Déserts médicaux : malgré le plan gouvernemental, les médecins vent de bout
Les syndicats de médecins ont accueilli de façon mitigée le plan gouvernemental de lutte contre les déserts médicaux, saluant la préservation de la liberté d’installation mais s’opposant à toute forme d’obligation notamment dans le cadre de la "solidarité territoriale". Des étudiants et médecins manifestaient ce 29 avril pour protester contre le retour à l’agenda des députés de la proposition de loi Garot – dont l’article prévoyant la régulation de l’installation a déjà été adopté. Si les associations d’élus et d’usagers saluent, dans l’ensemble, les mesures gouvernementales, certaines soutiennent que rien ne pourra être vraiment réglé sans mécanisme de régulation des installations.

© Stephane AUDRAS-REA/ Manifestation des internes en medecine à Lyon contre la loi Garot
Le plan de lutte contre les déserts médicaux du gouvernement dévoilé le 25 avril (voir notre article) n’aura pas suffi à rassurer les médecins, qui sont en grève depuis le 28 avril et manifestaient ce 29 avril à l’appel de plusieurs syndicats. Prévoyant la régulation de l’installation des médecins (voir notre article) et cristallisant de ce fait les oppositions du corps médical, la proposition de loi (PPL) Garot sera en effet de retour à l’Assemblée nationale le 6 mai.
Solidarité territoriale : pour les médecins, le volontariat doit prévaloir
Dans un communiqué du 25 avril, le syndicat des jeunes médecins généralistes ReAGJIR "salue la décision de François Bayrou de revenir sur sa position concernant la régulation à l’installation des médecins" mais maintenait son appel à la grève pour protester contre le maintien de la PPL.
Sur le plan gouvernemental, ce syndicat estime que "certaines mesures répondent favorablement aux attentes des jeunes médecins généralistes" (simplification de l’exercice, guichets uniques pour les aides, "formation relocalisée dans les territoires plus reculés"). Quant au principe de solidarité territoriale qui constitue la véritable nouveauté du plan, le syndicat soulève la faisabilité pratique d’une telle mesure et estime qu’il pourrait s’agir d’"une solution spécifique [uniquement] pour des zones particulières, clairement identifiées, et non sur l’ensemble des communes sous-dotées, qui couvrent aujourd’hui 87% du territoire". "Le principe du volontariat doit être sanctuarisé afin de ne pas surajouter une charge de travail supplémentaire aux médecins les plus débordés", affirme le syndicat.
"Avec 50% des médecins en burn-out et une attractivité en chute libre, ce plan risque d'accélérer les déplaquages et les désertions, aggravant la crise au lieu de la résoudre", prévient de son côté Médecins pour demain. Appelant à ne pas "déshabiller Paul pour habiller Pierre", l’association s’oppose à ce qui est perçu comme une "contrainte déguisée".
La Conf’santé des jeunes médecins, collectif fédérant quatre syndicats d’étudiants et de jeunes médecins – ANEMF, ISNAR-IMG, ISNI et ReAGJIR – ainsi que l’Institut Santé, a présenté le 28 avril dix propositions "pour renforcer la médicalisation des territoires". Pour Frédéric Bizard, économiste et président de l’Institut Santé, ce plan approuvé par les jeunes médecins et le plan gouvernemental comprennent "quelques mesures communes" (comme la réalisation de stages dans les zones sous-denses) mais présentent une différence notable : "le premier se fonde sur des incitations monétaires et non monétaires, le second sur de la coercition administrative".
Les syndicats de médecins ne sont pas tous alignés quant à la poursuite de la grève et des discussions étaient, en fin de journée, en cours au ministère de la Santé. Le ministre de la Santé Yannick Neuder avait annoncé, tôt ce mardi, qu’un accord avait été trouvé la veille avec les syndicats représentatifs du personnel médical, "permettant de lever le préavis de grève illimitée de la permanence des soins, initialement prévu à compter du 1er mai 2025". Si un feu était donc éteint, cela ne concernait que le personnel hospitalier, et non pas les libéraux – également essentiels à la permanence des soins - qui manifestaient aujourd’hui.
Régulation de l’installation : l’APVF pour, l’AMRF contre
Côté élus locaux, l’Association des petites villes de France (APVF) a salué dans un communiqué "une prise de conscience salutaire" et apporté son soutien au principe de solidarité territoriale. "Il est en effet préférable de faire venir les soignants aux habitants, plutôt que de demander à ces derniers de parcourir des dizaines de kilomètres", mettent en avant les élus. L’APVF juge toutefois que "l’urgence impose des mesures plus structurelles et plus courageuses" et soutient la régulation de l’installation des médecins, considérant qu’il ne s’agit "en rien [d’]une mesure coercitive, mais bien [d’]un mécanisme d’orientation pragmatique permettant de répondre à une urgence sanitaire".
"Enfin une première ordonnance délivrée par le Premier ministre", s'est également félicitée l’Association des maires ruraux de France (AMRF), saluant dans un communiqué le plan dans son ensemble tout en regrettant "le degré faible de précisions sur les modalités de mise en œuvre notamment des futures 4es années". L’association, qui est opposée à la régulation de l’installation, ne se prononce pas spécifiquement sur le principe de solidarité territoriale figurant dans le plan. Elle rappelle en revanche ses propositions, dont l’une consiste à "accompagner toute nouvelle installation d’un médecin dans une commune rurale et son pôle de vie choisis par ce dernier (profession libérale oblige), d’une solidarité territoriale d’une journée minimum par semaine dans une maison de santé en secteur sous doté (à proximité)".
Les associations d’usagers de France Assos Santé favorables à la PPL Garot
Du côté des parlementaires, le sénateur Philippe Mouiller et le groupe LR se sont félicités que "l’exécutif s’inspire du Sénat", saluant "un véritable revirement" du gouvernement sur la liberté d’installation des médecins – même si l’article de la PPL Garot sur la régulation avait été adopté contre l’avis du gouvernement. Lors de la présentation du plan, le Premier ministre avait mis en avant le fait que l’option de la régulation reviendrait à l’ordre du jour si les mesures contenues dans ce plan ne fonctionnaient pas. Le ministre de la Santé avait de son côté répété à plusieurs reprises qu’il n’est pas possible de réguler en période de pénurie de médecins.
Les annonces du gouvernement sont "utiles mais insuffisantes", a de son côté considéré le groupe de députés transpartisan à l’origine de la PPL Garot. "La régulation de l’installation des médecins reste la pierre angulaire de toute politique réellement efficace", soutiennent les députés.
Ces derniers sont soutenus par les 100 associations d’usagers regroupées dans le collectif France Assos Santé qui estiment, dans un communiqué, que "la mission de ‘solidarité obligatoire’ du gouvernement ne doit pas se substituer à la PPL Garot, mais s’inscrire en complémentarité".