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Urbanisme - En cas d'expropriation, le coût de la dépollution du terrain reste à la charge de l'exploitant d'une ICPE

Par un arrêt du 22 septembre 2010, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur le caractère non indemnisable, dans le cadre d’une procédure d’expropriation, des coûts découlant de l’obligation légale de dépollution d’un site occupé par une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).

Une société industrielle ayant pour activité l’extrusion de matériaux a été expropriée par l’établissement public Voies navigables de France. A défaut d’accord amiable sur le montant des indemnités, le juge de l’expropriation a été saisi. Le litige porte en l’espèce plus précisément sur le montant des indemnités d’éviction, qui ont été fixées par la Cour d’appel de Douai par un arrêt du 15 juin 2009 en tenant compte des éléments suivants : coût du déménagement, perte de salaires, frais de recherches de nouveaux locaux, frais divers et indemnités de licenciement. La demande de la société tendant à être indemnisée pour le préjudice découlant de l’obligation de dépollution du site inhérente à sa cessation d’activité a été rejetée en appel, motivant ainsi l’enregistrement d’un pourvoi.

Devant la Haute Juridiction, l’expropriée sollicite la cassation de l’arrêt sur le fondement de l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation selon lequel "les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation". Le débat juridique porte plus précisément sur l’appréciation du caractère direct du préjudice liée au coût de la dépollution, puisque de manière constante il est jugé que pour être indemnisable le préjudice doit trouver son origine directement dans l’expropriation. Par exemple, la cour a estimé non indemnisable le préjudice invoqué par la propriétaire d’un fonds de commerce exproprié découlant de l’obligation de rembourser de manière anticipée un emprunt, celle-ci étant "la conséquence d’une décision de gestion de l’expropriée inopposable à l’expropriante" (Civ. 3e, 25 février 1998, ville d’Angers, pourvoi n° 96-70.044). De la même manière, la cour a jugé que le préjudice découlant de l’obligation d’un groupement agricole d'exploitation en commun de remettre des bâtiments aux normes ne découle pas directement de la mesure d’expropriation puisqu’elle devait être réalisée depuis plusieurs années, et alors même que l’exproprié aurait disposé de plus de temps pour y déférer en l’absence d’expropriation (Civ. 3e, 11 février 1998, GAEC des Vinsonneaux, pourvoi n° 97-70.025).

En l’espèce, la cour estime donc que la mesure de dépollution pesant sur l’exploitant d’une installation classée en cas de cessation de l’activité sur un site, et même en cas de reprise de l’activité sur un autre site, découle de la législation existante, et ne peut par conséquent être considérée comme trouvant son origine dans la mesure de dépossession forcée. En effet, la législation de l’environnement concernant les ICPE impose aux exploitants de prendre en charge le coût de la dépollution des sites, ce qui peut poser en pratique des difficultés notamment lorsque l’exploitant a cessé son activité et est introuvable (sur ce point, voir notre article du 31 mars 2010 ci contre).

Cet arrêt se positionne certes dans la droite ligne de la jurisprudence existante sur le caractère direct du préjudice indemnisable au titre de la dépossession forcée d’un bien, mais a le mérite de clarifier la situation pour les autorités expropriantes qui seraient tentées d’accepter d’indemniser ce préjudice dans le cadre de négociations amiables, en dehors de toute saisine du juge de l’expropriation.

 

Fanny Morisseau, avocat à la Cour, cabinet de Castelnau

 

Référence : Cour de cassation, 3e chambre civile, société industrielle des ateliers du Galtz c/ Voies navigables de France, 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.05.

 

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