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Gouvernance du Grand Paris : le Sénat liste cinq scénarios

La délégation aux collectivités territoriales du Sénat s’est vu présenter jeudi 11 mars les conclusions du rapport d’information sur la gouvernance du Grand Paris. Après avoir auditionné élus, architectes et experts d’horizons divers, Philippe Dallier (LR) et Didier Rambaud (LREM), listent les carences de la situation actuelle et détaillent les scénarios de réforme institutionnelle possibles. 

La synthèse des propositions du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat formule d’abord une série de constats : les inégalités à l’intérieur de la petite couronne se sont aggravées au cours des dernières années, "et la création de la Métropole n’est pas en mesure de les inverser". "Le Grand Paris est la métropole française dans laquelle les disparités de revenus sont les plus fortes", rappellent les sénateurs : les 10% des ménages les plus pauvres vivent avec un revenu inférieur de 18 % à celui observé en France métropolitaine alors que les 10% des ménages les plus aisés vivent avec un revenu supérieur de 40% à l’échelle nationale (étude Apur / septembre 2020).

Face à ces disparités, Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis – LR) et Didier Rambaud (Isère – LREM) soulignent la maigreur des moyens budgétaires de la Métropole parisienne : "malgré près de 3,6 milliards d’euros de recettes, elle ne disposait pour 2019 que d’un budget propre de 206 millions d’euros dont 42 millions d’euros de fonctionnement et 164 millions d’euros d’investissement", rappellent-ils. Avant de décrire "une gouvernance trop complexe et inefficace". "La création de la MGP est le résultat d’une juxtaposition de textes qui peut être qualifiée de 'cauchemar légistique'", écrivent les rapporteurs, évoquant la succession de lois qui la définit.

Un triptyque périmètre / compétences / moyens

S’appuyant sur une méthode d’analyse basée sur le triptyque "périmètre / compétences / moyens budgétaires", le rapport d’information décrit ensuite cinq scénarios de réforme institutionnelle, allant du plus au moins intégré. Et, – c’est là le grand intérêt de ce travail – la délégation de la chambre haute liste les avantages et les inconvénients de chaque schéma institutionnel proposé. Ceci avec la volonté affichée d’éclairer les débats à venir.

Trois scénarios se limitent au périmètre géographique de l’actuelle Métropole (la petite couronne + Argenteuil, Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Paray-Vieille-Poste, Savigny-sur-Orge), et deux s’étendent à la région. Le premier reprend la proposition de loi des députés LREM (Pacôme Rupin, Paris, et Guillaume Gouffier-Cha, Val-de-Marne) : ce scénario transforme la Métropole en un pôle métropolitain et les établissements publics territoriaux (EPT) en établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de droit commun. Aucun avantage n’est trouvé à cette hypothèse, caractérisée, selon les auteurs, par "une gouvernance faible, pas de mutualisation de moyens et aucun partage de la richesse fiscale". 

Fusion des départements dans la métropole

À front renversé, le second scénario fait des EPT des échelons déconcentrés de la MGP. Avantage, selon le Sénat : une mutualisation des compétences entre métropole et EPT, ainsi que d’une partie de l’impôt économique, et la prise en compte de la spécificité de la zone dense. Mais ce scénario aboutit à ce que "le périmètre de la petite couronne ne profite pas du potentiel de développement foncier et économique de la grande couronne".

Le troisième scénario affiche une ambition plus ample, en fusionnant cette fois les départements dans la métropole, selon deux variantes, l’une conservant les EPT, l’autre les fondant également dans la MGP. Avantage : une mutualisation renforcée en matière de politiques sociales et une prise en compte de la spécificité de la zone dense. Mais le périmètre est également jugé "limité" par les sénateurs, qui estiment par ailleurs qu’une telle absorption des départements par la métropole demanderait de "réfléchir à un retour de certaines compétences à l’État, notamment le revenu de solidarité active (RSA)".

Une hyper-région à la gouvernance "très complexe"

Le rapport, qui préconise que cette réforme, quel que soit le scénario retenu, "soit impulsée au plus haut niveau et portée par le prochain président de République dès le début de son mandat en 2022 ou 2023 au plus tard", se conclut par deux scénarios "régionaux".

Tous deux proposent une région-métropole, sans changement pour les départements et les EPCI dans le premier scénario et avec transformation des départements en échelons déconcentrés de la région et la transformation des EPT en EPCI pour la seconde variante. Dans la première variante, les sénateurs soulignent que la mutualisation demeurera limitée si l’impôt économique reste affecté au bloc communal. Le rôle limité des maires dans une gouvernance à l’échelle régionale est également souligné.

Pour les sénateurs, la seconde option, avec l’absorption des départements par la région, serait en revanche "un puissant facteur de mutualisation des politiques sociales, du développement économique et des politiques de transport". "La faisabilité politique [d’une telle option] pose question", relèvent-ils cependant, avec une gouvernance "s’annonçant très complexe, avec un rôle limité des maires". Rien d’idéal, donc, mais des champs du possible ainsi décrits et documentés, pour alimenter ce vieux débat, qui ne manquera donc pas de ressurgir, après les prochaines présidentielles.

  • Deux tables rondes d’experts et d’élus

La première table ronde organisée par la délégation aux collectivités territoriales sur la gouvernance du Grand Paris avait rassemblé des personnalités "qualifiées mais non-politiques" : Roland Castro, architecte et urbaniste, auteur du rapport sur l'évolution institutionnelle du Grand Paris pour le Président de la République (2018), Dominique Alba, architecte, directrice générale de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), Philippe Subra, géographe à l'Institut français de géopolitique et à l'Université Paris VIII - Saint-Denis et Olivier Renaudie, professeur de Droit public à l'Université Paris I - Panthéon-Sorbonne. La seconde avait réuni Anne Hidalgo, maire de Paris, Valérie Pécresse, présidente de la région, et Patrick Ollier, président de la Métropole.