Electricité renouvelable : une production soutenue par le photovoltaïque

Notamment portée par un solaire photovoltaïque en plein boom, au point de rattraper son retard, la part d’électricité renouvelable dans la consommation de la France a progressé en 2022, qui fait figure de bon millésime. Reste que l’objectif de 40% de renouvelables dans la consommation d’ici 2030 reste hors d’atteinte, notamment plombé par un éolien qui peine toujours à déployer ses ailes.

"Il semble que nous allions enfin dans le bon sens". Dans l’édito ouvrant le dernier baromètre des énergies renouvelables électriques Observ’ER, publié ce 25 janvier, Xavier Pintat, président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), se fait optimiste. Le baromètre relève que pour 2022, les premiers chiffres font état de 28% d’électricité renouvelable dans la consommation annuelle du pays. La France franchit ainsi, avec deux ans de retard, l’objectif qu’elle s’était fixé vis-à-vis de la Commission européenne pour fin 2020 (27%). Un résultat obtenu malgré une production hydraulique à la baisse en raison de la sécheresse, et grâce à une production photovoltaïque en progression de 31%, due à un fort ensoleillement et à la croissance rapide du parc. Mais aussi aux efforts de sobriété énergétique, qui conduisent "mécaniquement à un relèvement de la part des filières renouvelables qui sont prioritaires sur l’injection réseau". 

Redressement spectaculaire du photovoltaïque

"Longtemps en retard" – "on allait dans le mur", rappelle Frédéric Tuillé, directeur d’études chez Observ’ER –, le solaire photovoltaïque connaît depuis deux ans une dynamique "spectaculaire" qui lui permet enfin d’être "sur la trajectoire de l’objectif bas" pour 2028, notent les auteurs du baromètre. La filière est notamment portée par la "très forte croissance des installations de petite puissance" d’une part, et les installations des grandes toitures (de 100 à 250 kW) d’autre part. 

Les premières bénéficient du boom de l’autoconsommation. Surtout individuelle, avec le "plébiscite des particuliers", mais désormais aussi collective. Encore "confidentielle", cette dernière a néanmoins "connu un décollage manifeste" (le baromètre lui consacre un dossier). Elle est favorisée par la hausse du prix de l’électricité, la baisse "quasi vertigineuse" du prix des modules solaires chinois – qui au passage ne "fait absolument pas le jeu d’une relance de l’industrialisation photovoltaïque en France ou en Europe" –, et la levée de certaines barrières réglementaires (dont la fin de l’obligation pour les collectivités de constituer une régie). 

Les secondes résultent de "l’obligation de mettre du solaire sur les entrepôts, hangars et parkings nouvellement construits ainsi que [du] rehaussement de 100 à 500 kW du seuil du guichet ouvert pour les bâtiments, hangars et ombrières", lequel a "libéré bon nombre de projets".

Objectifs déjà atteints pour certaines filières, "faute d’ambitions"

Le solaire photovoltaïque rejoindrait ainsi l’hydroélectricité, la biomasse solide et la méthanisation, qui atteignent déjà leurs objectifs… souvent "faute d’ambitions". 

• Côté hydroélectricité, pas grand-chose à attendre. Les grands barrages n’offrent pratiquement plus de possibilités d’accroissement et près de ¾ du potentiel de la petite hydraulique "ne peuvent être exploités du fait du classement en liste 1 de nombreux cours d’eau". Alors que l'hydroélectricité constitue le principal outil de stockage de l’électricité à grande échelle, les auteurs notent qu’elle pourrait pourtant répondre à "l’énorme besoin de nouvelles sources de flexibilité pour réussir la décarbonation", "mais le secteur a besoin pour cela d’un mécanisme rémunérateur pour ce service qui n’existe actuellement pas dans le système français".

La Banque des Territoires finance les énergies renouvelables

• Les perspectives sont également réduites pour la filière de la biomasse solide, majoritairement destinée à produire de la chaleur. 

