Statut de l'élu local : le Sénat débute les travaux en commission sur sa proposition de loi

La Haute Assemblée a engagé ce 28 février les travaux en commission sur la proposition de loi déposée par la majorité sur le statut de l'élu local. Un texte très attendu, qui entend répondre au blues des maires et empêcher une crise des vocations lors des prochaines élections.

La commission des lois du Sénat a adopté, ce 28 février, une première salve d'amendements sur la proposition de loi créant un statut de l'élu local, qui sera débattue dans l'hémicycle à partir du 5 mars.

Alors que les maires expriment leur malaise et dans un contexte de montée des violences envers les élus locaux, les ténors du centre et de la droite au sein de la Haute Assemblée ont déposé une proposition de loi "portant création d'un statut de l'élu local". Un texte de 29 articles au total, nourri par les réflexions de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

"Face au risque latent d'un approfondissement de la crise des vocations à l'horizon 2026, il est urgent d'agir et d'instituer un véritable statut, que les élus locaux appellent de leurs vœux", écrivent les sénateurs. Dans ce but, la proposition de loi tend à "améliorer les conditions d'exercice du mandat en les adaptant à la multiplicité des profils d'élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle". Par ailleurs, elle vise à "sécuriser le parcours des élus en favorisant leur reconversion et la valorisation des compétences acquises lors du mandat".

Indemnités de fonction fixées au maximum légal

"Les élus locaux méritent que leur engagement soit reconnu à sa juste valeur", soulignent les auteurs. À cette fin, ils prévoient une revalorisation des indemnités de fonctions de l'ensemble des maires. Ils envisagent aussi d'étendre la règle, actuellement applicable aux maires, selon laquelle les indemnités de fonction sont fixées au maximum légal, sauf délibération contraire du conseil municipal. Le texte de départ élargissait ce principe aux adjoints au maire. Mais, finalement, la commission des lois a décidé, ce 28 février, qu'il devait bénéficier, non seulement à ces derniers, mais plus généralement à l'ensemble des exécutifs locaux (présidents de conseil départemental, de conseil régional et d'intercommunalité à fiscalité propre, ainsi que leurs vice-présidents).

Autre élément de reconnaissance : pour leurs droits à la retraite, les élus locaux se verraient accorder une bonification d'un trimestre par mandat complet. En commission, les sénateurs ont toutefois décider d'octroyer cet avantage aux seuls élus locaux qui exercent des fonctions exécutives.

Pour "faciliter l'engagement des élus locaux" et "améliorer les conditions d'exercice du mandat", le texte améliore la prise en charge par la collectivité des frais de transport engagés par les élus, ou encore permet au maire de recourir à la visioconférence pour les réunions des commissions constituées par le conseil municipal. Dans le même but, il tend à porter de dix à vingt le nombre maximum de jours d'autorisation d'absence dont peuvent bénéficier les candidats à une élection locale. Par ailleurs, le recours aux autorisations d'absence est rendu plus facile pour les maires. Des mesures sont également prises pour encourager l'engagement des étudiants et des personnes handicapées dans la vie publique locale.

La maire de Poitiers entendue

Pour renforcer la formation des élus locaux, le texte initial ouvrait aux élus des communes de moins de 3.500 habitants les formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Mais le président de l'établissement public, François Deluga, s'est montré très hostile à la mesure, qui aurait pour conséquence de réduire le budget alloué à la formation des agents territoriaux. Il a été entendu, puisque la commission des lois a tiré un trait sur la disposition litigieuse.

Les sénateurs ont été sensibles aux difficultés pratiques dévoilées récemment par la maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, qui sera en congé maternité à partir du 15 mars. Sa première adjointe n'a pas pu être libérée à plein temps, afin d'exercer l'intérim. Les sénateurs ont donc voté une mesure facilitant la possibilité pour les élus locaux d'obtenir la suspension de leur contrat de travail, justement pour remplacer temporairement le maire, ou le président de la collectivité.

La commission des lois indique dans un communiqué qu'elle n'a pas pu, en revanche, prendre de mesure pour empêcher que les élus locaux se trouvant "en arrêt maladie, en congé maternité, paternité ou adoption" et ayant cessé leur activité professionnelle pour exercer leur mandat, ne perdent une partie de leurs revenus – comme c'est le cas pour la maire de Poitiers sur la période de son congé maternité. L'amendement n'était pas recevable au regard des règles constitutionnelles selon lesquelles les parlementaires ne peuvent alourdir les dépenses publiques. Mais Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, a laissé entrevoir, le 27 février, le dépôt par le gouvernement d'un amendement pour "lever le gage", et donc régler le problème (voir notre article).

Faciliter l'après-mandat

Un autre axe du texte vise à "sécuriser l'engagement des élus" et à "les accompagner dans le respect de leurs obligations déontologiques". Il tend en particulier à modifier les dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d'intérêt, en prévoyant que cette infraction "ne peut être constituée lorsque l'intérêt porté par l'élu est un intérêt public".

Les dernières mesures de la proposition de loi visent à "sécuriser la sortie de mandat des élus locaux", en proposant notamment l'instauration d'un système de certification professionnelle destiné à améliorer la reconnaissance des compétences acquises par les élus locaux au cours de leur mandat. Des droits nouveaux s'inspirant d'un dispositif existant pour les responsables syndicaux.

On notera que la commission des lois a adopté, ce 28 février, un amendement au texte, qui oblige le gouvernement à publier au plus tard le 1er juin 2025 le décret d'application d'une mesure de la loi Engagement et Proximité de décembre 2019, prévoyant le cumul de l’allocation adulte handicapé (AAH) avec une indemnité de fonction d’élu local. Le texte d'application n'a en effet pas encore été pris.

La commission des lois va se réunir de nouveau à plusieurs reprises ces jours prochains pour examiner d'autres amendements sur la proposition de loi.