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Alur - GUL : l'IFG et le CGEDD démontent la formule de l'assurance obligatoire

Un rapport conjoint de l'IGF et du CGEDD, commandé par les ministères en charge du logement et des finances, fournit les arguments pour que la garantie universelle des loyers (GUL) soit portée par un établissement public plutôt que par une assurance obligatoire. Le même rapport chiffre le coût de la GUL pour la puissance publique entre 245 et 994 millions d'euros par an selon les options retenues.

Préciser les modalités de mise en œuvre d'un dispositif de garantie universelle des loyers (GUL) en privilégiant "la création d'un fonds de garantie public, financé par un prélèvement sur les revenus locatifs", au détriment d'un "scénario fondé sur un dispositif assurantiel unique associé à un mécanisme de réassurance publique" : tel est l'objet du rapport de l'IGF (Inspection générale des finances) et du CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable), finalisé en juillet 2013, dont AEF Habitat et Urbanisme a eu copie.

Pour mécanisme fondé sur un établissement public

En faisant le point sur les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la GUL, la mission a identifié deux conditions qui se révèlent "de nature à justifier que le mécanisme soit fondé sur un établissement public plutôt que sur une assurance obligatoire". Ainsi, "le dispositif doit comprendre des mesures qui circonscrivent l'aléa moral, notamment par la sélection des risques des locataires couverts par la garantie, en particulier par vérification sur un fichier [national des impayés]". Deuxième condition, il est prévu que la DGFIP recouvre "dans le cadre de prérogatives équivalentes à celles dont elle dispose pour le recouvrement des dettes fiscales" les sommes indemnisées.
Par ailleurs, selon l'IGF et le CGEDD, "l'établissement public qui gérerait le fonds de garantie doit déléguer l'essentiel de ses missions plutôt que de les exercer par des moyens propres". L'établissement devra ainsi "sélectionner des réseaux de gestion qui seraient des interlocuteurs des bailleurs et des locataires" : administrateurs de biens, intermédiaires d'assurances, professionnels du droit ou du chiffre, mutuelles, associations,…
La mission chiffre à 50 milliards d'euros l'assiette des loyers à garantir annuellement.

Dès le deuxième mois de loyers impayés

Selon eux, la GUL devrait être actionnée dès le deuxième mois de loyers impayés. "Le propriétaire serait indemnisé à hauteur des loyers non perçus", et "en parallèle, le fonds de garantie mettrait en œuvre le recouvrement des montants indemnisés auprès du locataire défaillant". Toutefois, "les propriétaires bailleurs couverts par le fonds de garantie auraient l'obligation de déclarer un impayé rapidement, par exemple à J+5". "Dans les cas où la capacité du locataire à payer son loyer est durablement compromise" (chômage, divorce, maladie), une "analyse sociale" de la situation du locataire serait réalisée, afin de "lui proposer des offres de relogement adaptées à sa capacité contributive et à sa situation familiale, dans le parc locatif privé ou public".

Un scénario à 245 millions d'euros, un autre à 736

En termes financiers, "le coût de la GUL pour la puissance publique pourrait représenter 245 à 994 millions d'euros par an selon les options retenues". Deux scénarii de base sont en effet envisagés.
Le premier scénario "est préconisé par la mission si l'objectif est de contenir les coûts de la garantie pour la puissance publique". Ce scénario prévoit un coût annuel de la GUL de 245 millions d'euros, avec une durée moyenne d'impayé évalué à 8,2 mois et une durée d'indemnisation des bailleurs plafonnée à 18 mois. Il repose sur une "exigence de réactivité très forte" du bailleur, qui devra dès le premier mois d'impayé envoyer un commandement de payer, "permettant ensuite d'obtenir, si le locataire ne s'est pas acquitté de ses dettes, l'expulsion dans un délai minimal de 10 mois".
Le coût du deuxième scénario est évalué à 736 millions d'euros, avec un plafonnement de l'indemnisation des bailleurs étendu à 36 mois qui permettrait "un maintien dans les lieux plus long des locataires dont la situation est durablement compromise, ce qui permet de limiter le nombre d'expulsions en donnant plus de temps aux mécanismes de relogement de jouer leur rôle". Ce scénario induirait une durée moyenne d'impayé de 18,9 mois et un taux de recouvrement de 37,3 %.

Des options qui augmenteraient la note

Des options pourraient renchérir le dispositif. Ainsi, la mission prévoit dans les scénarios de base un taux d'effort du locataire inférieur à 40%, mais si le taux d'effort maximal autorisé est de 50%, le coût de la GUL augmente de 45,9 millions d'euros dans le premier scénario, et de 141,4 millions d'euros dans le deuxième.
Autre option envisagée : celle d'"une indemnisation par le fonds de garantie des prestataires agréés pour le traitement opérationnel des impayés, en vue de la mise en œuvre d'un traitement social et le cas échéant d'un relogement des locataires". Dans ce cas, cette option augmenterait le coût du premier scénario de 172,7 millions d'euros, mais diminuerait celui du deuxième de 269,9 millions d'euros, car "la période à indemniser serait plus courte du fait d'un relogement rapide".
Une dernière option prévoit que le fonds de garantie rembourse "une partie des frais de traitement des impayés" des propriétaires bailleurs, à hauteur de 66% ou jusqu'à un plafond de 1.500 euros, ce qui coûterait 106 millions d'euros par an.

160 millions d'euros d'Action Logement

Pour financer le coût du dispositif, la mission a étudié "à la demande des ministres" les modalités de mise en place d'une taxe affectée, "en complément des contributions attendues d'Action Logement", évaluées à 160 millions d'euros dans les deux scénarios présentés. Le taux de la taxe est ainsi chiffré à 0,18% dans le premier scénario et à 1,35% dans le deuxième (sans option).
Le rapport n'évalue pas, en revanche, la baisse des dépenses sociales de l'Etat que la mise en oeuvre de la GUL permettrait. Ni le nombre de bénéficiaires qui, plutôt que de sombrer dans le cercle infernal de la précarité, seraient ainsi "repêchés" par le dispositif.