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Cour des comptes - Gestion de la crise dans le sport : une réponse territoriale pas assez coordonnée

Dans son rapport public annuel 2022, la Cour des comptes déplore l'inconditionnalité des aides de l'État dans le secteur du sport durant la crise sanitaire. Elle remarque le manque de coordination avec les collectivités territoriales et les fédérations, et pointe le déficit de connaissance statistique du secteur.

Depuis le début de la crise sanitaire, les aides de l’État en faveur du secteur du sport, dont les pertes de chiffre d’affaires étaient estimées à 20 milliards d'euros en 2020, se caractérisent par une double intervention, selon le rapport public annuel 2022 de la Cour des comptes, publié mercredi 16 février.

Dans un premier temps, "ce sont essentiellement les dispositifs de droit commun qui ont soutenu le monde sportif, entreprises et associations confondues", note la Cour des comptes. Les aides ont ainsi atteint 4,2 milliards, dont la moitié est issue du Fonds national de solidarité. À ces aides, s'ajoutent 3,1 milliards de prêts garantis par l'État à septembre 2021.

Parallèlement, fédérations, associations sportives et clubs professionnels, qui regroupent 115.000 salariés, ont bénéficié d’aides spécifiques de l’État, qui, de septembre 2020 à avril 2021, ont totalisé 506 millions d'euros. Parmi celles-ci, on note les 40 millions de soutien à l'emploi des jeunes dans le sport, les 50 millions en faveur de la transition énergétique des équipements sportifs, les 100 millions du Pass'sport, mais surtout les 237 millions du fonds de compensation des pertes de billetterie, essentiellement dirigés vers le sport professionnel.

Sentiment d'empilement

La Cour des comptes considère globalement que le ministère des Sports et l'Agence nationale du sport (ANS) "ont apporté des réponses coordonnées pour identifier les besoins du monde sportif et accompagner les acteurs de terrain".

Néanmoins, elle souligne que "la succession de ces dispositifs a pu susciter chez leurs bénéficiaires un sentiment d’empilement, tandis que la rapidité de leur déploiement n’a pu se faire qu’au prix de mesures d’instruction réduites". Surtout, elle juge que ces mesures étaient "essentiellement tournées vers l’urgence sans ambition structurelle ni moyens de contrôle". Ainsi, malgré le "niveau important" des aides qui auraient pu fournir à l’État "une base solide pour demander au mouvement sportif de mettre en œuvre des réformes structurelles de son modèle économique", les versements se sont faits "sans condition", estime la cour, "ce qui n'a pas favorisé des adaptations structurelles pourtant nécessaires". Parmi celles-ci, la Cour cite la recherche de nouveaux publics, la diversification de l'offre, la poursuite de la professionnalisation ou encore le soutien à la numérisation. La Cour des comptes invite l’État à "mieux utiliser son pouvoir de délégation sur les fédérations" : "Il doit réaffirmer les droits et obligations conférés aux fédérations sportives délégataires de prérogatives de puissance publique et mettre en place un dialogue stratégique annuel".

Effet de cumul

Enfin, la Cour des comptes déplore que la coordination avec les collectivités territoriales et les fédérations ait été insuffisante : "Les mesures fédérales et le soutien des collectivités territoriales ont pu recouper les objectifs des mesures nationales, entraînant un effet de cumul. Les clubs éligibles ont pu bénéficier de plusieurs dispositifs ayant la même finalité", écrit la Cour. Pour elle, "ce constat souligne combien il est important que la nouvelle gouvernance territoriale du sport se mette en place rapidement pour répondre à cet enjeu".

Elle résume ses observations en faisant remarquer que "la  crise a révélé la faiblesse des capacités d'observation et d'analyse de la DS [direction des Sports du ministère]". Un constat qui, selon la Cour, "confirme celui formulé par le Conseil d'État […], qui avait mis en évidence l'insuffisance des moyens consacrés à la production de statistiques publiques relatives au sport et, plus largement, un problème de fiabilité des données relatives à ce secteur, avec pour conséquence un déficit en termes de connaissances". Elle estime à ce propos qu'"il est impératif de développer, dans les fédérations comme à l’ANS et à la DS, une véritable fonction de contrôle de gestion et d’audit".

Un secteur fragile

Finalement, la Cour des comptes formule trois recommandations qui, toutes, visent à mieux connaître l'utilisation des aides  :  établir dans les meilleurs délais une répartition consolidée des mesures d'urgence et du plan de relance déployés par l'État, en évaluer les impacts et identifier les éventuels effets d'aubaine et de cumul ; renforcer les moyens de suivi et de contrôle de l'attribution et du versement des aides ; et mettre en œuvre un suivi financier des structures territoriales des fédérations pour consolider leurs aides nationales, territoriales et fédérales et apprécier leur situation financière.

Ces recommandations apparaissent aux yeux de la Cour des comptes d'autant plus nécessaires qu'"un complet retour à la normale n'est pas acquis, comme en témoigne la baisse du nombre de licenciés". "De nouvelles habitudes prises pendant cette période exceptionnelle ont modifié les attentes et pratiques sportives. Cette évolution doit inciter les pouvoirs publics et le mouvement sportif à mener rapidement une réflexion collective sur les modèles économiques des mondes amateur et professionnel, qui ont chacun montré leur fragilité à l'occasion de la crise sanitaire", conclut la Cour des comptes.