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Politique de la ville - Elections municipales 2014 : Ville et Banlieue entre en campagne

Les élus de Ville et Banlieue ont rédigé une contribution à la campagne des élections municipales, sous la forme de 14 propositions, en vue d'inciter les futurs élus à les "prendre en compte dans leurs actions prioritaires dès 2014". Plus que des éléments de langage mis à disposition des candidats aux municipales, il s'agissait de saisir l'occasion d'affirmer ou de réaffirmer des positions de l'association d'élus. Par exemple, que les quartiers prioritaires cessent d'accueillir des personnes relevant du Dalo.

"Interdire le droit au logement opposable (Dalo) dans les quartiers prioritaires." Telle est la proposition la plus audacieuse formulée par Ville & Banlieue, parmi les 14 qu'elle souhaite voir portées par les candidats aux élections municipales. Le député-maire de Sarcelles et vice-président de Ville & Banlieue, François Pupponi, avait eu l'occasion d'expliquer que "continuer à faire venir des populations en grande difficulté dans ces quartiers, c'est presque criminel, y compris pour les habitants des quartiers : on crée et on entretient les ghettos" (voir notre article du 9 novembre 2012). Cette interdiction vaudrait évidement "sauf avis contraire du maire".
Toujours dans le but de "rééquilibrer l'habitat au sein des agglomérations" (la proposition 6), l'association d'élus suggère de "mobiliser l'ensemble des communes de l'EPCI soumises à l'article 55 de la loi SRU" pour faire respecter cette obligation de mixité par l'habitat. "Notamment à travers le PLH" (programme local de l'habitat), est-il précisé.

Santé : faire revenir le médecin de ville

Ville et Banlieue propose également de "faire revenir le médecin de ville dans les quartiers", rappelant que "la désertification médicale ne touche pas seulement le rural profond ou les secteurs périurbains". Pour cela, elle souhaiterait que les agences régionales de santé (ARS) se mobilisent "politiquement et financièrement" sur cet objectif, les incitant à explorer "toutes les formules (…) pour permettre aux praticiens du secteur 1 aujourd'hui déficitaires (généralistes, dentistes, ophtalmologistes, gynécologues, pédiatres, psychologues/ psychiatres…) de s'établir dans les communes en politique de la ville". Et de citer : aides à l'installation ou au regroupement, exonérations fiscales, garanties sécurité et assurance, médecins salariés d'une association ou recrutés par d'autres médecins, médecins volants …
Si le dispositif des PTMG (praticien territorial de médecine générale, voir notre article ci-contre du 27 août 2013) irait certes "dans le bon sens", l'association préférerait que soient privilégiés "les lieux pluridisciplinaires" tels que l'atelier, le centre ou maison de santé, parce qu'ils "combinent écoute des personnes et offre de soins".

Ecole : expérimenter "le maître unique" de la grande section au CE1

En matière d'éducation, Ville & Banlieue estime que de la loi de refondation de l'école (voir notre dossier ci-contre), apportent "un début de réponse" en octroyant 25% des moyens aux quartiers prioritaires pour les dispositifs "plus de maîtres que de classes" et "accueil des moins de 3 ans". Mais là encore l'association voudrait aller plus loin. Elle propose, dans les quartiers relevant de l'éducation prioritaire, d'expérimenter "le maître unique" de la grande section au CE1 ; de concentrer les programmes de réussite éducative (PRE) sur la tranche des de 5/8 ans ; de déployer le dispositif anti-décrochage aussi à ce niveau précoce ; de redonner à la médecine scolaire "de vrais moyens de dépistage et d'intervention".
Observant des jeunes "parfois tiraillés entre deux cultures" et "entre des langues qu'ils ont du mal à maîtriser", les élus de banlieue estiment qu'"une politique de la langue est décisive dans les quartiers de la politique de la ville". Ils préconisent un apprentissage renforcé de la langue et de l'expression françaises pour les enfants et leurs familles, à l'école primaire et hors l'école (via des ateliers sociolinguistiques plus nombreux). Ils suggèrent également de "développer le bilinguisme dans les quartiers" (puis du multilinguisme), en proposant à tous les enfants un enseignement de langue étrangère (suivi sur le primaire et le collège) "faisant toute leur place aux langues d'origine".
S'agissant de la mise en place des temps d'activités périscolaires (TAP), ils demandent que "les crédits dédiés aux villes pauvres au titre du fonds d'amorçage soient pérennisés". Quant aux écoles de la deuxième chance (E2C), ils considèrent qu'elles ont "fait leurs preuves" et que le dispositif devrait d'ailleurs être étendu "en commençant par les régions les plus vulnérables au plan social urbain : Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Paca…"
Pour renforcer la place du sport dans les quartiers prioritaires, Ville & Banlieue suggère de rendre obligatoire le volet sport dans les contrats de ville.
En matière de prévention, il faudrait, dit-elle, "une politique de prévention globalisée, étendue à l'école, à l'habitat, à la sécurité et à la santé… "
Ville & Banlieue voudrait également "que soient développés la prévention primaire éducative et sanitaire, l'encadrement socio-éducatif, le soutien à la parentalité et la santé mentale". Il lui semble par ailleurs "urgent" de "conforter les métiers et les effectifs de la médiation, de soutenir les travailleurs sociaux et les associations en leur assurant une stabilité".

