Hygiène et sécurité : Epinay-sur-Seine (93) engagée dans une démarche de prévention pilote

La ville d'Epinay-sur-Seine vient de finaliser son document unique d'évaluation des risques professionnels à partir d'une démarche participative et pluridisciplinaire. Elle réfléchit aujourd'hui aux mesures de prévention qui en découlent, dans le cadre d'une politique globale de management.

La ville d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis, 1.100 agents) a engagé depuis un peu plus d'un an une démarche prévention, en partenariat avec le centre interdépartemental de la Petite Couronne (CIG), dans le cadre des huit premiers projets pilotes soutenus par le Fonds national de prévention des accidents du travail et des risques professionnels. L'objectif est triple. Pour la ville, il s'agit de bénéficier d'une démarche de formation-action lui permettant de réaliser son document unique, obligation légale imposée à tout employeur depuis novembre 2002. Le CIG tire profit de cette expérience pour valider in vivo sa méthodologie d'analyse des risques professionnels et pouvoir la proposer ensuite aux autres communes. Le Fonds de prévention souhaite en tirer des enseignements généralisables et transférables.
La démarche d'évaluation des risques professionnels a été lancée de façon opérationnelle fin mars 2004, sous la houlette d'un comité de pilotage (DGS, DGST, DGA en charge des ressources humaines, DRH, Acmo, ingénieurs consultants du CIG et du Fonds de prévention). Epinay-sur-Seine s'appuie aussi sur un comité hygiène et sécurité mis en place en 2001 et un service hygiène et sécurité créé en 2002 avec le recrutement d'un agent à temps plein qui fait fonction d'Acmo (agent en charge de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité). Pour les missions d'inspection et de médecine professionnelle et préventive, la ville a passé convention avec le CIG.

211 agents interviewés sur leur lieu de travail

La première phase a consisté à dresser un état des lieux des conditions d'hygiène et de sécurité et des risques potentiels à partir de la définition de trente-deux unités de travail représentatives de l'ensemble des services de la ville. Au total, 211 agents ont été interviewés sur leur lieu de travail à partir d'une grille d'entretien et d'observation identifiant une vingtaine de risques professionnels (grille réalisée par la Cram des Pays-de-la-Loire, voir en lien ci-contre). Une mission réalisée, pour chaque unité, par un groupe de travail pluridisciplinaire (référent terrain issu du service et préalablement formé à l'évaluation des risques, médecin, Acmo, ingénieur du CIG) de façon à croiser les différents points de vue et construire une grille d'analyse objective. "Il n'y a pas eu de grosses surprises : les risques recensés étaient déjà connus de l'encadrement même si certains étaient parfois sous-estimés", constate Zouhir Chernine, responsable du service hygiène et sécurité.
Toutes les données recueillies ont ensuite été synthétisées dans un tableau Excel, outil proposé par le CIG, qui permet de répertorier les risques en fonction par exemple de leur fréquence d'exposition et de leur gravité ou encore de classer les postes en fonction des risques (chimiques, gestes et postures, manutention manuelle, circulation et déplacements, etc.).

Hiérarchiser les risques et les actions de prévention

Cette première phase s'est conclue en décembre 2004 par la rédaction du document unique, remis au maire et également transmis à chaque chef de service pour qu'ils en soient les dépositaires dans leur gestion quotidienne des équipes. La deuxième phase, enclenchée depuis le début de l'année, vise justement à l'appropriation de la démarche et de l'outil par chaque direction générale de façon à intégrer la culture de prévention dans les politiques de management de la collectivité. "Le document unique est un véritable outil de travail pour analyser et hiérarchiser les risques et permettre ainsi de prioriser les mesures de prévention dans le temps, avec la possibilité de construire des plans d'actions transversaux aux services", souligne Zouhir Chernine.
Des premières actions prioritaires ont déjà été inscrites dans le plan annuel de formation. D'autres mesures de prévention sont à l'étude. "Contrairement à ce que l'on pouvait penser, il s'agit davantage de mesures d'ordre organisationnel que technique", note Zouhir Chernine. Il s'agit notamment de formaliser davantage des savoir-faire de prudence que certains agents mettent déjà en oeuvre dans des procédures et consignes applicables à tous. La rédaction d'une charte hygiène et sécurité, fixant les lignes directrices de cette politique globale de prévention intégrée au management, constituera bientôt un outil de référence pour l'encadrement.

Implication de l'encadrement et soutien des élus

On sait bien qu'en matière de prévention, de simples prescriptions ne suffisent pas si le personnel concerné n'est pas sensibilisé à la démarche et impliqué. Le journal interne de la ville s'est régulièrement fait l'écho des objectifs et des différentes étapes du projet. "La démarche a plutôt été bien perçue par les agents que l'on a interviewés, fiers de parler de leur métier et sensibles à ce que l'on s'intéresse de près à leur quotidien professionnel dans une perspective d'amélioration de leurs conditions de travail", estime le coordinateur du projet.
Les difficultés sont venues davantage du côté de l'encadrement, pas toujours disponible, parfois sceptique, devant de nouvelles prescriptions vécues comme une charge de travail supplémentaire ou dont l'intérêt direct n'est pas forcément perçu. Outre des réunions d'information à leur attention, la municipalité a profité de la journée annuelle de l'encadrement pour mettre le thème de la prévention hygiène et sécurité en tête de l'ordre du jour de ce séminaire. L'occasion de monter des ateliers pratiques sur cette problématique pour mieux sensibiliser et impliquer l'ensemble des cadres de la collectivité.
"Nous avons aussi la chance que cette démarche soit portée et soutenue au plus haut niveau, par l'autorité territoriale et la direction générale", souligne Zouhir Chernine. Un pré-requis indispensable pour mener à bien une politique globale de prévention.

