Élus locaux : le Sénat adopte la proposition de loi améliorant leur statut

Le Sénat a approuvé le 7 mars, en première lecture, la proposition de loi sur le "statut de l'élu local", qui vise à faciliter et mieux reconnaître l'engagement des édiles. Le texte, qui a été soutenu sur tous les bancs de l'hémicycle, a été étoffé par de nouvelles mesures qui renforcent les droits des élus locaux et améliorent leur reconnaissance : revalorisation des indemnités de fonction des adjoints au maire, extension de la nature des frais de transport faisant l'objet d'un remboursement, élargissement des bénéficiaires d'une bonification pour la retraite… La chambre des territoires a aussi approuvé le maintien du revenu des maires en congé maternité, quand celles-ci ont cessé leur activité professionnelle.

Le 7 mars en début de soirée, le Sénat a adopté à l'unanimité (342 voix pour) la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, qui vise à mieux reconnaître l'engagement des détenteurs d'un mandat électif local et, ainsi, à stimuler les vocations à l'approche des élections municipales de 2026. Le texte "élaboré de façon transpartisane" est "l'affirmation du respect que nous devons aux élus et un encouragement à ceux qui agissent dans l'ombre", a déclaré la co-rapporteure centriste Françoise Gatel, au terme des trois jours de discussions dans l'hémicycle. Tout en ajoutant que "ce n'est ni l'alpha et l'oméga, ni le grand soir".

Cette proposition de loi, "première pierre d'un statut de l'élu", "répond à une grande partie des attentes", a jugé pour sa part Cécile Cukierman (groupe communiste républicain citoyen et écologiste, CRCE). "Nous avons des réserves et des attentes" a, à l'inverse, souligné Ghislaine Senée pour le groupe écologiste-solidarité et territoires (Gest). "Il faut un vrai statut pour les 520.000 élus locaux", a-t-elle lancé, en justifiant le vote favorable de son groupe par les "avancées" permises par le texte. "Nous attendons encore un statut, mais nous avançons", a de même considéré Annick Girardin, au nom du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).

Revalorisation des indemnités de fonction

Au cours de la discussion, la chambre des territoires a notamment décidé d'accorder à un plus grand nombre d'élus locaux les améliorations prévues par le texte. C'est le cas pour les indemnités de fonction qui, initialement, devaient être revalorisées uniquement au profit des maires (avec, ainsi, une indemnité de fonction maximale pour ceux des communes de moins de 500 habitants, qui passerait de 1.048,20 euros à 1.155,10 euros). En séance, les sénateurs ont aussi accru les indemnités de fonction des adjoints au maire (voir l'amendement), en portant par exemple le taux maximal des indemnités de ceux des communes de moins de 500 habitants de 9,9% à 10,9% du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique (30,3%, au lieu de 27,5% actuellement, pour les adjoints au maire des communes de 10.000 à moins de 20.000 habitants).

Les sénateurs ont par ailleurs étendu la majoration d'un trimestre au titre de la retraite pour chaque mandat complet effectué (dans la limite de huit trimestres supplémentaires) à l'ensemble des conseillers bénéficiant d'une délégation de fonction – alors qu'en commission, ils avaient réservé ce droit aux exécutifs locaux. La chambre des territoires a aussi inclus les frais de covoiturage et de transports en commun dans les frais de transport qui sont remboursés aux élus locaux, lorsque ceux-ci se rendent à des réunions liées à leur mandat. Elle a encore étendu, avec l'avis favorable du gouvernement, les mesures facilitant l'exercice d'un mandat par des personnes en situation de handicap (prise en charge par la collectivité des frais spécifiques et aménagement du poste de travail). Réservées au départ aux seuls élus municipaux, ces dernières pourraient bénéficier à "l'ensemble des catégories d'élus".