Emploi : développer les emplois aidés et l'accompagnement global

D'une manière générale, Ville & Banlieue juge "nécessaire de développer les emplois aidés au bénéfice prioritaire des jeunes et des personnes les plus éloignées de l'emploi dans ces quartiers". Elle voit donc d'un bon œil les 100.000 emplois d'avenir créés dans ce but en 2013 et les 5.000 "emplois francs" qui sont expérimentés. Elle demande à ce propos que "toutes les agglomérations se mobilisent pour identifier et recruter les personnes devant bénéficier de ces dispositifs. Et pour que ces expériences puissent déboucher à partir de 2016 sur des emplois pérennes".
Mais plus généralement, il faudrait "un dispositif global simplifié" d'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment des jeunes. Un dispositif "qui combine formation initiale et continue, accès à un logement, permis de conduire, achat d'un véhicule, garde d'enfants… le cas échéant en contrepartie d'un engagement civique". Ils ajoutent : "les agglomérations doivent être en première ligne dans cet accompagnement. Et les missions locales doivent être soutenues de toute la force de la puissance publique pour en faciliter la mise en œuvre".
Si les élus de banlieue pensent que "les zones franches urbaines ne suffiront pas à réduire le chômage dans nos quartiers", ils suggèrent tout de même de poursuivre le dispositif jusqu'en 2016 (au lieu de fin 2014 prévu jusqu'à présent). Alors, la clause d'embauche locale devrait être maintenue à 50%, le bénéfice du dispositif accordé aux professions libérales devrait être réservé aux professionnels de santé conventionnés et les dispositifs de "fiabilisation" du demandeur d'emploi devraient être améliorés.  

"La gouvernance des contrats de ville doit continuer d'être pilotée par les maires"

Ville & Banlieue croit bon d'indiquer que si les contrats de ville sont conclus à l'échelle intercommunale, "les maires doivent non seulement participer à l'élaboration de la stratégie d'agglomération en matière de politique de la ville, mais eux seuls sont en mesure de coordonner les actions portées par l'ensemble des acteurs sur leurs quartiers prioritaires". Et d'insister : "la gouvernance des contrats doit continuer d'être pilotée par les maires dans le cadre d'une stratégie concertée à l'échelle intercommunale".
Sans surprise, l'association d'élus milite pour "mobiliser le droit commun de l'Etat et de toutes les collectivités locales". Selon elle, "il est indispensable que les cofinancements de projets soient rendus possibles aussi bien en fonctionnement qu'en investissement". Elle invite fortement à ce que "l'engagement des moyens de droit commun fasse l'objet d'un suivi/évaluation régulier et rigoureux, par exemple à l'occasion du rapport annuel aux EPCI".
Dans la lignée du rapport Bacqué / Mechmache, elle estime que les habitants "doivent être associés le plus en amont possible à la définition du projet urbain et tout au long des processus de rénovation urbaine". "Mais il faut aussi leur offrir tous les outils leur permettant d'intervenir dans le débat public", ajoute-telle, citant : formations ad hoc, droit de saisine et d'initiative, tables locales de concertations fédérant les forces vives des quartiers, collèges citoyens dans les différentes instances locales pour l'aménagement, le logement, l'éducation, la sécurité, la santé ou l'action sociale.
Afin de conforter la place des associations dans les prochains contrats de ville, elle suggère de "mieux les accompagner" ; les soutenir sur la durée par des financements pluriannuels ; "veiller à ne pas alourdir" leurs charges administratives ; les associer à la définition, au portage et au suivi des politiques publiques ; chercher à les faire travailler "de façon collégiale et concertée au service de l'intérêt général et du bien commun".

Financement et péréquation financière

Ville & Banlieue suggère que la future Dotation politique de la Ville (DPV) introduite dans la future loi Lamy selon un canevas conçu par François Pupponi (voir notre dossier ci-contre) soit "réservée aux quartiers prioritaires" et "versée directement aux communes qui les abritent ou, sous réserve de leur accord, à l'intercommunalité". Quant à la dotation de solidarité communautaire (DSC, formule qui peut être choisie à défaut d’avoir élaboré un "pacte financier et fiscal de solidarité" pour bénéficier d'un contrat de ville), elle devrait "être fléchée vers les communes comportant des quartiers prioritaires et être proportionnelle aux besoins de leurs habitants", estime l'association d'élus. L'association invite également à "réfléchir à une évolution" du fonds de péréquation des communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF), et du fonds national de péréquation intercommunal et communal (Fpic).

 

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