Emmanuelle Yohana / EVS Conseil pour Localtis

"Intégrer en amont la prévention dans l'organisation du travail et le management au quotidien"

 

Le centre interdépartemental de gestion de la Petite Couronne propose aux collectivités une méthodologie pour l'analyse des risques professionnels. Bernard Dreno, responsable du service prévention, hygiène et sécurité, souligne les pré-réquis indispensables à la réussite d'une démarche prévention.

Quelles sont les missions que propose le service prévention, hygiène et sécurité au travail du CIG de la Petite Couronne ?

Ce service, créé en 2001 pour répondre au décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive, a connu depuis un fort développement. Nos ingénieurs spécialisés assurent essentiellement des missions d'inspection : 80 collectivités et établissements publics y ont recours à ce jour, représentant près de 40.0000 agents. Le service répond en outre à de nombreuses demandes de renseignements sur la réglementation ou sur des points d'expertise (risques chimiques par exemple). Il a également conseillé et accompagné cinq collectivités pour l'élaboration de leur document unique et l'évaluation de leurs risques professionnels, dont la commune d'Epinay-sur-Seine. Celle-ci a bénéficié de notre prestation dans le cadre d'un projet pilote mené en partenariat avec le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Au regard de votre expérience menée aux côtés des collectivités, quelles sont les clés de réussite d'une démarche de prévention ?

Un réel engagement des responsables de la collectivité est un pré-requis indispensable. L'Acmo (agent en charge de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité) ne peut porter à lui seul une démarche de prévention, d'autant que celle-ci doit reposer sur une synergie des différents services et une approche transversale. Autre impératif : l'élaboration du document unique doit s'appuyer sur l'observation réelle in situ des postes et conditions de travail. C'est là toute la valeur ajoutée d'une démarche d'évaluation des risques qui permet d'appréhender finement, au-delà des problèmes techniques, les éventuels dysfonctionnements organisationnels, les contraintes de temps ou encore la perception qu'ont les agents de leur travail.
Au-delà des mesures correctives à mettre en place face aux risques identifiés, le véritable enjeu est d'arriver à en tirer les enseignements pour intégrer dès en amont la prévention dans l'organisation du travail et le management au quotidien.

Justement, il n'est pas toujours facile de concilier les habitudes quotidiennes de travail des agents avec la promotion de cette "culture prévention"...

Effectivement, la réussite d'une démarche de prévention passe immanquablement par une ré-appropriation de cette démarche en interne. D'où la nécessité d'identifier les freins (les préconisations d'hygiène et de sécurité sont par exemple souvent vécues comme des contraintes par la hiérarchie : "on n'a pas le temps", "on n'a pas les moyens", "on n'a pas l'autorité nécessaire") de façon à se donner de nouveaux leviers d'action. Cela passe notamment par la formation des encadrants, avec des ateliers pratiques sur ces sujets.
Le plus difficile, c'est aussi de maintenir cette démarche prévention dans une dynamique afin qu'elle ne s'arrête pas quand le document unique a été enfin formalisé. Là encore, il faut s'appuyer sur un travail d'appropriation, de communication, de formation et de relais d'information.

Qu'apportez-vous aux collectivités que vous accompagnez dans cette démarche ?

Le CIG propose des outils et une méthodologie pour analyser les risques professionnels et élaborer le document unique que l'expérience d'Epinay-sur-Seine a permis de valider et d'affiner. Il s'agit d'aider les collectivités qui le souhaitent à structurer leur démarche de prévention et à construire leur système de management hygiène et sécurité, en s'adaptant à la taille et l'organisation de chacune. Notre fonction, c'est aussi de rendre compte et mesurer ce que la collectivité a déjà fait afin d'optimiser et mettre en cohérence ses différentes initiatives et planifier ensuite ce qu'il reste à faire. Le document unique est d'ailleurs un bon outil d'aide à la décision pour "prioriser" certaines actions par rapport à d'autres.
L'intérêt de recourir à un prestataire extérieur, comme les ingénieurs-conseil du CIG, permet de "booster" et réactiver cette démarche prévention, par leurs interventions périodiques au sein de la collectivité, et d'éviter ainsi que le soufflé ne retombe !

 

  Le Fonds national de prévention subventionne des "démarches locales de progrès"

 

Le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNP), géré par la Caisse des Dépôts, peut apporter un appui financier aux collectivités locales qui conduisent une démarche de promotion de la santé et de la sécurité au travail.

