La ville préempte les biens affectés par l’érosion côtière (76)

La commune littorale de Criel-sur-Mer est régulièrement confrontée à l’effondrement de falaises qui menacent des habitations à proximité. Dans ces cas-là, elle achète le bien puis procède à sa démolition. Ensuite, le fonds d’indemnisation des risques naturels, dit Barnier, rembourse la ville. La loi climat et résilience pourrait changer la donne.

Criel-sur-Mer, en Seine-Maritime : son littoral, ses plages de galets et ses hautes falaises, aussi belles que fragiles. En raison de l’érosion côtière, la commune est en effet confrontée à un recul des falaises de 30 centimètres en moyenne chaque année. À cela s’ajoutent des reculs brutaux imprévisibles. Ainsi, à l’hiver 2021, des morceaux de 60 mètres de long et de 5 à 8 mètres de large sont tombés, créant un large trou le long d’une route. 

« À l’époque où la notion de risque n’était pas considérée, nombre de maisons ont été construites au bord de ces falaises, offrant une vue imprenable sur la Manche », explique Alain Trouessin, maire de Criel-sur-Mer. 

Évaluation par les domaines

Depuis 1999, la ville a été confrontée à plusieurs effondrements menaçant des biens à proximité. La procédure est aujourd’hui bien rodée : en premier lieu, dialoguer avec les propriétaires, ou les informer s’ils ne sont pas sur place ; ensuite, mettre le site en sécurité en interdisant l’accès à la parcelle ; enfin, après une évaluation du bien par les domaines, la commune en fait l’acquisition, en accord avec les propriétaires, procède à sa démolition, sécurise le site. Au cours des vingt-cinq dernières années, une quinzaine de maisons ont été détruites par ce biais à Criel-sur-Mer. « Il s’agissait la plupart du temps de résidences secondaires : l’affaire est alors moins délicate et nous avons toujours été remboursés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, créé en 1995 en vue d’indemniser les propriétaires de biens menacés », souligne Alain Trouessin.

Le fait que la collectivité doive avancer le montant de l’achat est parfois inconfortable : « Une fois, j’ai dû contracter un emprunt à court terme, sur trois mois, puis j’ai demandé à être remboursé rapidement par l’État », poursuit le premier édile.

Préempter pour démolir

Dernier événement en date : le 10 novembre 2023, une tête de falaise a reculé de plus de 7 mètres et s’est détachée de la paroi. À proximité directe se trouve une parcelle abritant une résidence secondaire, qui était inoccupée à ce moment-là. « Nous avons procédé à la mise en sécurité du site, détaille le maire. J’ai contacté les propriétaires. Il fallait agir sans tarder car la maison, qui se trouve au-dessus de l’estran [NDLR : c’est-à-dire la plage], se trouve menacée par les mouvements de terrain ».

Actuellement, le bien est en cours d’évaluation par le service des Domaines. Une fois que le prix sera connu, la commune va acquérir la propriété puis démolir la maison. Ensuite, la direction générale des finances publiques (DGFIP) remboursera la collectivité, en utilisant le fonds Barnier.

Mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? La question se pose dans la mesure où la loi Climat et résilience du 22 août 2021 semble annoncer la fin de ce fonds. Créé au printemps 2023, le comité national de gestion du recul du trait de côte va réfléchir aux modalités d’indemnisation des biens condamnés par l’érosion côtière.

À Criel-sur-Mer, le risque d’effondrement des falaises ne concerne que des maisons. Une exception toutefois : une entreprise d’entretien d’espaces verts, qui était implantée sur un site en hauteur près d’une falaise. Son gérant a acheté un bien en centre bourg pour y déménager son siège. Il faut dire que le maire organise régulièrement des réunions publiques avec la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) : les Crielois sont au fait de la situation. 

Repli stratégique en action

Le projet de territoire prend en compte le risque lié aux falaises et, plus largement, à l’érosion côtière. Un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) est en cours d’élaboration à l’échelle de la communauté de communes des Villes sœurs : « Il tient compte du plan de prévention des risques naturels, poursuit le maire. Il n’y aura plus aucune construction sur les falaises dans la zone 0-30 ans. Par ailleurs, la municipalité a décidé d’acquérir du foncier pour favoriser et faciliter la délocalisation des biens exposés, avec éventuellement, le soutien de l’Établissement public foncier de Normandie. » Le repli stratégique commence à être mis en pratique. Comme préconisé dans la loi d’août 2021, un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA) est en cours de rédaction : il sera signé par la mairie, l’intercommunalité et le préfet. Ce contrat permettra de générer des financements pour mener des études sur la délocalisation des biens et des services. Un chef de projet va également être recruté à la communauté de communes des villes sœurs(CCVS) dont fait partie Criel-sur-Mer pour constituer le dossier du repli stratégique, indispensable pour la résilience du territoire.

 

*Dans son volet recul du trait de côte, la loi Climat et résilience prévoit l’identification de deux zones : la zone de recul à trente ans (autrement désignée zone 0-30) définit le périmètre susceptible d’être soumis à l’érosion dans les trente années à venir. La zone 30-100 délimite l’espace côtier soumis à l’érosion d’ici trente à cent ans. 

Criel-sur-Mer et le risque érosion en quelques chiffres

Au cours des vingt-cinq dernières années, environ 15 maisons en bord de falaise ont été achetées puis démolies par la ville.
Selon une étude du Cerema (Centre d’études et de recherches sur les mobilités et l’aménagement), d’ici vingt ans, 11 maisons crieloises sont menacées, et 32 pour les cinquante ans à venir. 
Pour la ville, le coût se décompose en trois volets. Par exemple : 200 000 euros pour la maison ; 20 000 euros pour la démolition et 5 000 euros pour la sécurisation.
5 principaux partenaires : État à travers la Préfecture, la DDTM ; service des Domaines et DGFIP ; association Seine Maritime Littoral 76 (SML 76) créée par l’État et le conseil départemental, qui dispose de la compétence Gémapi ; communauté de communes des villes sœurs pour la définition du PLUi ; Établissement public foncier de Normandie (EPFN).

Commune de Criel-sur-mer

Nombre d'habitants :

2596
Place du général De Gaulle
76 910 Criel-sur-Mer
mairie@criel-sur-mer.fr

Alain Trouessin

Maire

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