Education - Fermeture d'une classe unique à Cernay-l'Eglise : la consultation du département était obligatoire... mais on pouvait s'en passer
Sur le sujet de la réduction du nombre d'enseignants dans les écoles rurales, Benoît Hamon ne veut clairement pas de "jurisprudence Cantal". Alors que son prédécesseur Vincent Peillon avait déclaré, le 25 février dernier, à l'Assemblée nationale, qu'il souhaitait que "le modèle que nous avons expérimenté pour la première fois dans le Cantal soit appliqué à l'ensemble des départements (ruraux) qui le souhaiteront" (voir nos articles ci-contre du 13 mars 2014), l'actuel ministre de l'Education nationale a été beaucoup plus prudent, le 4 juin dernier, en commission des affaires culturelles.
Se disant très sollicité, il n'y serait "pas fermé" et assure qu'il "regardera les situations au cas par cas". Mais il prévient : "Ce que nous avons fait dans le Cantal repose sur un engagement extrêmement fort des élus de proposer, d'ici à trois ans, une carte scolaire qui suppose que des écoles de une à trois classes ferment et que le nombre de postes affectés à certaines communes diminue. Cela suppose un travail volontariste en matière de regroupement pédagogique". Et d'insister : "l'implication des élus sera la condition sine qua non pour obtenir la neutralisation du nombre de postes affectés à ces départements."
La démographie scolaire avant toute chose
Le ministre a également souligné que la répartition des moyens doit respecter la démographie scolaire. C'est également le sens du jugement de la cour administrative d’appel de Nancy de juin 2013, commenté par la Lettre d’information juridique du ministère de l'Education nationale de janvier 2014. Selon elle, la décision de supprimer un poste d’enseignant dans une école "est prise au regard de l’évolution des effectifs des classes concernées, et non en considération de la qualité des infrastructures de l’école, des modalités pratiques d’accueil des élèves, des conditions de transport scolaire et de restauration des enfants".
Revenons aux faits. Par un courrier du 6 mai 2011, l'inspectrice d’académie du Doubs avait informé le maire de Cernay-l'Eglise de sa décision de procéder, à compter du 1er septembre 2011, à la suppression de l’emploi de professeur des écoles de la classe unique de sa commune qui scolarisait dix élèves, de la grande section de maternelle au cours moyen 2.
L’association "École et territoire" et M. et Mme X avaient présenté une requête devant le tribunal administratif de Besançon tendant à l’annulation de cette décision (qui avait été rejetée par un jugement en date du 21 juin 2012 confirmé par la cour administrative d’appel de Nancy en juin 2013). Les plaidants faisaient notamment valoir que le département n'avait pas été consulté.
Une absence sans influence ?
Or, s’il est obligatoire de consulter le département sur les projets de création ou de suppression d’écoles, (article D.213-29 du Code de l’Education), la Cour a estimé qu’"il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence de consultation ait eu une influence sur le sens de la décision prise par l’inspectrice d’académie ou qu’elle ait privé les requérants d’une quelconque garantie, dès lors qu’il n’est pas établi que la décision contestée s’accompagnera d’une modification substantielle en matière de transport, justifiant la consultation du département auquel incombe la responsabilité de l’organisation et du fonctionnement de ces transports".
Bref, comme le remarque la LIJ, "la cour administrative d’appel de Nancy confirme le caractère obligatoire de la consultation du département", mais la méconnaissance de cette obligation de consultation est admise par la jurisprudence (issue en fait de la décision d’Assemblée du Conseil d’État du 23 décembre 2011 / Danthony, n° 335033). La LIJ note que ce même "vice de procédure pourrait justifier une annulation contentieuse si une mesure de suppression d’une école avait un impact plus important en matière de transport scolaire".
Pas de prise en compte de l'augmentation anticipée du nombre d'enfants
Les requérants mettaient également en avant que "l’effectif des élèves scolarisés dans l’école communale, qui était de dix élèves à la rentrée scolaire 2011, devait augmenter et passer de quinze à vingt élèves dans les deux prochaines années en raison de l’augmentation du nombre des habitants de la commune, liée à la création de deux lotissements".
Là encore, le juge d’appel a considéré que "cette circonstance, à la supposer vérifiée, ne suffit pas à établir que l’administration aurait commis une erreur de fait dans l’appréciation des effectifs à la date à laquelle la décision en litige a été prise".
Valérie Liquet avec AEF
Référence : C.A.A. Nancy, 13 juin 2013, M. et Mme X c/, ministre de l’Education nationale, n°12NC01472, dans la Lettre d'information juridique du MENESR de janvier 2014.