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Monuments - Foisonnement d'initiatives pour relancer les transferts de patrimoine classé aux collectivités

Deux initiatives viennent, coup sur coup, relancer le dossier du transfert aux collectivités territoriales d'éléments du patrimoine classé ou inscrit de l'Etat et du Centre des monuments nationaux, prévu par l'article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. La première vient du Sénat, tandis que la seconde émane du Conseil économique, social et environnemental.

 

Un appel permanent au volontariat

Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin et ancien président du conseil général, vient ainsi de déposer une proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat. Son article unique vise à abandonner le système actuel, particulièrement lourd, d'une liste d'éléments de patrimoine proposés au transfert pour une durée limitée. La proposition de loi prévoit de remplacer ce dispositif par un "appel généralisé et sans limite temporelle au volontariat des collectivités". L'Etat conserverait la possibilité, à l'issue d'une expertise, d'accepter ou de refuser les candidatures de collectivités. Le refus pourrait être fondé sur différents critères : l'intérêt des finances publiques, les conséquences statutaires pour les personnels concernés, le projet scientifique de l'établissement ou "l'importance qui s'attache à ce que l'élément de patrimoine reste dans le giron de l'Etat". En cas d'accord, une convention entre l'Etat et la collectivité fixerait les conditions scientifiques du transfert.
L'exposé des motifs de la proposition comporte un intéressant tableau qui dresse un bilan des transferts réalisés ou en cours. Celui-ci apparaît pour le moins mitigé. Issu des travaux de la commission présidée par René Rémond, le décret du 20 juillet 2005 dressait une liste de 176 monuments historiques "transférables". A ce jour, seuls 69 monuments (39%) ont intéressé les collectivités territoriales : 41 conventions de transfert ont été signées et 24 sont en cours de signature. Les premiers transferts entrés dans les faits - au 1er janvier 2007 - ont été ceux du château du Haut-Koenigsbourg (département du Bas-Rhin), de l'abbaye de Jumièges (département de Seine-Maritime), de l'hôtel Renan-Scheffer, siège du musée de la Vie romantique (ville de Paris) et de l'église Saint-Ayoul (ville de Provins). Le bilan du décret de 2005 montre également que certaines opérations se passent mal. Dans les Pyrénées-Orientales, le préfet a rejeté la candidature de la commune de Salses-le-Château et l'Etat (Centre des monuments historiques) a donc conservé la propriété du fort de Salses. Dans les Alpes-Maritimes, c'est le département qui a refusé les conditions posées par l'Etat au transfert du couvent des Franciscains de Saorge.

 

Le temps des cathédrales ?

La seconde initiative vient du CES, qui a adopté, le 21 octobre, un rapport et un avis intitulé "Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental". Présenté par Jean-Jacques Aillagon - président de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles et ancien ministre de la Culture -, le rapport embrasse un objet plus vaste que la proposition du Sénat. Il se penche en effet sur la question conflictuelle du financement de l'entretien du patrimoine et suggère l'affectation à cette fin d'une petite partie (entre 0,5% et 1%) des recettes de la Française des jeux. Selon le rapporteur, ce prélèvement permettrait d'apporter entre 45 et 90 millions d'euros de ressources pour le financement de l'entretien du patrimoine monumental, qui s'ajouteraient aux 330 millions d'euros prévus par le budget de l'Etat.
Sur la question des transferts, l'avis du CES préconise une "redéfinition" du périmètre des monuments appartenant à l'Etat, en réactivant les travaux de la commission Rémond (aujourd'hui décédé). Il propose également d'envisager le transfert des cathédrales aux départements ou aux régions, en faisant valoir que "leur affectation à l'Etat résulte d'un critère purement religieux : leur fonction de siège épiscopal". L'Etat conserverait néanmoins la propriété de certaines d'entre elles "pour des motifs par exemple liés à l'histoire nationale" (à l'image des cathédrales de Reims ou de Paris). Le CES suggère également de procéder à des "échanges". En contrepartie du transfert de grandes cathédrales à des départements ou des régions, l'Etat pourrait reprendre certaines cathédrales détenues aujourd'hui par des villes moyennes, car elles ne sont plus siège d'un évêché (Senlis, Sens, Toul...), et qui pèsent lourdement sur les finances communales. Cette pratique des "échanges" entre Etat et collectivités pourrait être étendue à d'autres catégories de monuments.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Références :  Sénat, proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat (annexée au procès-verbal de la séance du 14 octobre 2008). Conseil économique, social et environnemental, rapport et avis relatifs à une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental (adopté en séance plénière le 21 octobre 2008).