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Politique de la ville - Deuxième comité interministériel Egalité et Citoyenneté : rien de bien nouveau sous le soleil des Mureaux

Peu de nouvelles mesures, ce 26 octobre aux Mureaux, dans le cadre du second comité interministériel Egalité et Citoyenneté. C'était surtout l'occasion pour le gouvernement de mettre sous un même document les dispositifs déjà annoncés et de prévenir du report du projet de loi Egalité et citoyenneté à février 2016. A signaler également la nomination de 10 délégués du gouvernement qui agiront, à titre expérimental, durant un an, sur 10 sites de la politique de la ville pour stimuler les politiques de droit commun.

"Insidieusement, au cœur de la République, un poison s'est répandu : celui d'un contre modèle de société, un modèle contre la République et ses valeurs", a déclaré Manuel Valls, le 26 octobre aux Mureaux (Yvelines), lors du second comité interministériel Egalité et Citoyenneté. Cette réunion, composée de 17 ministres et secrétaires d'Etat autour du Premier ministre, intervenait huit mois après le premier Ciec.
"Dire cela, ce n'est pas stigmatiser. C'est faire justice à toutes celles et ceux qui sont victimes de cet ordre que certains font régner", a poursuivi Manuel Valls, voulant exprimer ainsi toute sa "lucidité". "Politiques de peuplement absurdes, immigration pauvre concentrée dans les mêmes villes, les mêmes quartiers, fuite des classes moyennes : appelons-le comme on veut, mais l'apartheid dont j'ai parlé, c'est cela !", a-t-il une nouvelle fois assumé.
Quant aux mesures de ce nouveau comité interministériel (qui ressemblent beaucoup à celles du précédent, voir notre article ci-contre du 10 mars 2015), elles s'organisent autour de cinq priorités : lutter contre les ségrégations ; lutter contre les discriminations ; faciliter les relations entre forces de sécurité et population ; prévenir la radicalisation ; nommer des délégués du gouvernement sur 10 sites pilotes. Cette dernière priorité, comme auront pu le relever les lecteurs de Localtis,  semble être à peu près la seule nouveauté.
 

10 délégués du gouvernement pour expérimenter une nouvelle méthode de travail avec l'Etat

Une expérimentation dans 10 agglomérations - Le gouvernement annonce qu'il nommera dix délégués du gouvernement pour expérimenter une nouvelle "méthode de travail" durant un an, sur 10 agglomérations concernant 17 quartiers dont trois sont déjà identifiés : le quartier des Merisiers-Plaine de Neauphle à Trappes (Yvelines), le quartier intercommunal Drouot-Jonquilles à Mulhouse-Illzach (Haut-Rhin) et le quartier Monclar-Rocade Sud à Avignon (Vaucluse). Les autres agglomérations seront bientôt connues. Un premier bilan national de l'expérimentation sera réalisé d'ici un an.

Mobiliser les politiques de droit commun - Une mesure à laquelle "croit beaucoup" Manuel Valls, qui considère à juste titre - et comme le répète nombre d'acteurs de la politique de la ville (voir nos articles ci-contre) - que "le cloisonnement, l'intervention en silo, la surenchère bureaucratique sont des obstacles à l'efficacité de notre action ; ils sont, aussi, des sources de démobilisation, des personnels, tout comme des citoyens. C'est alors le sentiment d'impuissance publique qui prend le pas". "Le délégué du gouvernement aura l'autonomie nécessaire, notamment budgétaire, pour mobiliser les ressources du territoire – administration comme associations – afin de bâtir de manière réactive – et créative ! – des solutions sur mesure pour obtenir des résultats tangibles pour les habitants", a annoncé le Premier ministre.

