Fermetures de classes en zone rurale : Elisabeth Borne souhaite "changer de méthode"

Alors que les annonces de fermetures de classes se multiplient pour la rentrée 2023, Elisabeth Borne a promis vendredi 31 mars 2023 de "changer de méthode" sur l'épineuse question des fermetures de classes en milieu rural, avec davantage d'anticipation. Une option qui pourtant avait été écartée le 2 mars par le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye.

Alors que l'AMRF réclame un moratoire (voir article du 2 février 2023), que l’AMF a relayé auprès du ministre début mars les inquiétudes des maires concernant les fermetures de classes, la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé vouloir "changer de méthode" pour les fermetures en zones rurales. Rappelons qu’au 31 mars 2023, 5.424 fermetures de classes sont actées dans l’ensemble des départements pour 3.186 ouvertures, soit un solde négatif de 2.238 classes, selon le Snuipp, syndicat majoritaire chez les professeurs des écoles (1).
C’est à l'occasion d’un déplacement dans deux écoles de la Nièvre que la Première ministre, accompagnée par le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye et la ministre déléguée à la Ruralité Dominique Faure, a abordé "un point sensible dans les territoires ruraux, la question des fermetures de classes", pour lesquelles elle souhaite ce "changement de méthode". "Aujourd'hui, elles sont annoncées quelques mois à l'avance. On veut pouvoir anticiper, partager en transparence avec les élus et avoir une approche sur plusieurs années, afin de trouver des réponses adaptées", a-t-elle précisé. Pour rappel, le 2 mars 2023, Pap Ndiaye avait écarté cette hypothèse alors qu’il était interrogé par le sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson qui lui demandait s'il était envisageable de réviser la carte scolaire sur un rythme pluriannuel pour tenir compte, notamment, des politiques d'urbanisme par lesquelles l'État "impose aux maires de voir loin" (voir notre article du 2 mars 2023).  

Diminuer les effectifs par classe

La fermeture de classe est la réponse du ministère de l’Éducation nationale à la baisse de la démographie scolaire. Dans le premier degré, le nombre d’élèves devrait s’établir à 6.349.600 à la rentrée 2023, soit une baisse de 73.200 élèves par rapport à la rentrée 2022, laquelle accusait déjà une diminution de 58.700 élèves avec 2021. La Depp, le service statistique du ministère de l’Education nationale prévoit que le nombre d’élèves du premier degré devrait passer à 6.287.400 à la rentrée 2024, puis à 6.063.400 à la rentrée 2027. Même constat pour le second degré : pour 2024, les effectifs devraient baisser de quelque 20.000 élèves.
Nombre d’élus, de syndicats enseignants et de parents d’élèves ne comprennent pas pourquoi cette baisse démographique scolaire n'est pas l'opportunité qui pourrait permettre de diminuer les effectifs par classe, alors que la France est notoirement l’un des pays européens où les classes sont les plus chargées.

Passer de 65 à 300 territoires éducatifs ruraux d’ici trois ans

A l’occasion de ce déplacement, Elisabeth Borne a également évoqué "la généralisation des territoires éducatifs ruraux (TER), en les doublant dès l'année prochaine". Objectif : 300 dans les 3 ans, selon son entourage. Une note d'étape de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche avait pointé, en mai 2023, le manque de financement spécifique de l'État dans ce dispositif (voir notre article du 22 mai 2022). Créés à titre expérimental au printemps 2021, les territoires éducatifs ruraux rassemblent l'ensemble des acteurs (Etat, collectivités et associations) autour de l'enfant pour concourir à son parcours et à sa réussite. Selon des données du ministère de l'Education nationale, on totalise actuellement "65 TER, dans 10 académies et 40 départements, avec 92 collèges et 665 écoles".
Elisabeth Borne a enfin dit souhaiter le développement des internats dans les lycées les plus isolés, "pour que les jeunes ne soient pas contraints dans le choix de leur lycée par l'éloignement géographique et donc qu'ils puissent accéder aux filières qu'ils souhaitent" (lire notre article du 30 mars 2023).

Dans la foulée de ce déplacement, l'Association des maires de France a une nouvelle fois rappelé ses exigences, regrettant le manque de "concertation préalable avec les élus" quant au maillage des écoles dans les zones rurales. Sa demande est inchangée : pas de fermeture de classe sans accord du maire. "Les incidences sont, en effet, très concrètes pour les communes, tant en matière de locaux que de personnels et d’organisation des accueils périscolaires, voire plus globalement en matière d’attractivité du territoire", souligne l'AMF dans son communiqué diffusé ce 31 mars. Elle attend "des réponses quant au devenir des conventions ruralité" et "un cadre de concertation renouvelé avec l’Education nationale sur la carte scolaire" pour "élaborer une vision stratégique commune sur le maillage territorial des écoles primaires". Pour les maires, le principe de la sectorisation du territoire scolaire doit bien être "pas de commune sans école, au sens où chaque commune doit être rattachée à une école de territoire".

(1)  Carte scolaire : des milliers de classes fermées