Archives

Culture - Françoise Nyssen lance un plan pour lutter contre les "zones blanches culturelles"

La ministre de la Culture a présenté, le 29 mars, le plan "Culture près de chez vous", pour l'itinérance des œuvres et des artistes. Le sous-titre du dossier de présentation - "Œuvres et artistes sur les routes de France" - dit bien l'objectif affiché par la ministre de la Culture : "faire reculer la ségrégation culturelle". Pour Françoise Nyssen en effet : "Nous dépensons dix fois plus en Ile-de-France que dans le reste du pays. Les chiffres sont criants : 139 euros par an pour un Francilien ; 15 euros en moyenne pour les autres citoyens. Vous me direz que les lieux se concentrent autour de la capitale, c'est vrai. Il n'empêche que le service public n'est pas équilibré. Celui qui habite à Roanne, Thionville ou Quimperlé contribue au financement d'un opéra Garnier, d'un Odéon ou encore d'un musée d'Orsay, qu'il n'aura peut-être jamais la chance de voir 'en vrai'."

86 "territoires culturels prioritaires"

Pour l'occasion, le ministère de la Culture a établi une cartographie des équipements culturels publics du territoire, par bassins de vie. Cette carte - dont la présentation mériterait d'être davantage détaillée et explicitée dans le dossier - permet d'identifier des "zones blanches" de la culture, correspondant aux 86 bassins de vie comptant moins d'un équipement culturel public pour 10.000 habitants. Pour mémoire, la France compte environ 30.000 équipements culturels, dont plus de la moitié sont des bibliothèques. Mais une partie de ces lieux sont privés, comme les 5.500 cinémas ou les 3.000 librairies.
Sur ce point, ces zones blanches, qui ont vocation à devenir des "territoires culturels prioritaires", sont plus particulièrement concentrées dans certains départements : la Martinique (3 bassins de vie sur 4), les Vosges (5/7), la Guyane (2/3), la Guadeloupe (3/5), la Moselle (11/22), la Réunion (4/10), le Loiret (6/18), l'Eure (7/28)... On est plus surpris - du moins au vu de la carte assez peu précise - d'y trouver Marseille (capitale européenne de la culture en 2013) et toute la côte jusqu'à Toulon.

Une "politique volontariste d'irrigation"

La réponse que le ministère entend apporter à ces territoires culturels prioritaires passe par une "politique volontariste d'irrigation". Pour cela, le plan "Culture près de chez vous" va s'appuyer sur plusieurs piliers : artistes et culture sur les routes de France, mobilité des oeuvres, déploiement à travers toute la France des "micro-folies" et musées numériques de proximité.
Artistes et culture sur les routes de France recouvre notamment le développement des spectacles itinérants - à l'instar des Tréteaux de France, centre dramatique national sans lieu fixe -, la généralisation du dispositif "scènes de territoire", un soutien aux festivals, une attention particulière portée aux cirques, un engagement des opérateurs de l'Etat et des structures labellisées autour d'une multiplication des actions hors les murs, une redéfinition des missions de l'Office national de diffusion artistique (Onda)...

Bientôt 200 micro-folies dans toute la France

La mobilité des œuvres passe notamment par la définition d'une politique nationale de circulation de chefs-d'oeuvre iconiques des collections des musées nationaux, l'organisation d'expositions événementielles par les musées nationaux dans des lieux non muséaux, ou encore la création d'un nouveau label "musée hors les murs". Les Frac et les centres d'art seront également invités à intensifier la diffusion des œuvres et à cibler les zones prioritaires.
Enfin, les micro-folies et les musées numériques de proximité constituent la composante la plus originale. Conçues par l'établissement public du parc de la grande halle de la Villette, les micro-folies sont "des espaces modulables de démocratie culturelle et d'accès ludique aux oeuvres des plus grands musées nationaux, qui intègrent un musée numérique, un Fab-Lab, un espace de rencontre et qui permettent à leurs visiteurs de se situer des deux côtés de la création en étant spectateur mais également créateur". Le ministère prévoit d'en déployer 200 dès 2018 sur tout le territoire.

Pour de nouvelles méthodes de travail

Au-delà de ces mesures, le plan "Culture près de chez vous" propose aussi "de nouvelles méthodes de travail". Celles-ci prévoient notamment d'intégrer le plan dans "une nouvelle clause de solidarité territoriale, qui sera inscrite dans les conventions entre l'Etat et les collectivités locales". Les Drac devront ainsi déployer de nouvelles méthodes de travail en fédérant les acteurs du territoire, à commencer par les élus, et en premier lieu ceux des territoires culturels prioritaires.
De même, le ministère entend proposer aux collectivités et aux acteurs locaux de les accompagner "dans le cadre d'une démarche participative innovante". L'objectif n'est pas "de financer une offre culturelle déjà pensée et organisée par un professionnel, mais bien de partir de l'initiative de la société civile et d'accompagner la définition du projet".
Il est également prévu de créer, dès 2019, une "plateforme de consultation, hébergée par le ministère de la Culture, [qui] recensera tous les projets itinérants susceptibles d'être financés et déposés par les acteurs".

La question des moyens

Seul bémol à ce plan : le décalage entre les moyens affectés et les ambitions affichées par le plan, doublées d'une grande diversité des actions. Le ministère de la Culture prévoit en effet d'affecter à la mise en œuvre du plan "Culture près de chez vous" une enveloppe de 6,5 millions d'euros de crédits déconcentrés supplémentaires en 2018, avec l'objectif d'atteindre 10 millions en 2022.
Ramenés aux 86 territoires culturels prioritaires, l'enveloppe moyenne de financements supplémentaires serait ainsi d'environ 75.000 euros par territoires en 2018 et de 116.000 euros en 2022. Les collectivités devraient donc sans doute être amenées à apporter leur contribution.