sur ce même point d'accès national (données dont l’arrêté indique qu’elles se limitent à celles "qui font l'objet d'une standardisation, d'une qualité pertinente, et d'une mise à jour ou d'un rafraîchissement suffisant à leur utilisation").

• Les autres services numériques, lorsqu'ils ne proposent pas de services de transport mais proposent a minima l'utilisation du véhicule individuel, devront pour leur part intégrer, au plus tard le 1er décembre prochain, l'ensemble des données relatives au réseau cyclable, aux aires de covoiturage et au stationnement, mises à disposition sur le point d'accès national et, au plus tard le 1er décembre 2023, rendre accessible facilement à l'attention de leurs utilisateurs une information relative aux services d'information à l'intention des usagers (information accessible dès le résultat de la recherche d'itinéraire et contenant a minima les liens d'accès aux différents services d'information référencés, précise l’arrêté), couvrant le cas échéant tout ou partie de l'itinéraire suggéré.

Poids lourds

À compter du 1er mars 2023, les services numériques d'assistance aux déplacements spécifiques aux véhicules lourds seront tenus d'indiquer à leurs utilisateurs les caractéristiques des mesures de restriction visant les poids lourds prises par les autorités de police de la circulation, qui incluent au minimum les informations intégrées dans la base de données relative aux mesures de restriction visant les poids lourds, mise à disposition sur le point d'accès national

Au plus tard le 1er mars 2023, ils devront fournir à leurs utilisateurs, dès le résultat d'une recherche d'itinéraire, une description de l'ensemble des mesures de restriction de circulation en vigueur sur l'itinéraire considéré, ainsi qu'en amont de chacune des portions de voiries soumises à ces mesures. Ces informations prennent la forme d'un message porté à l'attention de l'utilisateur.

Références :  décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements, arrêté du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements, J.O du 5 août 2022, textes n° 29 et 30.