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Environnement - Gemapi : un kit pédagogique pour tenter de rassurer les élus

A grand renfort de circulaires et de brochures pédagogiques, le gouvernement s'échine à encourager l'appropriation par les élus de la nouvelle compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) qui sera effective au 1er janvier 2018. Mais des interrogations demeurent sur les moyens financiers qui seront alloués pour assumer cette nouvelle responsabilité.

Les ministères de l'Ecologie, de l'Intérieur et de la Décentralisation viennent de rendre publique, ce 28 octobre, une instruction relative à l'attribution de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). Dans une note technique également adressée aux préfets et mise en ligne le 19 octobre, le ministère de l'Ecologie a d'ores et déjà appelé à anticiper les conséquences des transferts de compétences aux EPCI en matière de Gemapi, dans la perspective de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale (lire notre article ci-contre). "A ce stade insuffisante", l'appropriation de cette nouvelle compétence devrait toutefois "s'améliorer à présent que les textes d'application sont publiés", estiment les ministres signataires. Néanmoins, ils restent conscients que la technicité du sujet et l'évolution des missions opérationnelles qui seront dévolues au bloc communal, à compter du 1er janvier 2018, notamment en termes de gestion des digues, "inquiètent les élus quant à la répartition des responsabilités". Le récent jugement prononcé à l'encontre de l'ancien maire de La Faute-sur-Mer suite à la catastrophe Xynthia n'y est pas étranger. Le gouvernement se veut donc rassurant. Principal message porté par cette instruction à visée essentiellement pédagogique : la création et l'attribution de la compétence Gemapi aux communes "n'aggraveront pas leurs responsabilités en cas de survenance d'un évènement dommageable pour un tiers".

Focus sur la gestion des digues

Il s'agit de promouvoir une réforme permettant de clarifier "des compétences aujourd'hui morcelées" et d'assurer "un lien étroit et pérenne entre la politique d'urbanisme et les missions relatives à la prévention des risques et à la gestion des milieux aquatiques". Pour plus de lisibilité, un comparatif des obligations et responsabilités des différents acteurs "avant/après réforme" est réalisé. La compétence Gemapi s'étend à "l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique (en particulier les dispositifs de stockage), la défense contre les inondations et contre la mer (en particulier la gestion des ouvrages de protection [digues]), l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris leur accès (notamment en cas de carence des propriétaires riverains quant à leur obligation d'entretien courant du cours d'eau) et la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines (notamment la restauration de la continuité écologique)".
Sur les quelque 9.200 km de digues recensés, 3.000 à 4.000 km ont "réellement vocation" à être constitués en systèmes d'endiguement opérationnels protégeant des territoires à enjeux importants. Les EPCI à fiscalité propre (ou la métropole de Lyon) deviennent les gestionnaires de ce mastodonte, le cas échéant, "par convention avec le propriétaire, en particulier pour les digues de l'Etat". L'Etat gestionnaire de digues "continuera à exercer cette mission jusqu'en 2024 pour le compte des EPCI concernés", rappelle l'instruction. En outre, "beaucoup d'ouvrages de faible hauteur ou protégeant très peu d'enjeux, actuellement dans une situation de quasi-déshérence, pourront être déclassés si telle est la volonté de la collectivité responsable".

Financement incertain

S'agissant des moyens financiers, les arguments sont plus fragiles. Les financements actuels par les agences de l'eau et le fonds de prévention des risques naturels majeurs "ne sont pas remis en cause", insiste l'instruction. C'est oublier les ponctions sur le fonds de roulement des six agences de l'eau actées en loi de finances (175 millions d'euros par an de 2015 à 2017). En complément, les communes et EPCI à fiscalité propre pourront lever une taxe, pouvant atteindre 40 euros par habitant, affectée à l'exercice de la compétence Gemapi. Mais du côté des associations d'élus, on voit mal comment ajouter un impôt et justifier ce recours à la fiscalité directe. Certes, la réforme "conforte la solidarité territoriale", relève l'instruction, en organisant l'adhésion des communes ou EPCI à des syndicats mixtes (établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux - Epage, établissements publics territoriaux de bassin - EPTB) auxquels ils pourront transférer tout ou partie de la compétence. Le document dresse également au passage la liste des missions que l'Etat continuera d'assurer, notamment pour "soutenir, en situation de crise, les communes dont les moyens sont insuffisants". Enfin, des missions d'appui techniques sont constituées sous l'égide des préfets coordonnateurs de bassin, pour permettre en particulier la définition d'outils utiles à l'exercice de la compétence Gemapi. Un vademecum leur est consacré en annexe.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

Référence : instruction du gouvernement du 21 octobre 2015 relative à l'attribution de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi).


 

 

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