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Relation usager - Gestion de la relation citoyen : une priorité en hausse dans les administrations locales

La gestion de la relation citoyen dans les collectivités territoriales devient un éco-système complexe que quelques administrations locales commencent à déployer. Alcatel-Lucent Enterprise, associé au cabinet d'études Markess, publie les résultats d'une étude sur les Services publics 2.0 afin de dresser le panorama des améliorations et des stratégies numériques adoptées par les collectivités pour répondre aux besoins des usagers.

La principale transformation touchant aujourd'hui les relations administration-administrés vient des citoyens eux-mêmes. Ne serait-ce que parce qu'une majorité de Français dispose aujourd'hui d'un smartphone (on estime ce taux à 55% en 2015), ce qui modifie les comportements. Entre les communications faciles, la recherche d'information et les transactions via internet y compris en déplacement, cet ordinateur embarqué et connecté renforce les besoins d'interactivité en mobilité. Une étude que vient de publier Alcatel-Lucent Enterprise, réalisée en 2014 par Markess auprès d'un panel de 50 décideurs de collectivités locales en France, rend compte de ces nouvelles attentes, en particulier celle de pouvoir disposer de contenus et de moyens transactionnels "en tout lieu, à n'importe quel moment, sur n'importe quel support et pour tout type de contenu" ce que les Anglo-Saxons désignent par l'acronyme Atawadac (1).

Les canaux d'échanges classiques l'emportent encore sur le numérique

La généralisation des smartphones, tablettes et ordinateurs portables a rendu le citoyen plus agile. Et ses attentes et exigences vis-à-vis de l'administration se font plus pressantes. Pourtant, les canaux les plus sollicités n'évoluent guère. La compilation des études récentes menées par Markess pointent un certain retard. En effet, les modes de contact des administrations locales demeurent classiques. Le présentiel (25%), le courrier postal (20%) ou encore les échanges par téléphone (19%) demeurent toujours les principales voies d'accès. Certes, les voies d'accès numériques progressent rapidement mais restent au second plan avec le courrier électronique (18%), les échanges Web (14%) et les réseaux sociaux qui plafonnent à 4%.
Cette prédominance des voies classiques s'explique sans doute par la volonté des citoyens d'établir un contact direct ou officiel mais révèle aussi un retard plus structurel dans le développement des services en ligne et dans la persistance des lourdeurs administratives. Ce que confirment les formes d'insatisfaction exprimées par les usagers, qui pointent le manque de personnalisation de la relation et la complexité des parcours. Ils citent aussi assez fréquemment l'accessibilité des services, l'efficacité de l'information ou encore le manque de réactivité. Ces constats sont bien connus des décideurs publics locaux puisque dans les orientations stratégiques du service public pour 2016, la relation usager arrive désormais en tête des priorités avec 88%.

Téléservices, accueils polyvalents… de la performance à condition de réorganiser

Le numérique apporte certes des solutions étendues autour de la notion de guichet unique, mais impose également des réorganisations assez profondes de l'administration, notamment en matière de gestion des flux. Les premières transformations, surtout opérées aujourd'hui dans les grandes villes, portent principalement sur quatre points : le développement des téléservices, la création de guichets d'accueil polyvalents, de centres d'appels téléphoniques et, en back office, une gestion des flux pour accroître la transparence et les interactions.
Le développement des téléservices relatifs aux inscriptions – crèche, cantine scolaire... - , au paiement en ligne ou aux demandes d'attestations offre à l'usager de nouvelles marges de manœuvre et notamment la possibilité de traiter ses démarches administratives à n'importe quel moment et à distance, à partir de son domicile ou en déplacement, à l'aide de son smartphone. Quelques villes ou structures intercommunales ont commencé à déployer des portails de téléservices. Mais le mouvement est freiné par les contraintes liées à la protection des données personnelles (création de chaînes de traitement étanches) et en raison du point faible de la gestion d'identité que l'Etat espère unifier nationalement avec France Connect.
La création des accueils polyvalents contribue à simplifier le parcours de l'usager en lui évitant certains déplacements dans les services. Toutefois, les modes de traitement manuels et artisanaux en back office demeurent monnaie courante. En effet, l'existence d'une centaine de démarches administratives à intégrer et l'étanchéité imposée aux systèmes de gestion métiers imposent une gestion des processus relativement coûteuse et longue à déployer.
Le centre d'appel téléphonique fait converger l'ensemble des appels vers un pool de téléconseillers chargés d'orienter les citoyens vers le bon service. Il assure aussi le traitement des demandes de premier niveau. Son bon fonctionnement repose sur l'existence d'une base de connaissance administrative régulièrement actualisée et sur des capacités "gestion de processus" afin de conserver la trace des demandes de contact. Les progrès du numérique permettent d'envisager la constitution de plateformes services mutualisées entre plusieurs entités administratives (dans le cadre d'un EPCI par exemple) et fonctionnant en marque blanche afin de conserver la personnalisation de chacun des partenaires.

Passer du multicanal au cross canal

Les mécanismes placés derrière les services de la relation citoyen sont essentiels. D'autant que, dans le cadre de la simplification, les administrations s'imposent de plus en plus de règles contraignantes. Entre la mise en œuvre du programme "dites-le nous une fois" pour éviter de redemander à l'usager de fournir des justificatifs déjà communiqués, la saisine électronique de l'administration effectuée par un citoyen ou simplement l'application du principe de non réponse valant acceptation, les réorganisations, la mise en réseau et l'interopérabilité des systèmes vont s'imposer.
Dans une première étape, la contrainte portera sur le multicanal afin de faciliter l'accès de l'usager à son administration, aussi bien par courrier électronique que par téléphone. L'étape suivante visera un stade plus avancé avec la  création d'environnements "cross canal". L'usager pourra par exemple  initialiser une démarche à son domicile, se rendre au guichet pour la compléter et la valider formellement, deux jours plus tard, sur son smartphone. Ceci alors que dans un environnement multicanal, les administrations réalisent des chaînes de traitement distinctes pour la gestion au guichet ou pour le traitement des téléservices, si bien que les passerelles entre canaux n'existent pas. La mise en oeuvre de telles fonctionnalités suppose l'application progressive des concepts d'Etat plateforme au sein des collectivités locales, une virtualisation plus poussée du poste de travail et un nouveau seuil de gestion des processus internes, que seules quelques collectivités commencent à maîtriser.
Les citoyens devront donc s'armer de patience. Certes, la fonction est déjà reconnue comme un moyen d'emporter l'adhésion des "usagers électeurs", une source potentielle d'économies budgétaires, un soutien à l'attractivité territoriale et un moyen efficace de rester en phase avec les besoins de ces mêmes usagers. Reste le coût élevé de déploiement du service et le niveau de technicité et de savoirs requis : deux obstacles qui expliquent aussi pourquoi il convient d'avancer prudemment sur ce chantier de longue haleine.

Philippe Parmantier / EVS

(1) AnyTime (AT), AnyWhere (AW), AnyDevice (AD), AnyContent (AC)

 

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