• Idem pour la filière biogaz, qui a vu sa croissance ralentir en 2023, mais qui atteindra néanmoins son objectif, jugé "pas très ambitieux". La valorisation sous forme de biométhane privilégiée par les politiques publiques comme "seul moyen de décarboner le gaz" est une contrainte pour la filière, est-il relevé. Robin Apolit Saget-Borgetto, chargé de mission gaz renouvelables et responsable géothermies au Syndicat des énergies renouvelables, alerte en outre sur la "situation critique" de la filière, avec un tarif d’achat qui n’est "plus adapté depuis la crise sanitaire". Le rapport observe néanmoins que "les interventions des collectivités territoriales en faveur de la filière devraient se développer", la loi énergie-climat de 2019 autorisant les sociétés ou coopératives constituées pour porter un tel projet à proposer une part de leur capital aux collectivités ou aux habitants situés à proximité de ce dernier. 

• À l’inverse, le baromètre relève que le potentiel de développement de la production électrique des déchets par incinération reste "important", même si cette dernière "souffre d’un déficit d’image", déplore Léna Sambe, d’Amorce. Il est néanmoins relevé que "l’optimisation des unités existantes est nécessaire". 

L’éolien toujours à la traîne

• Pour l’éolien terrestre, qui reste "fébrile", les auteurs ne se font pas d’illusion : "L’objectif 2028 ne sera pas atteint avec la dynamique actuelle". 2022 a pourtant été "une bonne année", la filière atteignant même sa meilleure performance en termes de puissance raccordée depuis le début de son développement (2.012 MW). Mais "les tendances pour l’année 2023 sont moins optimistes". Toujours en cause – "avec les mêmes conséquences", indique Frédéric Tuillé –, les "contraintes réglementaires et lourdeurs administratives", un "univers de procédures complexes" avec lesquelles les professionnels ont certes appris à composer, mais auquel s’ajoutent désormais en parallèle "des guides, des chartes de collectivités territoriales ou des services déconcentrés de l’État" qui compliquent encore la donne. En ce domaine, la résignation semble dominer.

Il en sera de même avec les énergies marines – "trop de retard ; l’enjeu est désormais de respecter le rythme des appels d’offres futurs" – et avec la géothermie, "l’État attendant désormais du secteur surtout de la production de chaleur".

Des signaux inquiétants ?

Si l’année 2022 pouvait donc mettre un peu de baume au cœur, Frédéric Tuillé s’est chargé de refroidir les ardeurs : "Ce n’est pas tant la photo qui interroge" que la trajectoire suivie par la France, estimant que "le photovoltaïque ne pourra pas seul porter l’effort jusqu’en 2030". En dépit des progrès, l’objectif de 40% de part renouvelable dans la consommation électrique nationale à cette date est ainsi jugé toujours hors d’atteinte.

Vincent Jacques Le Seigneur, président d'Observ'ER, se fait plus alarmiste encore : "Les derniers signaux politiques du gouvernement me laissent inquiet et me font douter du fait que l’on prenne le chemin pour rattraper notre retard". Il vise ici :

- la disparition du ministère de la Transition énergétique, alors que "c’était la première fois qu’on avait sous la Ve République un ministère à part entière, qu’Agnès Pannier-Runacher avait pleinement occupé" ;

- "le premier plan énergie-climat soumis par la France en décembre à la Commission, sans objectifs chiffrés" ;

- la disparition des objectifs chiffrés du projet de loi sur la souveraineté énergétique qui devrait être présenté dans quelques semaines en conseil des ministres (voir notre article du 18 janvier). "On voit mal comment la PPE qui doit être adoptée par décret pourrait avoir des objectifs chiffrés si la loi n’en a pas", grince-t-il. Et de pointer au-delà "la contradiction" avec la récente adoption de la directive RED III, qui fixe, elle, des objectifs, encore plus ambitieux (voir notre article du 7 novembre 2023). "Alors que notre pays était si allant il y a 15 ans avec Nicolas Sarkozy, il freine désormais des quatre fers", déplore le président d’Observ’ER, jugeant "la France pas du tout à la hauteur de ses responsabilités, contrairement à nos voisins – Allemagne, Portugal, Espagne".

