Impact des droits de douane américains dans les territoires : un effet local à ne pas négliger !

À quelques jours de l'échéance voulue par l'administration américaine pour la mise en oeuvre de droits de douane, la facture pourrait s'élever à 2,5 milliards d'euros en pertes d'exportations pour la France, estime le cabinet Asterès, avec la destruction de 47.000 emplois. Dans l'hypothèse de droits de 50%, l'impact serait "catastrophique" sur certains territoires. Mais c'est sans compter "l'effet local", mis en avant par l'Observatoire des impacts territoriaux des crises, qui permet à certains territoires de rebondir plus positivement que prévu.

Jusqu'à 2,5 milliards d'euros d'exportations et plus de 47.000 emplois. C'est ce que pourraient perdre les trois secteurs français parmi les plus exposés - vins et spiritueux, produits cosmétiques et maroquinerie - si les droits de douane américains passaient à 50%. Le cabinet Asterès a ainsi fait le calcul, dans une note publiée le 30 juin 2025. Des droits de douane à 20% entraineraient déjà des pertes importantes : près d'un milliard d'euros d'exportations en moins et la destruction de 17.000 emplois.

Ces deux scénarios font partie des hypothèses sur la table et qui pourraient être mises en oeuvre au 9 juillet. Pour rappel, le 2 avril, le président américain Donald Trump avait appelé à une "réciprocité des tarifs douaniers" pour rééquilibrer la balance commerciale des Etats-Unis avec le reste du monde. Un tarif plancher de 10% a été institué pour toutes les importations. L'administration américaine s'était ensuite donné un délai de 90 jours supplémentaires pour négocier pays par pays des tarfs différenciés. Depuis, les négociations vont bon train avec l'Union européenne qui pourrait se voir imposer des droits de 20 ou 50% selon les hypothèses sur la table. Verdict : le 9 juillet.

Les vins et spiritueux, deuxième secteur le plus exportateur vers les États-Unis

À la base du calcul d'Asterès, l'idée que ce seront les secteurs européens ayant un solde commercial excédentaire avec les États-Unis qui seront la cible principale. Les exportations dans le domaine des vins et spiritueux représentent 8% des exportations françaises vers les États-Unis. C'est le deuxième secteur le plus exportateur vers les États-Unis après la construction aéronautique et spatiale. Le secteur des produits cosmétiques représente quant à lui 6% du total des exportations françaises vers les États-Unis, et la maroquinerie 5%.

Pour chacun, Asterès estime les pertes avec deux hypothèses. Dans la première (20%), les pertes atteindraient 11% pour les vins et spiritueux, ce qui entraînerait la destruction de plus de 8.000 emplois directs et indirects, 10% pour les cosmétiques (5.500 emplois en moins), et 3.900 emplois en moins pour le secteur "cuir bagages et chaussures".

En se basant sur des droits de douane à 50% les données sont évidemment bien plus catastrophiques : 30% de baisse des exportations pour le vin, avec plus de 15.000 emplois détruits. "Sur certains territoires, l'impact de ces droits de douane serait à proprement parler catastrophique, avec d'inévitables conséquences sociales."

Près de 677.000 emplois exposés selon l'Observatoire des impacts territoriaux des crises

L'Observatoire des impacts territoriaux des crises (OITC), créé en 2020 lors de la crise sanitaire, a tenté d'établir précisément les conséquences pour les territoires les plus exposés à la hausse des droits de douane américains. "Nous partons des départements qui exportent le plus vers les Etats-Unis en estimant que, plus ils exportent vers eux, plus ils sont exposés à des risques, explique à Localtis Olivier Portier, cocréateur et coordinateur de l'OITC. Parmi ces départements : la Seine-et-Marne (7,6 milliards de dollars), le Val d'Oise (3,6), la Loire-Atlantique (3,4) ou encore Paris (3,4) et le Bas-Rhin (3,1). À partir des quinze secteurs les plus exposés aux droits de douane (pièces mécaniques, composants électriques, machines agricoles, engins de chantier, véhicules et moteurs, , pièces détachées, avions, agroalimentaire dont les vins et spiritueux, les sacs à main et autres articles de luxe…), l'observatoire calcule le poids de ces secteurs dans l'emploi des territoires et arrive à un bilan estimatif : près de 677.000 emplois seraient exposés à ces hausses des droits de douane.

"Au niveau des territoires, on pense que la diversification est plutôt payante en matière de résilience, détaille Olivier Portier. L'ultra-spécialisation peut en effet être porteuse mais elle est à risque et nous encourageons plutôt les territoires à se diversifier." Mais le responsable de l'observatoire  module un peu ses propos, estimant que la structure de spécialisation des territoires explique peu les dynamiques d'emploi.

Le facteur "effet local"

"Il y a un facteur 'effet local' qui joue, détaille-t-il, il renvoie aux capacités propres qu'ont les territoires à faire face aux chocs économiques." Ainsi, des territoires spécialisés dans des secteurs particulièrement exposés aux crises, comme aux hausses des droits de douane par exemple, ont des ressources propres qui leur permettent d'être résilients. "Il y a notamment la capacité de coopération entre les acteurs économiques et avec la puissance publique. À l'inverse, des territoires dont on pensait qu'ils étaient bien positionnés car bien orientés en matière de secteurs et de spécialisation, ont une dynamique moindre parce que l'effet local est très défavorable." Pour l'analyste territorial, l'effet local tient beaucoup à la capacité des territoires à construire de véritables écosystèmes locaux (coopérations, mutualisation de ressources, missions communes à l'export…) et à soutenir les entreprises pour assurer leur développement. Un effet local qui peut être démultiplié par l'intermédiaire des collectivités, et notamment des intercommunalités. À noter : certains territoires, comme la Bretagne, la Vendée, l'Auvergne-Rhône-Alpes, ont un effet local "naturel" et sont par nature plus ouverts à la coopération. D'autres ont plus de mal à enclencher ces dynamiques.

 

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