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Communication / Elus - Des règles plus contraignantes pour les sondages électoraux

L'Assemblée nationale a adopté, le 5 avril, en dernière lecture, une proposition de loi de "modernisation de diverses règles applicables aux élections". Le texte vise essentiellement les sondages électoraux dont il durcit les obligations de transparence vis-à-vis du public et vis-à-vis de la commission des sondages dont les pouvoirs sont renforcés.

Le 5 avril, l'Assemblée nationale n'a pas seulement adopté, en lecture définitive, la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle, qui a suscité de vives réactions chez les - futurs - petits candidats. Elle a également voté, là aussi en lecture définitive, une proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections. En dépit de son intitulé très large, ce texte se consacre presque exclusivement à la question des sondages.

Le retour d'un texte inabouti en 2011

La proposition de loi modifie en effet la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion. De ce fait - et à la différence de la proposition de loi organique qui ne concerne que la présidentielle -, la proposition de loi ordinaire de modernisation de diverses règles applicables aux élections concerne tous les scrutins. L'article Ier de la loi de 1977 précise en effet que "sont régies par les dispositions de la présente loi la publication et la diffusion de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu'avec l'élection des représentants au Parlement européen".
Le contenu du texte n'est pas vraiment nouveau, puisqu'il avait déjà été adopté en 2011, à l'unanimité, par le Sénat, avant d'être abandonné sous la pression des médias et des instituts de sondages lors de son passage à l'Assemblée (voir nos articles ci-contre de 2011). Ces dispositions ont été largement reprises dans un amendement commun de Hugues Portelli, sénateur (LR) du Val d'Oise, et de Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret.

Davantage de mentions obligatoires pour accompagner le sondage...

La proposition de loi donne une définition du sondage, en y assimilant "les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages liés au débat électoral". Elle renforce surtout la liste des mentions qui doivent accompagner la première publication ou la première diffusion de tout sondage électoral. Pas moins de huit informations devront être fournies, contre quatre dans le texte initial de la loi de 1977.
Outre le nom de l'institut de sondage, celui de l'acheteur (et/ou du commanditaire), le nombre de personnes interrogées et la date du sondage, il faudra désormais ajouter d'autres mentions : le texte intégral de la ou des questions posées (leur formulation est parfois synthétisée dans les présentations des résultats par les médias), une mention "précisant que tout sondage est affecté de marges d'erreur", les marges d'erreur des résultats publiés ou diffusés - "le cas échéant par référence à la méthode aléatoire" -, ainsi qu'une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice du sondage.

... et une notice plus explicite, avec les critères de redressement

Comme cela était déjà le cas sous le régime de la loi de 1977, cette notice doit être déposée auprès de la commission des sondages (instituée en 1977) avant toute publication ou diffusion du sondage. Si certaines dispositions qui étaient prévues dans ce document devront désormais figurer dans les informations accompagnant le sondage (comme le texte intégral des questions posées), la proposition de loi ajoute d'autres éléments au contenu de la notice (qui comprenait déjà la méthode de composition de l'échantillon, les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations et la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions).
Parmi ces nouveaux items de la notice figurent notamment, s'il y a lieu, la nature et la valeur de la gratification perçue par les personnes interrogées, mais aussi, toujours s'il y a lieu, un élément depuis toujours objet de tous les fantasmes sur les sondages politiques : "les critères de redressement des résultats bruts du sondage".

Pouvoir renforcés pour la commission des sondages

La proposition de loi renforce aussi sensiblement les pouvoirs de la commission des sondages, en donnant une définition plus précise et élargie de ces possibilités d'intervention. Ainsi, "la commission des sondages peut, à tout moment, ordonner à toute personne qui publie ou diffuse un sondage défini à l'article Ier commandé, réalisé, publié ou diffusé en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus, de publier ou de diffuser une mise au point ou, le cas échéant, de mentionner les indications prévues à l'article 2 qui n'auraient pas été publiées ou diffusées. La mise au point est présentée comme émanant de la commission. Elle est, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'a provoquée et sans aucune intercalation".

Des précisions sur l'interdiction de publication

Enfin, la proposition de loi simplifie et clarifie la réaction actuelle de l'article 11 de la loi de 1977 sur les restrictions à la publication des sondages. Elle prévoit ainsi qu'"en cas d'élections générales et de référendum, la veille et le jour de chaque scrutin, aucun sondage électoral ne peut faire l'objet, par quelque moyen que ce soit, d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire. Pour l'élection du Président de la République, l'élection des députés et l'élection des représentants au Parlement européen ainsi que pour les référendums nationaux, cette interdiction prend effet sur l'ensemble du territoire national à compter du samedi précédant le scrutin à zéro heure. Cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. En cas d'élections partielles, cette interdiction ne s'applique qu'aux sondages électoraux portant directement ou indirectement sur les scrutins concernés et prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote de la circonscription électorale concernée. Cette interdiction ne fait obstacle ni à la poursuite de la diffusion de sondages publiés avant la veille de chaque scrutin, ni au commentaire de ces sondages, à condition que soient indiqués la date de première publication ou diffusion, le média qui les a publiés ou diffusés et l'organisme qui les a réalisés".
Cette nouvelle rédaction devrait toutefois - comme les tentatives précédentes (la dernière datant de 2013) - n'avoir aucun effet sur la diffusion de sondages, le jour de l'élection, par les médias et les sites internet étrangers.
Le Premier ministre ayant saisi le Conseil constitutionnel afin qu'il vérifie la conformité du texte - sans que l'on sache si la saisine porte aussi sur la proposition de loi ordinaire -, la publication de la loi devrait intervenir dans les prochaines semaines. Les deux textes s'appliqueront pour la première fois lors de l'élection présidentielle de 2017.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections (adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 5 avril 2016).