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Culture - Après la nouvelle donne territoriale, "le cadre d'intervention des collectivités reste incertain"

Jean-Marie Bockel, sénateur du Haut-Rhin, publie un rapport d'information, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et intitulé "L'incidence de la nouvelle donne territoriale sur la politique de décentralisation culturelle". Il s'agit en l'occurrence des résultats d'une table ronde sur le même thème, organisée par le Sénat en novembre 2016. Ce colloque a donné "l'occasion d'un débat sur les conséquences des principales réformes concernant les collectivités engagées par le gouvernement - la réforme des collectivités territoriales, la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités et la réforme des services déconcentrés de l'Etat - sur une politique publique dans laquelle ces dernières sont très impliquées : la culture".

Une régionalisation et une métropolisation rampantes

L'enjeu est de taille puisque, comme le rappelle Jean-Marie Bockel, "les dépenses des collectivités en matière culturelle s'élevaient à 7,6 milliards d'euros en 2010, soit le double des crédits de la mission Culture. Le bloc communal concentrait 73% de ces dépenses, contre 18% pour les départements, et 9% pour les régions".
Le constat tiré des récentes réformes est mitigé. Le rapport soulève ainsi plusieurs difficultés. Tout d'abord, "en accentuant la régionalisation et la métropolisation rampantes du territoire, la réforme des collectivités territoriales pose la question du devenir du socle communal de l'action culturelle, et présage de redoutables difficultés en termes d'aménagement culturel".
Ensuite, "la baisse des dotations de l'Etat fragilise le modèle de co-financement des dépenses culturelles, étant donné l'ampleur des difficultés financières auxquelles les collectivités - et singulièrement les communes et les conseils départementaux - sont confrontées".
Enfin, le rapport pointe "une altération du dialogue entre les collectivités et l'Etat, qui peut résulter de la réforme des services déconcentrés de l'Etat, et notamment de la reconfiguration de certaines Drac, au détriment de l'indispensable co-construction des politiques culturelles".
Cette situation place les élus locaux "dans une situation d'expectative, voire dans une franche inquiétude", a exprimé notamment la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC).

Un sentiment d'éloignement dans les territoires

A partir de ce constat, le rapport identifie trois enjeux principaux : la proximité de l'offre culturelle, en contrepoint à la régionalisation et à la métropolisation du territoire, la soutenabilité des interventions financières, face à la raréfaction des concours de l'Etat aux collectivités et, enfin, la coopération entre les acteurs locaux, "dont l'institutionnalisation, quoique renforcée, demeure perfectible".
Sur l'impact direct de la réorganisation territoriale, le rapport apparaît dubitatif, pour ne pas dire réservé. Ainsi, il considère que "le double mouvement de régionalisation et de métropolisation du territoire est ambivalent : il peut certes permettre des synergies entre les acteurs culturels, mais il risque aussi d'engendrer un sentiment d'éloignement dans les territoires ou auprès des publics les plus isolés".
Sur la soutenabilité des dépenses culturelles, le rapport rappelle l'étude de l'Observatoire des politiques culturelles, montrant que 59% des collectivités - tous échelons confondus - déclarent avoir diminué leurs budgets de fonctionnement dans le domaine culturel entre 2015 et 2016, contre une hausse pour 30% et une stabilité pour 11% d'entre elles (voir notre article ci-dessous du 8 mars 2017).

A quand une évaluation exhaustive ?

Sur la coopération entre les acteurs locaux, la création des conférences territoriales de l'action publique constitue un progrès, avec en particulier l'obligation de créer une commission thématique dédiée à la culture dans chaque conférence et d'organiser un débat annuel sur la politique en faveur de la culture. Mais les résultats semblent, pour l'instant, assez limités.
Au final, selon Jean-Marie Bockel, "le cadre d'intervention des collectivités est au total incertain". Conclusion générale : " Compte tenu de l'ampleur des implications de la nouvelle donne territoriale sur la politique de décentralisation culturelle, il apparaitrait opportun d'évaluer, en temps utile et de manière exhaustive, la mise en œuvre concrète des réformes engagées par le gouvernement, en accordant une attention spécifique aux enjeux de proximité, de soutenabilité et de coopération identifiés précédemment".

Références : Sénat, rapport d'information n° 543 (2016-2017) de Jean-Marie Bockel, sénateur du Haut-Rhin, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales. 
 

 

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