Archives

Accès aux soins - Déserts médicaux : retour de la proposition de loi encadrant l'installation des médecins

Philippe Vigier, député (Union des démocrates indépendants, centriste) d'Eure-et-Loir, vient de déposer une proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire. Cette proposition n'est pas une inconnue. Elle a en effet été examinée - et rejetée - en première lecture par l'Assemblée nationale le 26 janvier dernier. Avec toutefois une différence de taille : à l'époque, Philippe Vigier appartenait à la majorité et sa proposition était cosignée par une cinquantaine de collègues UDI (alors Nouveau Centre) et UMP. De façon assez surprenante, la proposition de loi initiale opérait pourtant un virage à 180 degrés par rapport au discours traditionnel sur les mesures incitatives et allait au contraire très loin dans la mise en place de mesures d'encadrement de l'installation des médecins libéraux, jusqu'à proposer des dispositions franchement coercitives. Face aux réactions des représentants des médecins et des étudiants en médecine, la majorité avait d'ailleurs fait volte-face et la commission des affaires sociales avait vidé le texte de tous ses articles (voir notre article ci-contre du 23 janvier 2012).

L'installation des professionnels de santé soumise à autorisation

Hors quelques aménagements minimes, la nouvelle proposition de loi reprend les dispositions du texte rejeté par l'Assemblée en janvier dernier. On y trouve ainsi le stage obligatoire de douze mois, en troisième année d'internat, au sein d'une maison de santé pluridisciplinaire ou d'un hôpital situé en zone déficitaire, ainsi que le remplacement de l'examen national par un internat régional classant. On y retrouve aussi les dispositions qui avaient fait polémique. Ainsi, l'article 5 prévoit qu'à l'issue de leurs études, les jeunes médecins "sont tenus de s'installer pour une durée d'au moins trois ans dans un territoire dans lequel le schéma visé à l'article L.1434-7 [du Code de la santé publique, ndlr] indique que l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population". Seule concession par rapport à la version précédente : cette disposition ne s'appliquerait qu'à compter de 2020, épargnant ainsi les étudiants en cours de formation. De même, les articles 6 à 10 de la proposition de loi conditionnent l'exercice de la médecine, de la chirurgie dentaire, de la profession de sage-femme, de la profession d'infirmier libéral et de masseur-kinésithérapeute à l'octroi d'une autorisation d'installation délivrée par le préfet et le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) sur la base de critères de démographie médicale. Il serait ainsi possible d'interdire la création ou le transfert de cabinets dans une zone jugée excédentaire. Si le praticien passait outre, ses actes ne seraient plus remboursés par la sécurité sociale.
Si cette proposition, renvoyée à la commission des affaires sociales, poursuit son parcours parlementaire, le débat pourrait se jouer à fronts renversés. En dépit de l'appartenance de son auteur, le texte ne bénéficiera pas du soutien de l'opposition, qui l'a déjà écarté il y a dix mois. Mais il pourrait intéresser certains parlementaires parmi les députés verts ou ceux de la gauche de la majorité. De son côté, la ministre des Affaires sociales et de la Santé devrait rester très prudente. Réagissant en juin dernier à des propositions du Conseil national de l'ordre des médecins - qui préconisait lui aussi des mesures très directives, sinon coercitives, sur l'installation des jeunes médecins, avant de se rétracter -, Marisol Touraine avait alors affirmé : "Pour ce qui est de l'installation [des médecins], aujourd'hui, je joue la carte de la négociation, de la concertation et du dialogue." (Voir nos articles ci-contre du 29 juin et du 30 mai 2012.) Mais, en cas d'échec des négociations, le gouvernement n'excluait pas des mesures plus contraignantes.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi n°284 visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012).