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"Filet de sécurité" des finances du bloc communal : les modalités précisées par décret

Le mécanisme de prise en charge par l'Etat d'une partie des pertes fiscales et domaniales qu'ont à déplorer certaines communes et intercommunalités du fait de la crise est opérationnel, avec la parution ce 27 novembre du décret d'application. Mais les associations de maires et présidents d'intercommunalité le jugent très insuffisant. Celles-ci sont préoccupées par la réduction à venir du produit de CVAE, que l'administration fiscale estime à -2,2% pour l'an prochain.

Alors que le second confinement prive à nouveau les communes et intercommunalités de certaines de leurs recettes, celles qui sont les plus durement touchées sur l'ensemble de l'année vont percevoir la première tranche du soutien de l'Etat prévu dans le cadre du "filet de sécurité". Les collectivités et groupements à fiscalité propre éligibles au dispositif inscrit dans la loi de finances rectificative du 30 juillet dernier (LFR 3), doivent percevoir au plus tard le 30 novembre un acompte de 50% des sommes qui leur sont dues. La décision de versement de l'acompte est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. L'acompte est ensuite versé au bénéficiaire sans que celui-ci ait de démarches particulières à accomplir. Un schéma très simple qui n'est pas celui qui s'applique aux syndicats mixtes compétents en matière de transport et de tourisme. Ceux-ci doivent adresser au préfet et au directeur départemental des finances publiques, avant le 30 novembre, une demande de versement d'acompte. S'ils y ont droit, ce dernier leur sera attribué au plus tard le 15 décembre 2020. C'est ce que précise le décret d'application du dispositif, qui a, enfin, été publié ce 27 novembre.

"Jamais, dans aucune crise traversée par les collectivités locales, l’Etat n’avait mis en place un mécanisme de garantie de recettes sur les recettes fiscales et domaniales", a souligné le ministre délégué chargé des comptes publics lors de la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, au Sénat. Mais sans convaincre. Pour cause : selon les estimations du gouvernement, entre 2.300 et 2.500 communes bénéficieraient du mécanisme, pour un montant d'environ 120 millions d'euros. Et du côté des intercommunalités, une centaine d'entités pourraient être éligibles pour un montant d’environ 110 millions d'euros.

 

Un dispositif pour 2020 seulement

 

Pas de quoi vraiment maintenir à flot les finances locales, estiment les associations d'élus locaux. Car les pertes financières liées à la crise se montent à plusieurs milliards d'euros, rien qu'en 2020. Le député (LaREM) Jean-René Cazeneuve estimait en juillet dernier que le bloc communal essuiera en 2020 des pertes nettes de 2,3 milliards d'euros (recettes tarifaires comprises), correspondant à 2,1% de ses recettes réelles de fonctionnement. Mais pour les associations d'élus locaux, ce sera probablement bien plus. En se basant sur une enquête qu'elle est en voie d'achever, France urbaine estime par exemple que "l’impact net" de la crise s’élève à 2 milliards d’euros cette année, rien que pour les villes et intercommunalités qui adhèrent à l'association (1,5 milliard d'euros sans la ville de Paris). Cela représente 5% des recettes réelles de fonctionnement des structures concernées.

Les modalités de calcul retenues par le gouvernement, l'exclusion des recettes tarifaires et l'impossibilité pour certains acteurs (établissements exploités en régie, EPCI sans fiscalité propre) d'y avoir droit : pour toutes ces raisons, le dispositif paraît bien trop limité aux yeux des élus locaux et des sénateurs. Ces derniers ont d'ailleurs amendé la première partie du PLF 2021 pour le parfaire (voir notre article du 25 novembre 2020). Mais les députés ne devraient pas accepter ces évolutions.

Les élus locaux critiquent aussi le refus opposé pour le moment par le gouvernement de reconduire le filet de sécurité en 2021. Sa position n'est toutefois pas définitive, comme l'a laissé entendre Olivier Dussopt, le 24 novembre, devant les sénateurs : rappelant la mise en place cette année de mécanismes de garantie en faveur des collectivités locales, le ministre a assuré que "nous pourrions le refaire, si toutefois cela était nécessaire".

 

CVAE en 2021 : premières estimations

 

L'inquiétude des élus locaux pour les finances du bloc communal en 2021 est notamment liée à l'évolution des recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). De fait, les premières prévisions que la Direction générale des finances publiques vient de communiquer aux associations d'élus locaux font état d'un recul du produit de la taxe l'année prochaine. Une réduction qui atteindrait 2,2% en moyenne, selon ces données encore provisoires. En tout cas, le scénario d'une chute de 10%, anticipé fin septembre par Jean-René Cazeneuve, ne se concrétiserait pas. La perte de recettes pour le bloc communal (et les départements) serait tout de même significative. En sachant qu'elle pourrait s'élever aux alentours de 9% dans des agglomérations comme celles de Clermont-Ferrand et Toulouse.

Là encore, ce problème a été jugé sensible par le Sénat. Dans le cadre de la discussion de la première partie du PLF 2021, la seconde chambre a voté un mécanisme garantissant que les collectivités et les intercommunalités percevront l'an prochain au moins le produit de CVAE de l'année 2020. Mais la disposition devrait passer à la trappe lors de la navette.

Pour les associations d'élus locaux, l'enjeu de la compensation des pertes de recettes des collectivités est crucial : la réduction de leurs marges de manœuvre financières réduit leur capacité à investir et donc à participer à la relance de l'économie.

Références : décret n° 2020-1451 du 25 novembre 2020 pris pour l'application de l'article 21 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.