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Dalo - Doit-on imaginer un nouveau logement très social pour le privé?

Lors des huitièmes Entretiens de l'habitat, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a choisi d'aborder le grand dossier prioritaire du logement, le droit opposable au logement, et de réfléchir, sur la base de l'exemple anglais, sur les conditions de sa réussite dans le logement privé.

"La loi du 5 mars 2007 a surtout pour vocation d'organiser le recours contentieux", lance, le 9 octobre, en introduction des huitièmes Entretiens de l'habitat de l'Anah, Alain Lecomte, le directeur général de la DGUHC (Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction). Rappelant que le dispositif de médiation - même si les commissions départementales n'étaient pas jusqu'ici toutes opérationnelles - existe depuis 1990, le directeur général a précisé qu'il reste à mettre en cohérence les outils existants (PDALPD et PLH) et à donner un rôle réel aux futures commissions départementales de prévention de l'expulsion. "Dans les semaines qui viennent, notre travail va consister à identifier les demandeurs 'super prioritaires' (ceux auxquels un logement doit être attribué en urgence) et à identifier l'offre. Cela va sans doute justifier une réorganisation du contingent préfectoral."
Et pour assurer que le Dalo peut devenir réalité dans le logement privé, l'Anah s'est appuyée, lors de ces Rencontres de l'habitat, sur l'exemple de "Temporary Housing" mis en place à Londres. "La loi votée en 1997 en Grande-Bretagne n'est devenue réalité que dix années plus tard", explique Yan Maury, chercheur et enseignant au CNRS. Les "housing associations" sont chargées par les collectivités territoriales à qui revient l'obligation de loger les sans-abri, de la gestion locative (prospecter les propriétaires privés, rénover les appartements et suivre les locataires). Que le logement soit occupé ou non, le propriétaire est assuré d'avoir des loyers à un prix très proche du marché. De plus, ces logements sont remis en l'état après le départ des locataires. Ces "housing associations" engrangent un bénéfice réel et sont choisies par les collectivités par appels d'offres. Les loyers sont à 90% payés par l'Etat (aides personnelles au logement) et les baux sont à durée limitée.

 

En Angleterre : les collectivités sont les pilotes

Pour Jean-Pierre Caroff, vice-président de Brest Métropole Océane, ce dispositif se rapproche de celui des agences immobilières sociales : "Nous avons une telle structure à Brest qui gère 261 logements. Malgré tout, on constate des différences de taille entre le système anglais et le nôtre : le niveau de l'allocation logement versée par l'Etat, le fait que le dispositif français ne permet pas de payer le propriétaire durant les temps de vacance et enfin, l'absence de prise en compte des dégradations." Sur la question des impayés, Jean-Pierre Caroff estime qu'avec le FSL (fonds de solidarité pour le logement), c'est "faisable". Autre point mis en avant mais qui n'a pas fait l'unanimité parmi les intervenants : le dispositif anglais a choisi de ne pas mettre en contact les locataires et les propriétaires. Faut-il s'en inspirer en France avec la mise en place d'intermédiaires ? 
Pour Yan Maury, la différence est ailleurs. Le pilotage est clairement désigné : ce sont les collectivités locales. La loi Dalo, pour rappel, donne la responsabilité à l'Etat tout en ouvrant l'expérimentation aux délégataires des aides à la pierre. Sur ce point, la ministre du Logement, Christine Boutin, qui intervenait à l'issue de la rencontre est catégorique : "C'est à l'Etat d'assumer le Dalo alors que ce sont les collectivités qui ont les outils! J'invite donc tous les spécialistes de l'Anah à promouvoir le Dalo dans les Opah (opérations programmées d'amélioration de l'habitat)." Jean-Pierre Caroff, l'unique intervenant représentant des collectivités, considére que, "dans la situation actuelle, il faut imaginer une intervention forte des collectivités pour jouer sur le marché". Délégataire des aides à la pierre depuis trois ans, Brest Métropole enregistre des résultats encourageants : le nombre de logements conventionnés est passé de 21 en 2005 à 114 en 2007.  "Aujourd'hui, nos questionnements sont simples : jusqu'où pouvons-nous apporter notre contribution et pour quelle réussite ?" 

 

En France : les propositions ne manquent pas

Pour Bernard Lacharme, secrétaire générale du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et membre du comité de suivi Dalo, "l'exemple anglais nous montre que les outils ne suffisent pas, il faut aussi des moyens". Et de lancer une piste qui pourrait trouver sa place dans le rapport que le comité va présenter dans quelques jours au président de la République : "Si les logements PST (programmes sociaux thématiques financées avec le soutien de l'Anah visant à améliorer des logements et à les affecter aux personnes les plus défavorisées) sont dans le contingent préfectoral, il n'en est pas de même des logements sous conventionnement social classique. Il est important que l'ensemble du parc ouvert aux APL soit ouvert à la réservation." Sur la question du conventionnement, Jean-Pierre Caroff est quant à lui favorable à la mise en place d'une véritable évaluation du dispositif. "Combien de logements sont loués aux loyers prévus et quelles sont parmi les personnes logées, celles qui étaient initialement ciblées ?", s'interroge-t-il.
Philippe Pelletier, président de l'Anah, liste trois propositions : "Il faut insister sur le rôle très social du propriétaire privé qui s'engager à louer à des personnes prioritaires du Dalo en supprimant toute fiscalité sur ces revenus locatifs modiques." Sur cette question, Christine Boutin ne s'est pas engagée rappelant que la fiscalité ne faisait pas partie de son portefeuille ministériel. Autre proposition, il faut compléter le dispositif de la GRL (garantie des risques locatifs) pour faire en sorte que la remise en état soit prise en charge. Enfin, troisième proposition, le président de l'ANAH demande un soutien au dispositif de location / sous-location fait par les associations "avec la possibilité de conventionner la location à une association à un niveau intermédiaire permettant ainsi à cette association d'élargir l'offre de logements locatifs privés très sociaux". Conclusion de Jean-Pierre Caroff : "Je ne donne pas cher du Dalo si, sur le terrain, aucune politique locale n'existe." Un premier candidat à l'expérimentation ?


Clémence Villedieu