Une "task force" locale - Le délégué pilotera une "task force" locale, constituée par le préfet, en lien avec le maire et le président de l'intercommunalité. Cette "task force" interviendra sur des projets identifiés localement comme prioritaires "et pour lesquels des résultats seront attendus dans un calendrier accéléré". Car il s'agit aussi, en termes de communication politique d' "obtenir plus rapidement des résultats visibles". Les 10 "task force" expérimentales mobiliseront des "moyens d'intervention dédiés", promet-on, et "à chaque étape du processus, les habitants du quartier seront associés".

Cinq missions - Plus précisément, le délégué aura cinq missions. D'abord, coordonner l'action des services de l'Etat et de ses opérateurs, "pour véritablement territorialiser la mobilisation du droit commun et des crédits spécifiques de la politique de la ville à l'échelle du quartier". Ensuite, apporter appui et expertise aux collectivités "pour faciliter la mobilisation de leurs moyens propres d'intervention et contribuer à la réalisation des projets". Lui reviendra aussi la charge d'organiser la coconstruction avec les habitants, en s'appuyant sur les conseils citoyens et, pour les quartiers "Anru", sur les maisons du projet. Le délégué devra aussi "promouvoir des pratiques innovantes", en s'appuyant notamment sur une équipe de ressources pluridisciplinaire (architectes, urbanistes, économistes, experts de la santé, de la sécurité, …). Enfin, il a la charge de "coordonner au plus près, optimiser et veiller au respect" des calendriers des projets.
 

Logement : le projet de loi au conseil des ministres en février 2016

La liste des 36 communes "SRU" – Manuel Valls a rendu publique une première liste de 36 communes carencées en logements sociaux, au titre de la loi SRU (*). Paca est la région la plus représentée avec 17 communes, devant l'Ile-de-France (8), le Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes (5 chacune) et l'Aquitaine (1). Le gouvernement précise que cette liste "tient compte des contraintes objectives et des efforts réalisés". Une seconde liste serait publiée au premier semestre 2016.

Un projet de loi exclusivement sur le logement - "En matière de logement, nous allons nous donner les moyens d'honorer nos engagements. Un projet de loi sera présenté courant 2016", a déclaré le Premier ministre. Le texte est donc reporté de deux mois et ne porterait que sur le logement (il avait été envisagé des volets sur l'emploi, la sécurité ou encore la justice).

Les grands axes du projet de loi – Le texte comporterait quatre axes : imposer au niveau des intercommunalités une part "incompressible" d'attributions de logements hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aux demandeurs de logements très sociaux ; permettre l'accès à des logements dans des territoires où les loyers sont trop chers à des foyers modestes et favoriser l'arrivée de ménages plus aisés dans les quartiers politique de la ville ; renforcer les sanctions contre les maires refusant de construire des logements sociaux en transférant aux préfets leur contingent municipal d'attribution. Ces orientations étaient déjà connues (pour plus de détail voir notre article ci-contre du 2 octobre 2015).

Campements illicites – Dans son discours, Manuel Valls a déclaré : qu "il ne fallait pas et il ne faut pas laisser s'installer, en lisière des quartiers en difficulté des campements illicites" au nom d'une politique de peuplement qui vise à "ne pas ajouter des difficultés aux difficultés, de la détresse, à la détresse".
 

Sécurité et prevention de la radicalisation

Caméras-piétons - Expérimentées depuis avril 2013, les caméras-piétons seront bien généralisées, comme l'avait annoncé Manuel Valls en mars 2015. Une doctrine d'emploi de ces caméras (respect des droits individuels, conservation des images...) sera intégrée au projet de loi Egalité et Citoyenneté. Selon Matignon, cette expérimentation "est un succès reconnu par tous". Ces petites caméras placées sur le torse des policiers et gendarmes vont "faire partie de l'équipement classique des forces de l'ordre sur le terrain", a précisé Manuel Valls. Aujourd'hui, 1.534 caméras-piétons sont en service, dont 961 dans la police et 573 dans la gendarmerie.