Une loi d'accélération aux effets encore peu visibles

Comme l’an passé (voir notre article du 24 janvier 2023), le baromètre souligne l’impact de la réglementation dans le (non) déploiement des énergies renouvelables. Parfois positif – comme l’obligation de solariser les parkings –, souvent négatif. Si Xavier Pintat espère que les zones d’accélération prévues par la loi Aper "permettront un nouveau souffle", le baromètre souligne qu’il est encore trop tôt pour connaître le réel impact de cette loi. L’avocate Sarah Dalisson note même que la création de ces zones est "une mesure sur laquelle le secteur des renouvelables reste à ce stade réservé". Leur définition, qui aux termes de la loi devait intervenir avant le 31 décembre dernier, fait encore défaut. Stéfan Louillat, de l’Ademe, relève pourtant "la forte volonté des élus de se saisir du sujet", mais souligne les difficultés techniques rencontrées. "Un travail ardu pour les communes disposant de peu de moyens humains", plaide Charles-Antoine Gautier, directeur délégué de la FNCCR.

Sarah Dalisson souligne par ailleurs que "plusieurs textes d’application [de la loi Aper] sont encore en attente de publication". "La loi ne commencera à véritablement produire ses effets qu’après l’entrée en vigueur des décrets et arrêtés, dont la plupart sont en cours de rédaction", indique également Antoine Huard, président de France territoire solaire. Au regard de l’essor du photovoltaïque, il juge qu’elle "a sans doute pu jouer un rôle ‘psychologique’", mais guère plus, estimant même qu’elle tend plutôt à aggraver la lourdeur des procédures pour les centrales au sol. Côté textes en attente, il insiste notamment sur "l’indispensable stabilité de l’arrêté tarifaire" pour les installations en toiture et ombrières (même combat pour le biogaz). Le baromètre note également que si l’agrivoltaïsme "dispose désormais d’une définition […], la filière attend un décret d’application qui doit encore venir en préciser certains critères essentiels".

 

Production électrique renouvelable : Auvergne-Rhône-Alpes toujours largement en tête grâce à l'hydroélectricité

La première région métropolitaine en termes de production électrique renouvelable reste de loin Auvergne Rhône-Alpes (Aura), grâce à son imposant parc de centrales hydroélectriques qui compose près de 84% de la production de ce territoire. Mais la nouvelle édition du baromètre Observ'Er montre également que les quatre premières régions (Aura, Grand-Est, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine) ont eu une production électrique moindre en 2022 qu’en 2021. "Ce résultat s’observe surtout sur la région Aura, note le bilan. Le mauvais millésime 2022 en termes de productibles hydroélectriques et, dans une moindre mesure, d’éolien explique ce phénomène."

La filière hydroélectricité mise de côté, c’est la région Hauts-de-France qui arrive cette fois en tête de la production électrique renouvelable, portée en cela par son parc éolien. "Cependant, le phénomène de baisse de facteur de charge de l’éolien en 2021 par rapport à 2020 est d’autant plus visible sur les deux régions phares du secteur (Hauts-de-France et Grand-Est)", note le rapport. Les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie Auvergne Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur sont les plus dynamiques dans le secteur du photovoltaïque et ont vu leur production progresser en 2021.

En termes de couverture de la consommation électrique régionale par les filières renouvelables, c'est la Guyane qui dispose de la meilleure autonomie (71%). En métropole, la région Grand-Est présente le meilleur bilan avec 40,1% de sa consommation électrique couverte par une production renouvelable. À l’autre bout de ce classement on trouve l’Île-de-France avec un taux de couverture de 2%.

A.L./Localtis

 

 

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