Equilibre économique des RIP : l'Arcep appelée à agir au plus vite

Des réseaux d'initiative publique au bord du gouffre. C'est ce que révèle l'édition 2025 de l'Observatoire de la transition numérique des territoires présentée par InfraNum, la Banque des Territoires et l'Avicca ce 13 mai 2025 au TRIP (territoires et réseaux d'initiative publique) de l'Avicca. Les présidents de l'Avicca et d'InfraNum ont invité l'Arcep à agir au plus vite. Cette dernière a mis le sujet sur le haut de la pile sans promettre de miracle.

Pour cette année d'achèvement du plan France Très Haut Débit, les réseaux d'initiative publique (RIP) peuvent s'enorgueillir d'être au rendez-vous de l'objectif présidentiel. Comme le montre l'édition 2025 de l'observatoire de la transition numérique des territoires, le rattrapage de couverture est effectif entre les zones rurales et les zones urbaines. La trajectoire présentée estime même que le 100% fibre devrait être atteint dès 2026 en zone RIP contre 2028 pour les zones privées régulées et…  2032 en zone très dense si les opérateurs restent sur les rythmes actuels de déploiement. Mais cette accélération en zone RIP se fait au prix de tensions financières, au cœur des débats de l'édition du "TRIP de printemps" de l'Avicca. Car derrière ces belles performances se cache le sujet, désormais critique, de l'équilibre économique des RIP arrivant en phase d'exploitation. 

Un RIP proche de la cessation de paiement

L'Observatoire relève en effet que les abonnements, avec un taux moyen d'adoption de 60%, ne suivent pas le rythme des livraisons de prises. Par ailleurs, 80% des RIP déplorent des coûts d'exploitation plus élevés qu'anticipés, notamment du fait d'offre de gros non adaptée, des détériorations imputées à la sous-traitance des raccordements (mode STOC) ou des surcoûts d'enfouissement des réseaux. Quant à la complétude, sans financements additionnels de l'Etat, elle est impossible. Les RIP comptent en effet plus de la moitié des prises "complexes" et chiffrent à plus de 400 millions d'euros le besoin de financement supplémentaire. 

Résultat : la situation économique des RIP devient intenable, même si pour le moment ils jouent sur la trésorerie générée par les subventions à l'investissement. Très concrètement, Patrick Chaize a évoqué le cas d'un RIP "en cessation de paiement au 15 avril" – La Charente - sauvée par une lettre de confort de l'ANCT. Une "situation qui leur permet de survivre mais n'est pas durable", a souligné le président de l'Avicca.

Augmenter les tarifs devient urgent

Face à cette situation de crise, l'augmentation des tarifs d'usage des RIP - dont les principes datent de 2015 - apparait indispensable. "69% des RIP demandent leur réévaluation pour financer les surcoûts", a insisté Ilham Djehaich-Mezouar, présidente d'InfraNum. Elément rassurant : les acteurs de l'aménagement numérique ne sont plus seuls à demander la révision du modèle tarifaire. Elle fait en effet partie des principales recommandations du rapport de la Cour des comptes réalisé à la demande du Sénat (voir notre article du 3 avril 2025). La révision des tarifs demande cependant l'aval du régulateur. Pourquoi ? Adopter de nouveaux tarifs sans le go de l'Arcep peut conduire l'Etat à couper les subventions d'investissement. Aussi c'est bien vers l'Arcep que tous les regards étaient tournés ce 13 mai 2025.

Une grille d'ici la fin d'année

Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep, a affirmé que ce sujet était "une priorité" de l'autorité et rappelé que des groupes de travail planchaient dessus depuis un an. "L'idée, c'est d'identifier la nature précise des coûts qui sont en jeu, puis de déterminer ce qui peut ou non être intégré dans les coûts récurrents de cofinancement", a-t-elle précisé. Elle a annoncé une consultation d'ici l'été sur un "référentiel commun de définition des coûts", dans l'objectif de les publier en 2025 pour respecter la recommandation de la Cour des comptes. C'est à partir des nouvelles fourchettes de coûts de l'Arcep que les collectivités pourront renégocier leurs tarifs d'exploitation. Toutefois, la présidente a tempéré les attentes des territoires en soulignant qu'elle ne disposait pas de "bouton magique", les tarifs n'étant qu'une partie d'un sujet "complexe". En clair, l'Arcep ne sera d'aucun recours si les contrats de délégation de service public, qui sont parfois enchevêtrés, ont été mal rédigés ou bâtis sur des hypothèses économiques trop fantaisistes.

Expérimentation laborieuse du mode OI

Le mode Stoc (Sous-traitance opérateur commercial) a par ailleurs été l'occasion d'une passe d'armes entre le président de l'Avicca et la présidente de l'Arcep. Le premier reproche à la seconde de rechigner à imposer aux opérateurs commerciaux le mode OI - où l'opérateur d'infrastructure réalise le raccordement final de l'utilisateur -, ce que la seconde estime "impossible juridiquement".  Il faut dire que l'Arcep a essuyé un refus des opérateurs commerciaux d'expérimenter le mode OI avec Altitude Infrastructures dans l'Essonne, département qui fait pourtant partie des points noirs identifiés par le régulateur. Seule consolation à ce jour : une expérimentation mode OI sur un territoire opéré par Orange infrastructures. En attendant, le discours rassurant de l'Arcep sur "l'amélioration des indicateurs" ne passe toujours pas. De fait, l'observatoire d'InfraNum montre que 82% des collectivités affirment rencontrer toujours des problèmes sur les raccordements. Une situation qui conduit le sénateur Chaize à persister dans son souhait d'une loi. Sa proposition a été reprise par des députés mais n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour.

 

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