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Détecter, orienter, accompagner : le plan de Bercy pour les entreprises en sortie de crise

Un numéro unique, un conseiller départemental, un fonds de transition… Le gouvernement avance ses pions pour accompagner les entreprises dans la sortie de crise. Présenté le 1er juin 2021, le plan tient en trois volets : détecter les entreprises en difficulté, les orienter et les accompagner.

Le gouvernement se met en ordre de bataille pour préparer la sortie de crise. Lors d'une conférence de presse organisée le 1er juin 2021, jour de la fin de l'état d'urgence sanitaire (voir notre article), Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, et Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, ont présenté les dispositifs d'accompagnement des entreprises dans la sortie de crise, répartis en trois volets : la détection des entreprises en difficulté, leur orientation vers le meilleur interlocuteur et la meilleure solution, et leur accompagnement. "Au moment où nous commençons à déconfiner, la phase de transition est la plus délicate, il faut faire du sur-mesure", a affirmé Bruno Le Maire se fixant comme objectif de sortir progressivement du "quoi qu'il en coûte" pour éviter les défaillances d'entreprises en cascade. Car si leur nombre a été contenu jusqu'à maintenant, grâce au soutien de l'Etat, d'après les données de la Banque de France, 5 à 8% des entreprises françaises pourraient faire face à des problèmes de dettes, particulièrement dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de l'industrie manufacturière et du commerce. Le gouvernement compte aider celles qui sont en difficulté mais qui sont aussi viables économiquement.

Parmi les dispositions annoncées : la fusion entre l'outil de détection des difficultés des entreprises de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et Signaux Faibles, développé dans le cadre d'un partenariat établi depuis 2019 par la Direction générale des entreprises (DGE), la Banque de France, l'Urssaf et la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Un numéro unique : 0806 000 245

Autre nouveauté : la mise en place d'un numéro unique (0806 000 245) à destination des entreprises sur les aides d'urgence et l'orientation vers les dispositifs ou solutions pouvant répondre à leurs difficultés, opéré par les services de la DGFIP et de l'Urssaf. La mise en place d'un conseiller départemental est également annoncée. Il devient le point de contact privilégié pour orienter les entreprises en situation de fragilité. Désigné par l'Etat et fonctionnaire de la DGFIP, ce conseiller proposera aux entreprises, selon leur situation, une solution adaptée et opérationnelle. Il pourra mobiliser les outils d'accompagnement financiers mis en place par l'Etat, comme un aménagement des dettes sociales et fiscales, voire un prêt direct de l'Etat. En revanche, les entreprises de plus grande taille ou présentant une spécificité sectorielle continuent quant à elles à bénéficier d'un accompagnement spécifique, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) pour les entreprises de plus de 400 salariés, ou le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés d'entreprises (CRP) pour les entreprises de plus de 50 salariés ou les entreprises industrielles de moins de 50 salariés nécessitant une restructuration du passif.

"C'est sur le réseau des conseillers départementaux que tout repose, nous n'allons pas tout traiter au niveau national, il faut un traitement au cas par cas au plus près du terrain, a expliqué Gérard Pfauwadel, conseiller national à la sortie de crise, responsable de l'animation au niveau national du comité réunissant l'ensemble des parties signataires du plan d'action, il va falloir créer ce réseau, l'animer et les transformer en partenaires de confiance, c'est ce qui est le plus difficile, car les entreprises n'aiment pas faire part de leurs difficultés." Le comité national animé par Gérard Pfauwadel réunit les représentants des professions du chiffre et du droit, les institutions financières, les fédérations d'entreprises, les organismes consulaires et les représentants de l'Etat. Il est censé travailler en association avec les régions, notamment sur la partie détection et accompagnement des entreprises en difficulté, à travers les cellules régionales de veille et d'alerte précoce (CVAP), réunissant la direction régionale des finances publiques (DRFIP), l'Urssaf, la Banque de France et des représentants du conseil régional, et dont le déploiement doit se poursuivre dans les prochains mois. "Nous avons souhaité nous appuyer sur les structures au niveau départemental car c'est le point le plus proche des entreprises mais les régions sont très impliquées", assure-t-on à Bercy.

Un nouveau fonds de transition pour les ETI et les grandes entreprises

Parmi les solutions proposées : les prêts garantis par l'Etat (PGE), qui vont être prolongés jusqu'à fin 2021, les prêts exceptionnels pour les petites entreprises, les avances remboursables et prêts bonifiés pour les PME et ETI, disponibles depuis la mi-2020 et prolongés eux aussi en 2021. L'Etat ajoute à cette palette un fonds de transition de 3 milliards d'euros pour les entreprises de taille significative, notamment les ETI et les grandes entreprises, dont l'activité a été affectée par la crise. Le fonds, géré par le ministère de l'Economie (fonds.transition@dgtresor.gouv.fr), va intervenir en prêts, quasi-fonds propres et fonds propres, dans le cadre d'une approche au cas par cas. Il sera alimenté à travers un budget de 600 millions d'euros inscrit dans le projet de loi de finances rectificative qui doit être présenté ce mercredi 2 juin en conseil des ministres, le reste étant apporté via le redéploiement d'enveloppes non consommées l'an dernier. Des plans d'apurement des dettes fiscales et sociales sont aussi prévus. Il pourra y avoir des annulations de dettes mais "cela restera un cas exceptionnel", a précisé Bruno Le Maire, jugeant "déraisonnable d'envisager une annulation massive des dettes".

Côté judiciaire, l'idée est d'intervenir de manière plus précoce en privilégiant les procédures préventives. Une procédure amiable simplifiée sera proposée aux entreprises employant au plus dix salariés et rencontrant des difficultés financières en raison de la crise, sous la forme d'un "mandat ad hoc de sortie de crise". "Quand les difficultés apparaissent, le chef d'entreprise est souvent seul, il a honte et n'ose pas. Or, plus les difficultés sont anticipées, plus le redressement peut être effectué avec succès", a insisté Eric Dupond-Moretti. Le coût de la procédure sera plafonné à 1.500 euros HT pour les entreprises de moins de cinq salariés et à 3.000 euros HT pour les entreprises de cinq à dix salariés. L'Etat envisage aussi de pérenniser la possibilité pour le débiteur de demander au juge, dans le cadre d'une procédure collective, de suspendre l'exigibilité des créances avant toute mise en demeure ou poursuite.

Fort du plan de France Relance, dont 35 milliards d'euros ont déjà été engagés, le gouvernement garde son objectif de croissance de 5% pour 2021 et un niveau d'activité d'avant-crise dès le premier trimestre 2022.