Prévention de la délinquance et radicalisation - Le comité n'a pas fait l'objet d'autres annonces en matière de sécurité, si ce n'est dans la lutte contre la radicalisation, phénomène qui selon Manuel Valls concerne "des milliers de jeunes" en proie à une "errance morale". Toutes les mesures de prévention de ce comité tournent d'ailleurs autour de ce thème. Le comité interministériel à la prévention de la délinquance verra ainsi son intitulé élargi pour devenir le "comité interministériel à la prévention de la délinquance et à la radicalisation". Des formations spécifiques seront dispensées aux travailleurs sociaux, aux bénévoles des associations mais aussi aux fonctionnaires, notamment territoriaux. Un module fera partie des formations initiales dispensées par "les écoles du service public, sur la base d'un cahier des charges unique (grandes écoles, écoles supérieures du professorat et de l'éducation, instituts régionaux d'administration…)". Un partenariat sera noué avec le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) pour étendre ce dispositif aux collectivités territoriales et aux acteurs de la politique de la ville. Le thème devra être à l'ordre du jour des prochains comités de pilotage des contrats de ville et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Rien sur les clubs sportifs ni sur les ZFP - Le comité n'a pas précisé si des mesures spécifiques seraient prises dans les clubs sportifs, comme l'avait laissé entendre François Hollande, le 19 octobre sur RTL, quelques jours après qu'une note du Service central du renseignement territorial l'avait alerté sur l'ampleur du prosélytisme religieux sur les stades... Aucune annonce n'a été faite concernant les zones de sécurité prioritaires (ZSP) alors qu'une mission d'évaluation confiée au préfet Christian Lambert (futur directeur de la Sûreté de la SNCF au 1er novembre 2015) devait remettre ses conclusions à la mi-octobre. La mission pourrait notamment proposer des ajustements géographiques.
 

Education : carte scolaire et parcours d'excellence au programme

Carte scolaire – "Pour casser les logiques de ségrégation sociale au collège, la carte scolaire sera revue en élargissant les secteurs de recrutement", a indiqué Manuel Valls. Annoncée comme une nouveauté, la démarche "mixité sociale au collège" avait été engagée il y a plus d'un an et déjà re-annoncée au précédent comité interministériel. La démarche sera précisée en novembre prochain et déployée "d'ici à la fin 2015" sur au moins 10 territoires pilotes pour une mise en œuvre effective à la rentrée 2016. Ils pourront, "après concertation avec toutes les parties et notamment les familles", mettre en œuvre les nouvelles dispositions permettant la création de secteurs multicollèges (voir nos articles Carte scolaire calée sur un périmètre de transports urbains : un décret invite à passer des conventions du 22 juillet 2014 et Mixité sociale dans les collèges : une circulaire suggère un mode de concertation entre conseils généraux et rectorats du 9 janvier 2015).

Parcours d'excellence – Suite à des expérimentations réussies, un cahier des charges sera établi pour permettre la mise en place à partir de la rentrée 2016, dans les 350 collèges REP+, de parcours d'excellence conduisant des collégiens de 3e volontaires et des lycéens professionnels à préparer leurs poursuites d'études. A l'initiative des académies, des partenariats expérimentaux seront constitués entre collèges REP+ et établissements d'enseignement supérieur. "Associations, collectivités et branches professionnelles pourront s'y associer", indique le ministère de l'Education nationale. Pour soutenir cette dynamique nationale, un délégué ministériel aux parcours d'excellence est créé.
"Les enfants d'ouvriers sont 5% en cursus de doctorat, 6% seulement dans les classes préparatoires aux grandes écoles et moins de 3% dans les écoles normales supérieures et autres grandes écoles", a rappelé le Premier ministre.

