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Cohésion - "La Commission européenne réduit le logement à la surveillance de l'endettement des ménages"

L'eurodéputée écologiste Karima Delli, à l'origine d'un rapport sur le logement social actuellement discuté au Parlement européen, tente de faire avancer l'UE sur un terrain auquel elle n'est pas habituée.

Pourquoi faire un rapport sur le logement social alors que l'UE n'a pas de compétence dans ce domaine ?

Karima Delli : C'est l'occasion ou jamais de montrer que l'UE peut intervenir de manière indirecte dans le logement social, par la voie règlementaire, les politiques de subvention au développement urbain et l'efficacité énergétique. 25 millions d'Européens occupent des logements sociaux, mais ce secteur connaît une transformation profonde, sous l'effet des tensions économiques en Europe. La vente des logements sociaux aux particuliers se développe. Dans ce contexte, la Commission européenne a tendance à mettre le secteur locatif social en situation d'incertitude juridique dans plusieurs pays. Or, chaque Etat est censé être libre de définir lui-même le champ d'application du logement social et des populations concernées. Aujourd'hui, 17% des Européens vivent dans des logements surpeuplés ou indécents et plus de 10% des ménages dépensent plus de 40% de leurs revenus dans le logement. L'habitat social est une réponse pour combler les défaillances du marché et c'est l'une des voies pour sortir de la crise.

Qu'attendez-vous concrètement ?

La Commission européenne réduit la question du logement à la surveillance de l'endettement des ménages, elle l'envisage comme un risque potentiel pour la stabilité macro-économique des Etats. Je souhaite que les investissements dans le logement social soient mieux considérés et que le taux de TVA préférentiel dans ce secteur soit maintenu, à l'heure où la Commission se pose la question de l'augmenter. Le rapport reconnaît le droit d'accès au logement à l'échelle européenne et la responsabilité de l'Etat de le mettre en place. En 2007, la France a été condamnée par le comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe pour non-respect de ce droit. Il faut ensuite encourager de nouveaux montages financiers, afin que la Banque européenne d'investissement oriente davantage ses prêts vers la construction ou la rénovation des logements sociaux.
Pour la prochaine programmation 2014-2020, l'enjeu sera aussi de permettre au secteur privé et aux copropriétés d'avoir accès aux fonds structurels pour des travaux de rénovation thermique. On demande par ailleurs l'instauration d'un observatoire européen du logement. Il paraît invraisemblable que l'ONU et l'OCDE disposent de plus de données que l'UE dans ce domaine.

Le débat sur la précarité énergétique existe-t-il vraiment à Bruxelles ?

On considère que la pauvreté énergétique touche entre 50 et 125 millions d'Européens. Pour s'en occuper, il faut déjà que les Etats acceptent de définir de quoi on parle et la notion de logement décent. Il faudrait ensuite créer des fonds spécifiques pour lutter contre ce phénomène, lesquels pourraient être abondés par les fournisseurs d'énergie qui sont tenus de faire diminuer la consommation, conformément à la directive sur l'efficacité énergétique.
J'aimerais aussi que le fonds social européen puisse soutenir l'émergence de médiateurs qui auraient une double compétence, à la fois technique et sociale, dans le domaine de l'énergie, afin d'enseigner aux populations les bons gestes pour avoir une consommation économe.

L'image du logement social n'est-elle pas ternie par les cas de favoritisme qui parasitent l'attribution des HLM ?

C'est un problème. Je suis favorable à une anonymisation des demandes et je veux que les Etats tiennent mieux compte des critères de transparence. Nous pourrions nous appuyer sur l'exemple des Pays-Bas, qui se fondent sur un système d'attribution par points.