Frédéric Bardeau : "Nous allons former une centaine de personnes par an dans les quatre académies du métavers"

La fin de l'année 2022 a vu fleurir quatre académies du métavers en France, à Marseille, Nice, Lyon et Paris. Meta, maison mère de Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, s'est associée à l'entreprise sociale et solidaire Simplon.co pour déployer ces formations gratuites aux métiers futurs du numérique. Dans un entretien accordé à Localtis, Frédéric Bardeau, cofondateur de Simplon.co décrit ces formations qui visent notamment "les publics issus des territoires fragiles", destinées à former des techniciens en réalité virtuelle et des développeurs en réalité virtuelle et augmentée. Il évoque aussi les applications du métavers pour les territoires. 

Localtis - À qui s'adressent ces académies ?

Frédéric Bardeau - L'académie du métavers est dans le prolongement de ce que Simplon fait depuis dix ans. Nous sommes un organisme de formation en économie sociale et solidaire. Nous nous adressons principalement aux demandeurs d'emploi. Il y a énormément de métiers en tension et d'opportunités professionnelles dans les métiers du numérique. Nous formons environ 7.000 personnes par an à raison de 130 écoles dans 28 pays, la base principale étant la France où nous avons déployé 90 écoles dans pratiquement tous les territoires. C'est pour cela que Meta nous a approchés pour déployer ce programme d'école gratuite et inclusive exclusivement dédiée au métavers. 

Quels sont les cursus ?

Le cursus, accessible sans diplôme, se décompose en deux phases. La première est d’une durée de trois à six mois et permet aux apprenants de bénéficier d’une session de formation intensive individuelle. La deuxième se déroule en alternance durant 12 à 18 mois au sein d’entreprises régionales partenaires.

Quels sont les deux métiers auxquels prépare l'académie du métavers ?

Il s'agit de former des techniciens / techniciennes en réalité virtuelle. Pour ce métier, n'y a aucun pré-requis pour la maintenance des équipements. Il faut juste le niveau bac. C'est l'équivalent du support informatique mais pour les masques de VR et du métavers. Le deuxième métier proposé est celui de concepteur-développeur de réalité virtuelle et de réalité augmentée. Et pour cela, il faut avoir une connaissance préalable d'un langage de programmation. Il n'est pas nécessaire d'être déjà ingénieur mais il ne faut pas totalement découvrir la programmation. C'est une spécialisation qui s'adresse à ceux qui sont déjà un petit peu développeurs. En revanche, il n'existe pas de pré-requis de diplôme, d'anglais, ni d'âge.

En revanche, vous pratiquez une forme de discrimination positive…

Oui, nous essayons d'avoir 30% de femmes, nous visons des personnes peu ou pas diplômées, des personnes en situation de handicap, des personnes issues des quartiers et des zones rurales. Nous avons une intention particulière pour les publics issus des territoires fragiles. Notre objectif c'est de mettre en lien les entreprises présentes dans les territoires qui ont besoin de ces profils pour qu'elles les embauchent. Malheureusement, ce phénomène est encore très métropolitain. Ce qui n'empêche pas d'imaginer un développeur en réalité virtuelle qui exerce en remote ou en télétravail. Je trouve déjà bien que Meta ne se soit pas contenté de jouer la sécurité en implantant une école en Île-de-France alors que 50% des emplois numériques sont effectivement en Île-de-France.

Quel est le modèle économique de la formation ?

Nos académies reposent sur le modèle économique de la formation professionnelle des adultes et rassemblent les régions qui ont la compétence avec Pôle emploi et l'Opco (opérateur de compétences, organisme qui aide les entreprises à mettre en œuvre toutes leurs obligations en matière de formation professionnelle, depuis le 1er avril 2019).  

Combien d'apprenants seront formés en France ? 

Nous visons un peu moins d'une centaine d'apprenants sur cette première session. Dans les sessions de formation, les cohortes rassemblent entre 15 et 20 apprenants et comme il y en a quatre, cela fait un petit peu moins de 100, à l'échelle de la France. Il n'y a pas de statistiques sur la partie des besoins du métavers et des technologies immersives. Certaines associations annoncent des chiffres, de l'ordre de 15.000 postes à créer dans les trois ans… Mais nous ne disposons pas de statistiques des branches professionnelles, ni de data Pôle emploi. Dans les métiers du numérique, en revanche, on parle de 80.000 et 120.000 postes non pourvus d'ici à 2025. Ces chiffres sont certainement sous-estimés car ils viennent de la branche professionnelle du numérique or le numérique est désormais transversal. En fait, les technologies immersives existent depuis le début des années 90, dans le jeu vidéo, le tourisme, le patrimoine et ça, ce sont déjà des secteurs qui avaient du mal à recruter avant que Meta mette 10 milliards d'euros sur la table.

Quelles applications peut-on imaginer sur les territoires ?

D'abord, je tiens à préciser que parmi les cent personnes qui vont être formées, toutes ne vont pas travailler sur des projets du métavers ; certaines vont travailler sur de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée, dans le monde du gaming, de la santé, du tourisme, dans le patrimoine, dans le secteur immobilier. Dans le monde de la culture et du tourisme, il y a déjà énormément d'applications des technologies immersives. Certaines villes ont dupliqué leurs jumeaux numériques (voir notre article du 12 juillet 2021), à l'image de Séoul en Corée du Sud. Il existe également des applications de métavers destinées au développement industriel de simulations, dans les ports maritimes pour faciliter la maintenance par exemple ainsi que dans le secteur de la formation et l'éducation.