Fonction publique - "Il n'y a pas assez de hauts fonctionnaires issus des milieux populaires", a rappelé Manuel Valls. Pour y remédier, le comité interministériel a décidé que chacune des 75 écoles qui préparent à l'accès à la fonction publique devra proposer un programme de renouvellement des origines sociales de ses élèves d'ici le 30 juin 2016, pour une mise en œuvre progressive à la rentrée 2016. Ce programme s'appuiera sur un diagnostic portant sur l'origine socio-économique des élèves et fixera un objectif de diversification de recrutement. Il pourra inclure des dispositifs du type : développement de l'apprentissage, mobilisation des classes préparatoires intégrées (CPI)...
Par ailleurs, une campagne de testing serait lancée en novembre sur les recrutements dans la fonction publique.
 

Culture

Les QPV dans le plan "conservatoire" - A partir de 2016, le ministère de la Culture redéfinira ses modalités d'intervention auprès de 450 conservatoires classés par l'Etat et mobilisera des financements nouveaux (voir notre article Culture : comme promis, le budget 2016 augmente). Une aide nouvelle en faveur des familles les plus modestes sera expérimentée pour les aider à emprunter ou à acquérir un instrument de musique pour leurs enfants. Le "plan conservatoire" touchera notamment les quartiers prioritaires : d'ici 2018, 30 orchestres seront déployés dans 30 territoires prioritaires, touchant 3.000 jeunes. Manuel Valls a insisté pour que "dans les quartiers, la pratique de la musique, toutes les musiques, puisse être accessible".

Valorisation des cultures urbaines - Plusieurs actions sont annoncées : la création d'un diplôme national supérieur professionnel (DNSP) de danse hip-hop "qui doit permettre la professionnalisation des danseurs dans ce domaine" ; le soutien à la réalisation d'œuvres réalisées par des artistes de street-art dans le cadre de la commande publique en 2015 et 2016 ; le soutien au développement du "Buzz Booster", dispositif dédié au repérage de jeunes talents du rap. Les ministres de la Culture et de la Ville soutiendront au printemps 2016 la création d'un grand évènement national dédié aux cultures urbaines et au hip-hop.

emploi : une Campagne de "testing" dans les entreprises

Alors que le développement économique est censé être l'une des grandes priorités des nouveaux contrats de ville, le comité n'a débouché sur aucune mesure nouvelle dans ce domaine. Après l'échec des emplois francs, le gouvernement propose uniquement de lancer une campagne nationale de "testing" pour démasquer d'éventuelles pratiques discriminatoires dans les entreprises. Un échantillon d'entreprises de plus de 1.000 salariés sera ainsi testé à partir des offres d'emploi qu'elles publient. Une synthèse sera rendue publique à la mi-2016. "J'engagerai alors un dialogue – c'est inédit ! – avec les entreprises dont le testing aura révélé des pratiques discriminatoires", a déclaré Manuel Valls.

Valérie Liquet et Michel Tendil


(*) En Aquitaine: Le Pian-Médoc (33). En Ile-de-France : Gournay-sur-Marne (93), Maisons-Laffitte (78), Montlignon (95), Neuilly-sur-Seine (92), Ormesson-sur-Marne (94, voir notre article le ministre de la Ville fait une descente à Ormesson), Périgny-sur-Yerres (94), Saint-Maur-des-Fossés (94), Yerres (91). En Languedoc-Roussillon: Canet-en-Roussillon (66), Les Angles (66), Saint-Georges-d'Orques (34), Saint-Privat-des-Vieux (30), Villeneuve-lès-Béziers (34). En Paca : Carqueiranne (83), Carry-le-Rouet (13), Contes (06), Eguilles (13), Fréjus (83), Gémenos (13), La Crau (83), Le Cannet (06), Le Castellet (83), Les Pennes-Mirabeau (13), Lorgues (83), Mimet (13), Pégomas (06), Pernes-les-Fontaines (84), Plan-de-Cuques (13), Saint-Saturnin-lès-Avignon (84), Solliès-Toucas (83). En Rhône-Alpes : Charbonnières-les-Bains (69), Chazay-d'Azergues (69), Collonges-sous-Salève (74), Reyrieux (01), Saint-Jorioz (74).

 

 

 

 

 

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