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Jouets, sport, bricolage et jardin : les nouvelles filières REP ont leur cahier des charges

Une série de trois arrêtés portant cahiers des charges des éco-organismes, parus ce 31 octobre, apporte les clarifications attendues sur les objectifs et les modalités de fonctionnement des nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) qui débuteront en 2022 - jouets, sport et loisirs, bricolage et jardin -, et en particulier sur la place des déchèteries supportant pour partie les collectes. 

Les cahiers des charges des éco-organismes des trois nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) - bricolage et jardin, sport et loisirs, jouets - prévues par la loi Agec et dont un décret avait d’ores et déjà acté la création (voir notre article du 23 septembre 2021) ont été dévoilés par la voie d’arrêtés ce 31 octobre. Les mesures relatives à la réparation avec les fonds de financement afférents seront toutefois précisées par arrêtés complémentaires (actuellement soumis à la consultation du public sur le portail du ministère de la Transition écologique et ce, jusqu’au 16 novembre prochain). Avec ces cahiers des charges les différents acteurs rentrent enfin dans le vif du sujet. Leur publication lève en effet le voile sur les objectifs et modalités de fonctionnement de ces nouvelles filières REP qui débuteront en 2022 et devront contribuer ou pourvoir au réemploi, à la réparation, au recyclage et au traitement des déchets issus de toutes ces catégories de produits. Un cap qui ravive cependant la problématique de la saturation des déchèteries qui pourrait s’accentuer avec l’arrivée de ces nouvelles filières. Sachant par ailleurs qu’avec des objectifs de collecte qui oscillent selon les filières, entre 20% et 45% à horizon 2027, une majorité de ces déchets continuera d’être prise en charge par les collectivités. 

Clarification sur la place des déchèteries 

Les canaux de collecte de ces nouvelles filières passent en priorité par les retours en magasin (voir pour la REP sport et loisirs via les clubs et associations sportives et de loisirs), complétés par le réseau des déchèteries, ainsi que par "des opérations de collecte de proximité ponctuelles par apport volontaire", en lien avec les collectivités et les opérateurs de l'économie sociale et solidaire. Les éco-organismes devront ainsi assurer la reprise sans frais des tonnages collectés par les collectivités dans les espaces dédiés au réemploi, en déchèterie, en zones mobiles, et parmi les encombrants (sous réserve que cette collecte concourt à la réutilisation ou au recyclage de ces déchets).

Soutien aux bennes "multi-matériaux"

Différentes associations - l’Association des maires de France (AMF), Amorce ou le Cercle national du recyclage (CNR) - avaient toutefois fait le constat amer que ces cahiers des charges, dans leur première version, ne prévoyaient pas de soutiens financiers aux collectivités pour la collecte de ces déchets qu’elles assurent en déchèteries à travers la mise à disposition de bennes "multi-matériaux". Le ministère jouait de son côté la carte de la prudence sur "une évolution structurelle du schéma économique des filières REP qui nécessite une étude approfondie". Cette question structurante méritait en outre, toujours selon le ministère, d’être examinée "en premier lieu" pour la filière des déchets du bâtiment "plutôt que sur le gisement a priori très mineur de déchets de jouets ou de bricolage qui sont collectés en déchèteries en mélange avec d’autres déchets dans des bennes spécifiques matériaux". Finalement, contre toute attente, la disposition figure bien dans les cahiers des charges. Les modalités en seront cependant précisées dans les contrats type, et "sous réserve" que la performance de réemploi, réutilisation, recyclage des déchets ainsi collectés soit "au moins équivalente" aux objectifs correspondants fixés par les dits cahiers des charges. L’éco-organisme devra également justifier des montants des soutiens financiers qu'il propose à ce titre "de sorte à ce qu'ils correspondent à des coûts présentant un bon rapport coût-efficacité". Autant de balises disposées par le ministère…Il faudra également attendre un certain temps (trois ans) pour voir émerger les propositions d’éco-modulation (primes et pénalités) à l’issue des études sur l’éco-conception. 

Références : arrêté du 27 octobre 2021 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des articles de bricolage et de jardin ; arrêté du 27 octobre 2021 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des articles de sport et de loisirs ; arrêté du 27 octobre 2021 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des jouets, JO du 31 octobre 2021, textes n° 4, 5, et 6. 
  • Nouveau cahier des charges pour les DEEE

Un quatrième arrêté, publié concomitamment ce 31 octobre, s’attelle quant à lui à la filière REP des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), dont la particularité est de présenter une pluralité d’éco-organismes agréés, rendant nécessaire la mise en place d’organismes coordonnateurs.

Le nouveau cahier des charges - qui intègre les dernières évolutions de la loi Agec notamment en matière de réparation et de réemploi - a vocation à entrer en vigueur au renouvellement des éco-organismes de la filière en 2022. L’arrêté contient également (en annexe III) le cahier des charges de l'organisme coordonnateur, dont le rôle de guichet unique auprès des collectivités est renforcé pour assurer un suivi administratif de l’exécution du contrat. Il lui appartient aussi de contrôler la cohérence entre les soutiens financiers et les tonnages que les collectivités collectent. Un contrôle qui pourrait s’avérer "largement illusoire en pratique", craint le collège des élus du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui s’étonne en particulier que cette compétence soit confiée à cet organisme "dès lors que ce dernier est composé d’actionnaires qui sont en réalité les éco-organismes qu’il devra en retour contrôler". Dans ce dispositif, c'est l’organisme coordonnateur qui répartit les obligations de collecte de DEEE des éco-organismes selon une des deux modalités suivantes : un équilibrage financier ou une répartition des zones géographiques du territoire national. Comme l’a pointé Amorce lors des réunions de concertation organisées par le ministère, le cahier des charges "remet gravement en cause l’organisation actuelle de la filière REP DEEE et porte atteinte à la garantie d’un service universel sur tout le territoire". 

L’arrêté prévoit désormais un contrat type unique pour tous les éco-organismes agréés, organisant leurs relations avec les collectivités dans le cadre du service public de gestion des déchets (annexe I). L’objectif affiché par le ministère est "d’éviter l’existence de divergences sur le territoire en fonction de l’éco-organisme assurant la reprise des déchets, en particulier en déchèterie". Des dispositions transitoires ont cependant été insérées au regard des contrats en cours, le temps que les nouveaux éco-organismes puissent être agréés (articles 4 et 5). À ce titre, le cadre juridique en vigueur pourra être maintenu au plus tard jusqu’au "1er juillet 2022" en attendant que le nouveau dispositif soit pleinement opérationnel, et en particulier que les contrats relatifs aux relations avec les collectivités réalisés sous l’égide de l’organisme coordonnateur soient établis. Et là encore, le dispositif retenu froisse les collectivités. Le texte consacre en effet un principe de solidarité afin que chaque éco-organisme signataire soit tenu de s’engager à poursuivre l’exécution du contrat dès lors qu’il est désigné par l’organisme coordonnateur comme étant tenu d’assurer la prise en charge des coûts de collecte et de reprise des DEEE  (7° de l’annexe I). Pour les représentants des élus locaux, cette rédaction conduit "à une dilution des responsabilités, notamment en cas de difficultés d’exécution dans les contrats en cours". Cela implique également la signature d’un contrat type par l’ensemble de tous les éco-organismes, "ce qui n’est pas garanti", selon eux. Enfin, "le passage d’un éco-organisme à un autre est décidé par l’organisme coordonnateur qui n’est pourtant pas partie prenante au contrat", soulèvent-ils, craignant "des difficultés d’application".