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Congrès ARF - Finances : les régions lancent un "message d'alerte"

A l'amorce des négociations sur les contrats de plan, les régions ont alerté les membres du gouvernement présents à leur 9e congrès sur leurs difficultés financières. Les annonces de Marylise Lebranchu (remboursement des nouvelles primes d'apprentissage, introduction d'une recette dynamique) ne sont pas suffisantes, selon elles, pour relever les défis à venir : nouvelle politique industrielle, apprentissage, formation... Sans parler des nouvelles compétences contenues dans la réforme de la décentralisation.

Pour la première fois de leur histoire, les régions s'apprêtent à présenter des budgets en baisse. Les présidents des exécutifs régionaux l'ont martelé, lors du 9e congrès de l'Association des régions de France (ARF), les 19 et 20 septembre à Nantes. A cela deux raisons : la baisse des dotations de l'Etat aux régions de 184 millions d'euros en 2014 et les effets à retardement de la suppression de la taxe professionnelle.
Alors que le projet de loi de décentralisation leur accordera de nouvelles compétences, que la négociation sur les contrats de plan Etat-régions démarre, que la nouvelle politique industrielle se met en place, les marges de manœuvre sont minces. "Nous sommes les seules collectivités dont les ressources baissent […] Les régions ont la volonté, mais si elles ont un boulet au pied et les menottes aux poignets, ce sera compliqué", a lancé Alain Rousset, le président de l'Association des régions de France (ARF), convaincu que la réindustrialisation passera par les territoires et l'accompagnement des PME.
L'intervention de Marylise Lebranchu, la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, était très attendue depuis le pacte de confiance et de responsabilité du 16 juillet qui a acté cette baisse des dotations mais ouvrait dans le même temps la porte à plus d'autonomie fiscale.

Nouvelles ressources fiscales

La ministre a confirmé les orientations du pacte qui se traduiront dans le projet de loi de finances pour 2014 : au lieu des 900 millions d'euros de dotations actuelles, par définition statiques, les régions bénéficieront de ressources fiscales plus dynamiques. Les deux tiers de ces nouvelles recettes (600 millions d'euros) correspondront aux frais de gestion perçus aujourd'hui par l'Etat au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation. Les 300 millions d'euros restants proviendront de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). "Je souligne le caractère particulièrement dynamique des frais de gestion, de l'ordre de 5% par an", a souligné la ministre.
Par ailleurs, l'Etat "compensera intégralement aux régions le coût de 2014" du nouveau dispositif amené à remplacer les primes d'apprentissage, a indiqué la ministre. Ces primes étaient jusqu'ici payées par l'Etat et distribuées par les régions aux entreprises. Or lors du Cimap (comité interministériel de modernisation de l'action publique) du 17 juillet, le gouvernement avait annoncé un peu hâtivement la suppression pure et simple du dispositif. Face au tollé suscité par cette mesure, il était aussitôt revenu sur sa décision, proposant un compromis : le maintien d'un dispositif uniquement pour les entreprises de moins de 10 salariés, qui captent actuellement les deux tiers de cette prime. Le remboursement de l'Etat est donc plus un retour à la situation ex ante qu'une largesse… Quant aux entreprises de plus de dix salariés, "les régions qui le veulent pourront continuer à apporter un soutien, mais vu l'état de leurs finances, ce serait étonnant", explique-t-on à l'ARF.

"Dans trois ans, les régions seront en faillite"

Si les régions ont obtenu des motifs de satisfaction avec la décentralisation de la gestion des fonds européens, ces annonces ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles attendaient. A savoir une véritable clarification sur les moyens qui leur seront alloués pour accompagner leurs nouvelles compétences (en matière d'énergie, des réseaux de communication et de soutien aux universités) découlant de la réforme de la décentralisation.
"Nous lançons un message d'alerte au Premier ministre et au président de la République", a déclaré Alain Rousset, en clôture de ce congrès. Le patron des régions a évoqué pêle-mêle les dépenses auxquelles elles doivent faire face : le plan de formation des 30.000 chômeurs, l'apprentissage (la rénovation des CFA et les nouveaux objectifs gouvernementaux : passer de 430.000 à 500.000 contrats), le cofinancement des plans Campus... "Tout cela n'est plus possible. Nos dépenses de fonctionnement sont extrêmement étroites, nous avons la part d'investissement la plus importante", a-t-il aussi argué, alors qu'un pré-rapport de la Cour des comptes, dévoilé jeudi par Les Echos, épingle la gestion des collectivités.
Alain Rousset a enfin alerté le gouvernement dans le lancement des contrats de plan Etat-régions. "Lors de la génération actuelle des contrats (2007-2013), les régions ont engagé 15,3 milliards d'euros, l'Etat 12 milliards et les autres collectivités un peu plus d'un milliard d'euros", a-t-il rappelé. "Il y a un risque que les régions divisent cette somme par deux", a-t-il mis en garde. La veille, Martin Malvy a été encore plus précis : "A partir du moment où les recettes baissent et les dépenses augmentent, nous n'allons plus pouvoir emprunter. La solution est que nous réduisions nos dépenses de fonctionnement [...] Sinon, dans trois ans, les régions seront en faillite",  a déclaré le président de la région Midi-Pyrénées. Ce dernier a soulevé un problème de calendrier. "Nous préparons les contrats de plan mais la loi de décentralisation n'est pas votée, il y a une certaine incohérence", a ainsi fait remarquer le président de la région Midi-Pyrénées. Martin Malvy a aussi regretté l'absence de certains domaines dans le champ de ces contrats : l'agriculture, le tourisme et la culture. Il a en outre souligné le risque que 2014 (année de transition entre les contrats de 2007-2013 et ceux de 2014-2020), soit "une année blanche" pour les investissements. Enfin, les régions veulent avoir l'assurance d'être seules face à l'Etat dans ces négocations. "Notre interlocuteur contractuel, ce sont les régions […] à vous de vous débrouiller avec les autres collectivités", a répondu Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. Quant à l'agriculture, le nouveau délégué interministériel à l'aménagement du territoire (Datar), Eric Delzant, a reconnu qu'il y avait "sans doute eu un trou dans la raquette". "Des discussions ont été engagées avec le ministre de l'Agriculture pour renforcer le volet agricole", a-t-il précisé.
Pour dégager des économies, les régions ont annoncé, jeudi, leur volonté de devenir propriétaires de leurs trains régionaux (voir ci-contre notre article du 19 septembre). Trains qu'elles financent aujourd'hui, mais qui appartiennent à la SNCF.