La maire de Poitiers entendue

À noter encore : un plus grand nombre d'élus locaux pourra bénéficier, le cas échéant, d'une aide financière de leur collectivité, en cas d'utilisation de chèques emploi-service universel (Cesu) pour la garde de leurs enfants ou l'assistance à des personnes âgées ou handicapées. Le Sénat a en effet adopté un amendement du gouvernement élargissant le bénéfice de cette aide financière facultative à l'ensemble des élus locaux, alors qu'aujourd'hui seuls les exécutifs locaux peuvent la percevoir.

Les sénateurs ont aussi modifié la loi pour répondre à la récente interpellation de la maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy. L'élue écologiste, qui a cessé son activité professionnelle pour exercer son mandat à plein temps, s'est aperçue que ses revenus seraient sérieusement réduits durant son prochain congé maternité, faute pour la ville de Poitiers de pouvoir lui apporter une compensation. Les amendements adoptés avec l'avis de sagesse de la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, prévoient qu'en cas de congé maternité ou paternité, mais aussi en cas de congé d'adoption, "l’indemnité de fonction, diminuée du montant des indemnités journalières versées au titre de la Sécurité sociale, est maintenue" (voir l'amendement). En sachant que la proposition de loi va au-delà du cas de la maire de Poitiers, puisqu'elle facilite le cumul des indemnités journalières et des indemnités de fonction en cas de congé maladie.

La fin du mandat facilitée

En matière de formation, les sénateurs ont ouvert à l'ensemble des élus locaux l’accès à une formation initiale obligatoire de deux jours, à suivre durant les trois premiers mois de mandat. En outre, pour faciliter le retour à la vie professionnelle des élus a l'issue d'un mandat, les sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement, qui améliore l'allocation différentielle de fin de mandat. Ainsi, tous les maires – et non plus seulement ceux des communes d'au moins 1.000 habitants – pourraient la percevoir. De plus, l'allocation serait versée durant deux ans - au lieu d'un - et son montant serait revalorisé (100% la première année, puis 80% la deuxième année, contre, aujourd'hui, 80% pendant les six premiers mois et 40% pour les six derniers mois).

S'intéressant à plusieurs questions sur la déontologie des élus locaux, la Haute Assemblée a notamment décidé que les déclarations d'intérêts des élus locaux concernés par cette obligation seront pré-remplies par les services de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), afin de les "soulager" d'une "charge administrative".

Enfin, pour permettre aux élus locaux d'en prendre connaissance facilement, les sénateurs ont souhaité que les dispositions concernant leur statut soient rassemblées dans une circulaire, que le gouvernement aurait la charge de préparer dans les douze mois suivant la promulgation de la loi initiée par le Sénat.

Quelle sera la suite ?

En trois jours d'examen du texte, les parlementaires ont pu mesurer certaines divergences avec le gouvernement, même si ce dossier du statut de l'élu fait partie des chantiers portés par le Premier ministre, Gabriel Attal. Ainsi, la ministre déléguée aux collectivités n'a pas approuvé la mesure de bonification des retraites des élus locaux à hauteur d'un trimestre par mandat complet. Dominique Faure a également tenté, sans succès, de faire supprimer le doublement du "congé électif" des candidats aux élections locales, ainsi que l'élargissement de la dotation particulière élus locaux (DPEL) aux communes de 3.500 habitants, contre 1.000 habitants actuellement. Par ailleurs, le gouvernement s'est montré favorable à la création d'un label "Employeur de la démocratie locale" pour les entreprises employant des élus... Sans toutefois soutenir la réduction d'impôts sous-jacente que le Sénat proposait. Dans un contexte national de restrictions budgétaires, les sénateurs ont tout de même tenté de défendre leur vision : "La République n'a pas de prix, elle a un coût", a répété à plusieurs reprises Françoise Gatel.

Il reste à savoir maintenant si la proposition de loi sénatoriale sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Où une proposition de loi concurrente a été déposée par les députés Violette Spillebout (Renaissance) et Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine).

Laquelle des deux propositions de loi ira jusqu'au bout de la discussion parlementaire ? Pour le moment, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales n'a pas tranché la question de son soutien à un texte plutôt qu'à un autre. "Il n'y a pas eu d'arbitrage à ce stade", confie son entourage.