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Feader : entre décentralisation et reprise en main, le chassé-croisé du gouvernement

D'un côté la poursuite de la décentralisation du Feader, de l'autre une reprise en main de l'État d'une partie des aides… Lors de son audition du 11 septembre 2019 devant la mission d'information sur la sous-utilisation des fonds européens, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a expliqué les orientations à venir pour la prochaine programmation tout en minimisant les difficultés de gestion des fonds européens en France.

Un pas en avant, un pas en arrière ? Le gouvernement semble indécis sur ses choix quant à la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), menant de front deux mouvements contraires : d'un côté la finalisation de la décentralisation du Feader aux régions, de l'autre la reprise en main par l'État de certains aides au sein de ce fonds. Un double mouvement sur lequel Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, s'est exprimée le 11 septembre 2019 lors de son audition devant la mission d'information sur la sous-utilisation des fonds européens.

Il faut dire que le fonds est sujet à de vives discussions, avec des retards de paiement très importants des aides (en tout cas pour ce qui est du programme de développement local Leader) qui font planer le risque d'un dégagement d'office, soit le mécanisme qui pousserait la France à rembourser les aides non consommées. Sur ce point, et avant tout débat autour du Feader, la ministre a souhaité mettre les choses au clair : "En regroupant les quatre fonds, on s'aperçoit que le niveau de consommation s'inscrit dans la moyenne de l'Union européenne. Au 31 décembre 2018, le taux moyen de programmation était de 61% en France, contre 68% dans l'Union européenne, et le taux de moyen de certification des dépenses atteint 35% en France, il est supérieur à la moyenne de l'Union européenne qui se situe à 28%." Et "la France n'a connu quasiment aucun dégagement d'office", a poursuivi la ministre, indiquant que la programmation actuelle courait aussi jusqu'en 2023, par le biais d'un système de prolongation. Elle n'a toutefois pas gommé les différences entre les fonds. "Les difficultés se concentrent sur le programme Leader, où les régions sont autorités de gestion et le ministère autorité de coordination, a insisté Jacqueline Gourault. Un programme qui s'élève à 700 millions d'euros, soit 5% du Feader, et à mettre en rapport aux 28 milliards d'euros que reçoit au total la France en matière de fonds européens." 

Une reprise en main par l'État des aides surfaciques

Concernant les compétences, pas de relativisation mais des évolutions. Alors que le Feader est géré depuis la programmation 2014-2020 à 95% par les régions, le gouvernement souhaiterait reprendre en main le traitement des aides "surfaciques", dont l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) ou encore les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique. "Il faut une clarification des lignes de partage entre l'État et les régions sur le Feader, a affirmé la ministre durant son audition. C'est un sujet très sensible, car il y a les positions des régions, du ministère, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), des agriculteurs hors FNSEA… Mais le Premier ministre a décidé qu'il y aurait une séparation entre ce qui relève du surfacique, qui représente 70 à 80% du Feader, et du non-surfacique, les mesures d'investissement et le développement rural". Édouard Philippe a annoncé la couleur aux régions le 2 juillet 2019, lors du comité État-régions des fonds structurels européens.

Les régions demandent quant à elles à gérer la totalité du Feader lors de la prochaine programmation. "Mais l'État considère qu'il a aussi des politiques nationales à mener, liées au changement climatique, au problème de l'eau, ce qui va dans le sens de gérer une partie du fonds au niveau national", a précisé la ministre. "Et je me permets de dire que le monde agricole est plutôt favorable à cette solution ; c'est une sécurité pour les agriculteurs, c'est la garantie d'une politique nationale dans certains domaines."

Parallèlement, le gouvernement annonce poursuivre en revanche la décentralisation qui avait été prévue pour la programmation actuelle mais qui n'est pas réellement entrée en vigueur. Car malgré la décentralisation du Feader, en moyenne 80% des mesures continuent à être instruites par l'État. Une sorte de décentralisation de façade. Dorénavant, cette décentralisation entrera réellement en œuvre, avec le transfert prochain d'une centaine d'agents de l'État vers les régions.

Au-delà de ces discussions autour des compétences, la question centrale est le montant du Feader pour la période à venir. L'enveloppe pourrait passer de 11 milliards d'euros aujourd'hui à 8,5 milliards, du fait du Brexit. La Commission européenne propose aussi de séparer le Feader des autres fonds structurels et de le réintégrer à la politique agricole commune (PAC). Rien n'est encore décidé.