Pour obtenir un financement du FNP, la "démarche locale de progrès" menée par la collectivité locale doit répondre aux différentes conditions d'éligibilité.
D'une part, la démarche envisagée doit porter sur l'un des thèmes prioritaires (thématiques ou organisationnels) retenus dans le programme d'actions 2004-2006 du FNP et définis par un cahier des charges précis.
Axes thématiques :
- maintien au travail des personnels après accidents du travil ou maladie professionnelle,
- risque circulation routière,
- risque lié aux déplacements en milieu hospitalier,
- pratique du sport chez les pompiers,
- accueil du public dans les collectivités,
- troubles psycho-sociaux,
- manutention,
- absentéisme.
Axes organisationnels :
- système de sensibilisation interne,
- organisation des services et des acteurs spécifiques de prévention,
- organisation de l'accès aux ressources techniques ou juridiques traitant du domaine des risques professionnels,
- développement des systèmes inter-collectivités d'échanges et de formation sur le domaine des risques professionnels.
D'autre part, l'aide financière du FNP ne peut excéder 50% du coût total de la démarche, dans la limite de 100.000 euros TTC. Le FNP ne finance pas les dépenses d'investissement ou de fonctionnement qui entrent dans le cadre des diligences normales de l'employeur. Il ne finance pas non plus les achats de matériels, d'engins, de véhicules ou d'équipements de sécurité, les formations réglementaires.
De plus, le projet financé devra permettre de dégager des enseignements ou des pratiques mutualisables et transférables.

 

Prévention et santé au travail : des employeurs publics soumis aux obligations légales

 

 

Alors que l'on observe depuis quelques années une augmentation sensible des contentieux mettant en cause la responsabilité des employeurs publics en matière d'accident du travail, Jacques Fournier de Laurière, président de la cour administrative d'appel de Paris, rappelle leurs obligations légales*.

L'obligation générale qui incombe à l'employeur d'assurer la sécurité de ses salariés débouche sur plusieurs obligations connexes sur lesquelles peuvent s'appuyer les juges pour retenir la responsabilité administrative et/ou pénale de l'employeur :
- l'obligation d'évaluer les risques des postes de travail, concrétisée sous la forme du document unique d'évaluation des risques, obligatoire depuis novembre 2002. Sachant que ce document doit être mis à jour au moins une fois par an et chaque fois que cela est nécessaire. Sachant aussi qu'il ne sert à rien d'avoir identifié les risques si l'on ne met pas ensuite en place les mesures de prévention qui en découlent.
- l'obligation de garantir le niveau maximum de sécurité en respectant la mise en conformité par rapport aux normes en vigueur, en imposant le port des équipements de protection individuelle et les matériels de sécurité nécessaires (en cas d'accident, c'est la responsabilité de l'employeur et non du salarié qui est retenue), en n'oubliant pas les visites médicales obligatoires.
- l'obligation de formation des agents aux mesures de prévention. Cette formation doit être prévue avant leur prise de fonction du poste et doit être "suffisante" (à l'employeur d'en fixer la teneur). Mieux vaut en conserver une trace écrite (contenu, date, avec la signature du responsable de formation et du stagiaire).
- l'obligation de définir les règles de sécurité en vigueur dans la collectivité et, surtout, de les faire respecter, en responsabilisant notamment la hiérarchie. Ces règles doivent être écrites et communiquées à tous.
En matière de sécurité au travail, les juges sont peu sensibles aux circonstances mises en avant par l'employeur pour essayer d'atténuer sa responsabilité.
Trois niveaux de faute peuvent être retenus :
- le manquement à une obligation légale et réglementaire, faute aggravée en cas de manquement délibéré (cas le plus souvent retenu dans les affaires jugées) ;
- le défaut de prudence, c'est-à-dire un manquement à une obligation, mais qui n'est pas véritablement écrite noir sur blanc ;
- le manquement au principe de précaution ;
A noter : les employeurs publics sont soumis au même titre que les employeurs du secteur privé à l'intégralité des règles de sécurité au travail, avec néanmoins une petite ambiguïté : l'employeur public n'est pas soumis au contrôle des inspecteurs du travail, mais à un inspecteur interne (les fameux Acfi, agents en charge des fonctions d'inspection des règles d'hygiène et de sécurité, nommés par l'autorité territoriale ou relevant d'un centre de gestion avec qui la collectivité a passé convention) !
* Les obligations légales et réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité sont notamment définies dans le Code du travail et le décret 85-603 du 10 juin 1985 modifié par le décret 2000-542 du 16 juin 2000 ainsi que par le décret du 5 novembre 2001.

 

 

Aller plus loin sur le web

Fonds national de prévention des accidents du travail et maladies professionnelles géré par la Caisse des Dépôts : programmes d'actions 2004-2006, outils pédagogiques, subvention d'une démarche locale de progrès...
 
Guide généraliste d'évaluation des risques réalisé par la Caisse régionale  d'assurance maladie des Pays-de-la-Loire et les services de santé au travail du Maine-et-Loire.
 
Pour en savoir davantage sur le subventionnement d'une démarche locale de progrès.
 

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