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Emplois francs : plus de 16.000 contrats signés depuis avril 2018 pour des résultats mitigés

Alors que le ministère du Travail annonce qu’à fin novembre 2019 plus de 16.000 emplois francs ont été signés depuis le début de l’expérimentation, la Dares a publié le vendredi 13 décembre un rapport d’évaluation du dispositif. Le constat est plutôt mitigé tant sur l’accès à l’emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville qu’en matière de réduction des discriminations liées à l’origine ethnique.

Impossible de démontrer l’efficacité des "nouveaux" emplois francs mis en place par le gouvernement pour lutter contre le chômage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Telle est la conclusion du rapport d’évaluation de l’expérimentation menée entre avril 2018 et mars 2019 par un comité d’évaluation (1) et publié le vendredi 13 décembre. Alors que le dispositif est généralisé à l’ensemble des QPV à partir du 1er janvier 2020, l’étude visait à étudier l’effet sur l’emploi et le recul des discriminations lié à la mise en place d’incitations fiscales à embaucher une personne dans ces quartiers.

Une majorité d’hommes et de bénéficiaires d’âge moyen

Problème : le nombre d’emplois francs validés – 5.660 entre avril 2018 et mars 2019, avant un premier élargissement – n’est pas suffisant pour donner des résultats robustes. À défaut, force est de constater que "le dispositif des emplois francs a peu modifié le volume des embauches dans les quartiers de l’expérimentation", écrit le comité d’évaluation, composé d’universitaires. Le recul du nombre de demandeurs d’emploi dans les QPV participant à l'expérimentation est en effet comparable à celui d’autres quartiers prioritaires, mais plus élevé qu’au sein des territoires qui entourent ces quartiers. 

L’étude livre cependant des données concernant les bénéficiaires qui sont en majorité des hommes (53%) d’âge moyen. Là où la version précédente des emplois francs limitait notamment le dispositif aux moins de 30 ans, l’élargissement des critères a fait entrer 62% de personnes âgées de 26 à 49 ans et 12% de 50 ans et plus. Plus du quart des bénéficiaires (26%) sont des jeunes âgés de moins de 26 ans. Au total, à fin novembre 2019, le ministère du Travail annonce que plus de 16.000 emplois francs ont été signés depuis avril 2018.

Effet d’aubaine et réduction du coût du travail

En 2018, 82% des bénéficiaires ont signé un contrat en CDI, contre 18% de CDD de plus de 6 mois comme l’y autorise désormais le dispositif. Les bénéficiaires ont perçu en moyenne 0,15 euros de plus que le Smic brut horaire en 2018. Les secteurs de la restauration rapide, de l’aide à domicile mais aussi de la sécurité privée sont les plus représentés.

Le montant de l’aide – de 15.000 euros sur trois ans pour un CDI ou de 5.000 euros sur deux ans pour un CDD - "apparaît particulièrement attractif pour des postes peu qualifiés, avec des rémunérations faibles", représentant "l’équivalent d’une exonération totale de cotisations patronales", commentent les auteurs. Constatant que des employeurs avaient recruté des habitants issus de QPV et demandé a posteriori une aide publique, les auteurs n’excluent pas un "effet d’aubaine important" lié au dispositif. "Quelques recruteurs, minoritaires, dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre peu qualifiée, reconnaissent une logique de réduction du coût du travail dans le recours aux emplois francs", constatent-ils.

Défaut d’information, première cause du non-recours

"Globalement, l’étude montre que la première année de déploiement des emplois francs n’a pas coïncidé avec un changement des discriminations dans l’accès à l’emploi, selon l’origine et selon le lieu de résidence, ni dans leur nature, ni même dans leur ampleur", concluent les auteurs. Tout au plus les emplois francs peuvent-ils permettre de lutter "indirectement" contre les discriminations à l’embauche, davantage liées à l’origine qu’à l’adresse des candidats.

Pour que les emplois francs puissent faire progresser l’emploi dans les quartiers prioritaires, les auteurs du rapport recommandent d’améliorer l’information des recruteurs, "première cause du non-recours aux emplois francs". Signe que la majorité des employeurs ignorent l’existence du dispositif, seules 10,7% des déclarations d’embauche ont en effet bénéficié de la prime emploi franc. Un taux de recours jugé trop faible par le comité d’évaluation.

(1) Ce comité d’évaluation est co-piloté par la Dares (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques) et le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) avec la participation de la DGEFP, Pôle emploi, et de chercheurs.