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Eau potable : un baromètre annuel révèle le besoin de fluidifier la pédagogie

Perception des Français vis-à-vis des ressources en eau, montée en flèche des préoccupations environnementales, habitudes de consommation et malentendus persistants...  Le Centre d’information sur l’eau (Cieau) voit les mentalités des usagers évoluer entre les lignes du baromètre qu'il réalise depuis plus de vingt ans. Son édition 2019 a été présentée ce 10 décembre.

Tout le monde ne peut pas se vanter de tenir un baromètre national depuis vingt-trois ans. Ce 10 décembre, c'est fidèle au poste que le Centre d'information sur l'eau (Cieau) a présenté celui qu'il édite sur la perception des Français vis-à-vis des ressources en eau, sa qualité, sa disponibilité. Il porte aussi sur la confiance à l'égard des opérateurs qui produisent l'eau du robinet, la distribuent et des intervenants qui la contrôlent. Le crédit accordé à ces acteurs est en hausse tant à l'égard des autorités sanitaires (+2 points par rapport à 2018), des communes (+5 points) et entreprises spécialisées (+7 points). Réalisé par Kantar TNS à partir d'un échantillon de 2.508 individus sondés en suivant une logique de quotas mais aussi de stratification territoriale, ce baromètre se révèle être un outil d'évaluation utile aux collectivités grâce aux treize déclinaisons régionales dévoilées au fil de l'eau. Le baromètre breton sera présenté fin janvier à Rennes au Carrefour des gestions locales de l'eau. Pour faire connaître les autres déclinaisons locales, l'association s'appuie sur divers médias (réseau France Bleu, etc.).  

Inquiétude et malentendus persistants 

Un enseignement revient inlassablement, cette "préoccupation persistante" que la grande majorité des sondés expriment au sujet de l'avenir de la qualité des ressources en eau. Sur l'état des nappes souterraines et rivières qui s'améliore peu - les trois quarts d'entre eux pensent qu'elles sont polluées et 63% estiment que cela va encore se dégrader -, les résultats sont stables. De même pour la prise de conscience que la pollution des ressources impacte le prix du service de l’eau et pour l'acceptation d’une contribution financière afin d'en améliorer la préservation.
Ce baromètre donne aussi à voir une méconnaissance du cycle de l'eau domestique. La moitié des sondés pensent que les eaux usées sont retraitées en usine pour être transformées en eau potable. "Ce n'est pas le cas, 20.000 usines de dépollution des eaux usées les nettoient avant de les remettre dans le milieu naturel", rappelle le Cieau. Comment expliquer que perdure cette croyance dans un fonctionnement en circuit fermé ? "Le malentendu est bien ancré, tout comme celui sur le fait que la pollution des ressources impacterait la qualité de l'eau du robinet. Une influence marginale, en fait, grâce aux niveaux des traitements pour rendre l'eau potable", indique Marillys Macé, directrice générale du Cieau et par ailleurs adjointe au maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

Fluidifier la pédagogie

D'autres convictions étonnent : alors qu'une large majorité (89%) sait que l'eau est traitée pour être rendue potable, les trois quarts pensent que l'eau potable existe à l'état naturel. Et près d'un Français sur deux (48%) pense que l'eau de pluie peut être utilisée sans risque sanitaire en usage domestique. Parmi eux, 45% se disent même prêts à l'utiliser pour se laver ! Le baromètre donne aussi un aperçu intéressant du niveau d'approbation des Français sur les usages qui pourraient progresser en réutilisant plus d'eaux usées traitées. Sachant que la REUT (réutilisation d'eaux usées traitées) est une pratique opérationnelle, adaptée à l'arrosage d'espaces verts (une ville comme Sainte-Maxime le pratique) voire agricoles (à Clermont-Ferrand), mais longtemps chahutée sur le plan réglementaire, ce qui a mis de nombreux projets en sommeil. Or 81% des Français seraient disposés à consommer des légumes arrosés avec des eaux usées dépolluées. "Ils le font sans le savoir en consommant des fruits importés de pays où la REUT est courante comme en Israël ou en Espagne", indique-t-on au Cieau. 57% (contre 49% en 2017) se disent aussi prêts à boire une eau du robinet qui en serait issue - une pratique pour l'heure interdite.

J'y pense et puis j'oublie 

Sur tous ces sujets de la pédagogie, le besoin d'approfondir se fait sentir. Car l'or bleu reste frappé du syndrome "j'y pense et puis j'oublie". Sur la perception qu'ont les usagers de la fragilité de la ressource, le Cieau observe qu'elle se renforce avec les épisodes de canicule. Et que la crainte de manquer d'eau, à court et moyen terme dans leur région, s'exprime davantage que l'an dernier. Mais la sécheresse passée, tient-on à nouveau vite pour acquise l'idée d'une abondance de l'eau potable ? "C'est flagrant dans la communication sur les économies d'eau : au-delà de la crise, la campagne d'information est stoppée", pointe un expert du domaine, Mathieu Jahnich. 

Invitant à s'inspirer de bonnes idées de l'étranger, ce consultant mandaté par l'Ademe cite le cas de Londres, où une campagne a pris le contre-pied en prolongeant l'effort de prévention (campagne 2012 "We are still in drought"). En provenance aussi des pays anglo-saxons, les nudges, ces outils issus des sciences comportementales qui se concrétisent à travers une signalétique "coup de pouce", une "incitation bienveillante", conservent du potentiel pour enrichir l'action publique locale. "A condition d'être bien pensés et suivis", prévient l'expert. Si des opérateurs de transports (RATP, SNCF) en testent pour inciter les usagers à des comportements vertueux (tri des déchets), c'est une denrée rare dans le secteur de l'eau. Exemple de nudge eau testé outre-Manche : ajouter sur les factures des ménages une ligne indiquant la consommation moyenne d'autres foyers du quartier pour comparer leur consommation à celle des voisins. Et ainsi éviter de gaspiller. 

Faire campagne pour l'eau du robinet

Si l'on se contente dans l'Hexagone de campagnes d'informations classiques, par exemple de l'affichage extérieur à l'initiative de collectivités comme la métropole angevine pour valoriser l'eau du robinet, il manque, glisse une responsable d'eau de Paris, une campagne d'ampleur nationale sur la consommation d'eau du robinet. Ajoutons et de financements qui pourraient y être consacrés... Les assises de l'eau clôturées cet été (voir notre article du 1er juillet) ont-elles pris la mesure du problème ? "A leur issue, le Cieau s'est vu missionner pour travailler sur cet enjeu de communication et de mise en œuvre de campagnes de sensibilisation sur une utilisation responsable et écologique de l'eau", annonce pour conclure Marillys Macé.

 

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