Données scolaires : des relations à conforter entre académies et collectivités

Les échanges de données entre académies et collectivités sont essentiels à la conduite des politiques éducatives publiques. Pourtant, s'ils sont répandus, ces échanges ne sont ni systématiques ni réguliers ni homogènes. Pour surmonter une insatisfaction chronique, une mission ministérielle avance des propositions.

Absence de stratégies coordonnées, régionalisation comme facteur d’hétérogénéité, insatisfaction systématique, tels sont les points noirs relevés par l'inspection générale de l'Éducation, des Sports et de la Recherche (IGESR) dans son rapport sur "la complémentarité des préoccupations entre État et collectivités autour de la donnée scolaire" récemment publié.

La donnée scolaire ?  L'IGESR reconnaît qu'il n'en existe pas de "définition réglementaire précise" mais évoque "tout assemblage d’informations susceptible de venir éclairer et guider le fonctionnement du système éducatif". Surtout, elle constitue "une variable de plus en plus stratégique dans la mise en œuvre des politiques publiques".

Ces dernières années, la donné scolaire a été marquée par "une accélération des étapes structurantes" – introduction du règlement général sur la protection des données (RGPD), feuille de route du ministère de l'Éducation nationale en matière de données numériques, règlement européen relatif à la gouvernance européenne des données – et la crise sanitaire a révélé "une importance accrue de l’usage de la donnée et de l’information à des fins pédagogiques".

Une convention avec les régions

Cet encadrement juridique avait été précédé d'un acte fondateur : la convention du 27 juillet 2015 entre l'association Régions de France et le ministère de l'Éducation nationale. Cette convention posait les bases d’une collaboration institutionnelle et répondait à un besoin d’informations au moment où les régions voyaient certaines de leurs compétences en matière éducative renforcées. Le but était alors de "normaliser les échanges d’informations en volume et en qualité de façon à permettre aux différents décideurs de mieux dialoguer aux fins de construire des politiques cohérentes et efficientes à partir de données sélectionnées documentées et communément reconnues".

La convention précisait la nature des données pouvant être transmises par chaque niveau de production, les usages pouvant en être faits et les personnes habilitées à les recevoir. Le ministère fournissait par exemple des données individuelles anonymisées sur les élèves, les formations, les établissements, le nombre de boursiers, les flux d’élèves, etc. De leur côté, les régions renseignaient les données immobilières, les capacités d’accueil dans les formations sanitaires et sociales et, selon les académies, les subventions aux établissements, le parc numérique et les aides aux lycéens, etc. La convention a, en outre, servi de base à des déclinaisons locales.

Des échanges nourris sur les élèves

Pour mener à bien sa mission, l'IGESR a réalisé une enquête auprès des académies. Ses résultats mettent en lumière la réalité des échanges de données entre l'Éducation nationale et les collectivités. Tout d'abord, on y apprend que près de 90% des académies ayant répondu connaissent l’existence de la convention avec Régions de France, mais que seules 60% s'y réfèrent pour promouvoir une déclinaison locale. Il ressort également de l'enquête que si "la variété des comportements relationnels est forte", certaines académies "ont déjà fortement structuré leurs relations" avec les collectivités.

Dans le détail, les échanges de données se divisent en deux. Les plus répandus concernent les statistiques relatives aux élèves : données démographiques (dans 100% des cas), nombre de boursiers (96%), taux de scolarisation (92%), prévisions démographiques (88%). Pour les rapporteurs, ce suivi quantitatif des élèves s’explique "par le fait que ces données sont nécessaires aux collectivités pour déterminer des choix d’investissement conséquents sur le bâti scolaire et prendre des décisions en lien avec la carte des formations".

Viennent ensuite des échanges moins répandus touchant à certaines compétences des collectivités : restauration (dans 52% des cas), recensement des enfants soumis à l'obligation scolaire (44%), décrochage scolaire (36%), politique inclusive (20%), santé (16%), activités péri et extrascolaires (12%), etc. Ici, la mission note que les "préoccupations de nature pédagogique ne ressortent pas aussi systématiquement que ce que l’on pourrait attendre". Elle émet l’hypothèse que si "certaines régions, bien structurées en la matière, représentent de vrais interlocuteurs pour les autorités académiques […] d’autres, moins avancées en la matière, n’ont pas réellement investi ces champs pédagogiques". La mission envisage toutefois "qu’à court ou moyen terme, cet élargissement thématique fera l’objet d’une progressive généralisation".

Surmonter les réticences

Plus globalement, 90% des académies échangent au niveau académique, c'est-à-dire avec la région, et 80% au niveau départemental. Près de la moitié considère que ces échanges sont essentiels à l’efficacité de la politique éducative et appellent de leurs vœux une amélioration de la régulation de ces échanges. En outre, les difficultés relationnelles semblent inexistantes au niveau académique/régional, mais concernent 15% des relations infra-académiques, entre Dasen et collectivités. "La proximité territoriale et la précision dans l’échelle de la donnée semblent être des facteurs qui tendent les relations entre autorités académiques et collectivités là où une amplitude plus grande dans l’échelle d’observation semble créer plus facilement un consensus dans un usage partagé de la donnée scolaire", commente la mission. Le rapport précise toutefois que "c’est au niveau communal (et intercommunal) que les relations avec les services académiques semblent les plus fluides".

Après avoir fait le constat de "la complémentarité des préoccupations entre État et collectivités autour de la donnée scolaire", la mission en appelle à un "nouveau paradigme". Celui-ci devra répondre aux préoccupations qui, côté académies, ressortent "avec force" de l’enquête. Ainsi, il convient de mieux formaliser le transfert physique des échanges de données, alors que seules 36% des académies se sont dotées d’une plateforme commune d’échanges avec les collectivités. Dans un autre ordre d'idées, il est nécessaire de surmonter l'obstacle selon lequel 16% des académies expriment "une réelle réticence à partager des données avec les collectivités territoriales". Quant aux collectivités, elles feraient part, selon la mission, d'"une insatisfaction systématiquement relevée sur la disponibilité de la donnée scolaire et sa fiabilité".

Afin de favoriser une gouvernance territoriale partagée, la mission préconise en premier lieu de tenir des assises nationales de la donnée scolaire (proposition 1) qui établiront les termes d’une doctrine nationale partagée (proposition 2). Elle demande également de transformer la convention Régions de France de 2015 en convention-cadre entre le ministère de l'Éducation nationale et les collectivités régionales (proposition 4), tout en élaborant un cadre de concertation mieux structuré au niveau national et décliné au niveau territorial (proposition 5). Enfin, de manière plus opérationnelle, la mission préconise de scénariser une infrastructure partagée de la donnée scolaire dans une complémentarité entre une alimentation nationale et des apports régionaux, et de promouvoir l’installation d’une plateforme de la donnée scolaire qui pourrait disposer d’une certaine latitude de différenciation dans ses contenus selon les régions considérées (proposition 8).