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Individualisation de l'AAH : le gouvernement contourne la bronca en recourant au vote bloqué

La mesure d'indivualisation - ou "déconjugalisation" - de l'allocation adulte handicapé (AAH) n'a pu être adoptée ce 17 juin à l'Assemblée nationale, le gouvernement ayant recouru au vote bloqué. Les députés ont donc dû adopter une version prévoyant uniquement un abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l'AAH.

Le sujet sensible du calcul de l'allocation adulte handicapé (AAH) pour les personnes en couple a mis l'Assemblée nationale sous haute tension ce jeudi 17 juin, la majorité se divisant et le gouvernement devant recourir au vote bloqué.
Portée par les oppositions de droite comme de gauche ainsi que par le groupe Agir, allié de la majorité, la mesure d'individualisation de l'AAH, consistant à ne plus tenir compte des revenus du conjoint, n'a ainsi pas pu être adoptée. Face à la contestation, le gouvernement a d'abord demandé un report du vote, puis a utilisé le voté bloqué, ne laissant aux députés d'autre choix que de voter sans retouche la version approuvée par l'exécutif, sans mise au vote des amendements.
Au coeur de la proposition de loi portant "diverses mesures de justice sociale" débattue en deuxième lecture dans le cadre d'une "niche" du groupe communiste, cette "déconjugalisation" devait permettre de ne pas pénaliser certains allocataires. Mais gouvernement et groupes LREM et MoDem s'y sont opposés et ont fait voter un abattement forfaitaire de 5.000 euros sur les revenus du conjoint. Plus de 60% des 150.000 couples dont le bénéficiaire de l'AAH est inactif doivent conserver ainsi leur AAH à 903 euros, au lieu de 45% des couples aujourd'hui.
Pour protester - de nombreuses voix ont dénoncé des "artifices de procédure" et, sur un sujet aussi sensible, une "faute morale" -, droite et gauche ont quitté l'hémicycle. Le texte doit maintenant repartir au Sénat ou plus probablement être intégré au prochain budget de la Sécu pour une application au 1er janvier 2022.
La secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a dénoncé "une vision misérabiliste du handicap". "Ne tombons pas dans le piège des oppositions", a appelé dans un message à ses troupes le patron des députés LREM, Christophe Castaner. Quelques-uns hésitaient sur leur vote, notamment côté MoDem, et l'allié Agir était pour l'individualisation, afin de ne pas pénaliser certains allocataires.

L'abattement, "formule plus redistributive" ?

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. D'un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée sur des critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270.000 sont en couple, pour une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros.
Le fait que certains soient amenés à choisir entre vivre en couple au risque de voir leur indemnité diminuer, ou la conserver mais en renonçant sur le plan légal à leur liaison, a été au centre des polémiques. "C'est le droit à l'autonomie des personnes handicapées qui est au coeur du débat", a plaidé le communiste Stéphane Peu, co-rapporteur. "Le handicap est individuel, l'allocation doit être individuelle", a résumé le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. "Il n'y a pas une association, pas un handicapé qui n'ait demandé cette 'déconjugalisation'", a fait valoir Annie Chapelier (Agir).
Le gouvernement juge pour sa part que l'abattement forfaitaire de 5.000 euros sur les revenus du conjoint est une formule "plus redistributive" qui permettrait selon Sophie Cluzel à 120.000 couples bénéficiaires de recevoir en moyenne 110 euros nets par mois en plus. De même, Alexandre Holroyd (LREM) a pointé le caractère "extraordinairement anti-redistributif" d'une individualisation de cette allocation, car ainsi "elle bénéficierait aux couples avec les revenus les plus élevés, sans améliorer la condition des allocataires les plus fragiles". Il y aurait 44.000 perdants. Sophie Cluzel a aussi soutenu qu'une individualisation de l'AAH se heurterait à des difficultés de mise en place informatique.
Le secrétaire d'État aux Familles, Adrien Taquet, s'est récemment prononcé, à titre "personnel", en faveur de la "déconjugalisation".

Référence : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale

 

 

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