Archives

Exclusion - Depuis dix ans, la pauvreté est restée stable, mais la grande pauvreté a augmenté

L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) a remis, le 25 février, son rapport 2009-2010 à Martin Hirsch et Benoît Apparu, le secrétaire d'Etat au Logement. Intitulé "Bilan de dix ans d'observation de la pauvreté et de l'exclusion sociale à l'heure de la crise", celui-ci marque aussi le dixième anniversaire de la création de l'Observatoire.
La première partie du rapport tente de mesurer l'impact de la crise économique sur la pauvreté. La conclusion en est plutôt mesurée. L'Onpes constate en effet que, contrairement à d'autres pays, "en France, le gouvernement a au contraire décidé en 2008 et en 2009 de s'appuyer sur les systèmes de protection sociale et de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, tout en les renforçant de mesures de relance". Conséquence : l'impact de la crise est resté atténué en 2008 et 2009. Atténué, mais pas absent. D'une part, les indicateurs de la pauvreté ne rendent pas encore compte de la crise actuelle. D'autre part, tous les acteurs de terrain - et notamment les associations caritatives - s'accordent pour faire état d'une "augmentation sensible des difficultés financières des ménages". Enfin, les études d'opinion montrent que la crise a contribué à diffuser la peur de la pauvreté au sein de la société française. Ce constat amène l'Onpes à s'interroger à nouveau sur l'opportunité de travailler à la construction d'indicateurs d'alerte plus réactifs, qui éviteraient de laisser s'installer le sentiment d'un écart entre la mesure de la crise et sa perception par la population. L'Observatoire s'était toutefois déjà lancé, il y a quelques années, dans une démarche de ce type, qui n'avait pas abouti.
La seconde partie du rapport est consacrée à un retour sur dix années d'observation sociale en France. Le principal enseignement est qu'après une période de baisse continue, la pauvreté monétaire et les inégalités de revenus se sont stabilisées. Entre 1998 et 2007, le taux de personnes sous le seuil de pauvreté (moins de 60% du revenu médian, soit 908 euros par mois) est resté quasi stable, passant de 13,6% à 13,4% de la population (environ huit millions de personnes en 2007). En revanche, au sein de la population défavorisée, la situation des plus pauvres s'est dégradée au cours de cette période. La part des personnes vivant avec moins de 40% du revenu médian est en effet passée de 2,1% de la population en 2002 à 3,1% en 2007. L'Onpes y voit la conséquence de la dégradation du marché du travail, qui freine les perspectives de retour à l'emploi pour les publics les plus fragiles. L'Observatoire confirme également la montée en charge du phénomène des travailleurs pauvres, dont le nombre est passé de 1,7 million en 2005 à 1,9 millions en 2007 (6,7% du total des salariés). Il revient aussi sur l'importance de la grande exclusion et des "publics invisibles" (comme les personnes SDF).
Le gouvernement reste toutefois attaché à son objectif de réduction de la pauvreté. A l'occasion d'un déplacement à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), le 24 février, sur le thème du revenu de solidarité active (voir notre article ci-contre du 25 février 2010), François Fillon s'est dit à nouveau convaincu qu'une fois achevée la montée en charge du RSA, "on estime à 700.000 le nombre des personnes qui sortiront de la pauvreté grâce au complément de revenus fourni par le revenu de solidarité active".

 

Jean-Noël Escudié / PCA