La conférence Ambition France Transports est lancée

La conférence Ambition France Transports, chargée par le Premier ministre de proposer un nouveau modèle de financements des infrastructures de transports "soutenable, crédible et durable" a été lancée ce 5 mai à Marseille. Dénonçant vertement les dynamiques des précédentes décennies – sous-investissement chronique dans l'existant, dont ont particulièrement souffert selon lui les villes moyennes et les zones rurales, promesses de l'État sans lendemain… – François Bayrou insiste notamment sur la nécessité de résorber une fracture territoriale qui va grandissant et la dette grise générée par le défaut de maintenance. Une gageure, alors que la dette publique laisse par ailleurs des marges de manœuvre "extrêmement réduites".

"Nous n'avons pas le luxe d'avoir plusieurs années devant nous. Nous devons agir fortement et tout de suite", s'est fait grave François Bayrou, ce 5 mai à Marseille en ouverture de la conférence Ambition France Transports. Estimant que notre "modèle de financement des infrastructures de transport est aujourd'hui à bout de souffle", le Premier ministre laisse aux participants de cette dernière dix semaines (lire notre article du 16 avril) – un peu plus en réalité, puisqu'il leur demande de finaliser leurs travaux "avant la fin du mois de juillet" – pour proposer un nouveau modèle "soutenable, crédible et durable". Trois termes sur lesquels il s'est particulièrement arrêté. 

Un modèle "soutenable, crédible et durable"

• Par soutenable, il souligne qu'il faut entendre "à notre portée, dans notre capacité". Cette dernière paraît plutôt limitée, alors que "nos marges de manœuvre [budgétaires] sont extrêmement réduites", a rappelé le Premier ministre. À l'appui, la ministre chargée des comptes publics invite d'ailleurs à "dégager des priorités pour savoir quelles sont les dépenses les plus utiles, là où nous devons investir d'abord, et fixer des calendriers qui soient réalistes et cohérents", alors que "nous savons que nous ne pouvons pas tout faire tout de suite, parce que déjà à titre très concret, les engins de terrassement et les fonds européens sont en quantité finie". Reste que la conférence n'a pas pour mission de faire le tri entre différents projets, mais bien de déterminer des ressources financières, ce qui n'est déjà pas rien.

• Par crédible, François Bayrou entend "autre chose que des annonces, des mots et des promesses sans lendemain", alors que "les engagements de l'État n'ont cessé de s'accumuler sans mettre les moyens en face". "Notre modèle a trop souvent été bâti sur du sable", déplore-t-il, non sans être là encore appuyé par Amélie de Montchalin : "Ces 25 dernières années, nous avons collectivement beaucoup mis sur les rails de nombreux projets de transport, souvent bien imaginés, bien conçus, bien annoncés, mais hélas la programmation de leur mise en œuvre et de leur modèle de financement n'a pas toujours suivi". Et de souligner qu'il "n'y a rien de plus déprimant que d'entendre parler de quelque chose qui n'arrive jamais".

• Par durable, il faut comprendre un système "qui respecte et rétablisse les grands équilibres avec lesquels nous devons vivre". En l'espèce, le Premier ministre invite toutefois à un certain retour de balancier. S'il relève que "le renforcement des obligations en matière de participation du public et du droit de l'environnement […] permet de favoriser l'acceptabilité d'un projet […] et la préservation des écosystèmes qui sont des biens communs", il estime que "la combinaison de l'ensemble des procédures et des règlementations qui s'imposent aux maîtres d'ouvrage génère une charge administrative et une complexité qui sont si lourdes et parfois si ahurissantes que nous devons y réfléchir". Réflexion déjà lancée par ailleurs dans le cadre du "grand chantier de simplification de l'action publique" (lire notre article du 28 avril).

Réduction de la fracture territoriale et entretien de l'existant

Sur le fond, outre les désormais classiques "accélération du report modal, électrification des véhicules légers et développement des modes de transport massifiés dans les villes", le Premier ministre a mis particulièrement en relief deux priorités.

D'une part, "assurer à nos concitoyens qui ne vivent pas dans le centre-ville des grandes métropoles qu'ils ne seront pas délaissés et leur offrir de nouvelles solutions de mobilité accessibles et bas carbone". François Bayrou estime en effet que par le passé, "les développements de réseaux et d'infrastructures n'ont pas profité de manière équitable à tous les territoires. Ils ont sûrement permis de dynamiser les grandes métropoles, mais c'est moins le cas pour les villes moyennes, qui n'ont pas bénéficié comme elles auraient dû de l'arrivée d'un TGV et dont les dessertes ont eu tendance à se dégrader au cours des dernières décennies". Et de considérer que cette "dynamique" a aggravé une fracture entre territoires et ce, d'autant plus que "les grands projets de développement ont capté des ressources importantes qui n'ont pas pu aller à l'amélioration et à l'entretien des réseaux de transport existants. Ce sont les villes moyennes et les zones rurales qui en ont pâti".

D'autre part, précisément, assurer "la résorption de cette dette grise, ce défaut de maintenance des infrastructures", fruit "de décennies de sous-investissement et d'imprévision" qui font que "l'âge moyen d'une caténaire ferroviaire […], c'est plus de 65 ans", que "près de 50% des chaussées sont dégradés tout comme 34% des ponts". Et de souligner que, "le plus grave est que ces chiffres ont respectivement augmenté de 4 et 5% entre 2018 et 2022". 

Quelques pistes 

Côté financements, cœur du sujet, le Premier ministre ne s'est guère aventuré. Tout juste a-t-il avancé "quelques pistes qui méritent d'être explorées", par ailleurs déjà bien balisées : 

- le versement mobilité régional, dont la création fait partie "des premières mesures déjà prises", sans aller toutefois plus avant ;

- la fin des concessions autoroutières, qualifiée d'"opportunité sans précédent pour les pouvoirs publics de rediriger les recettes des péages de manière durable vers les projets de transport". Sur le sujet, François Bayrou n'a pas manqué de rappeler avoir été, "en 2005, bien seul à m'émouvoir lorsque le gouvernement avait décidé de céder ses parts dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes" ;

- "trouver de nouveaux investisseurs, de nouveaux profils intéressés par des modes de financement alternatifs", ce qui nécessite de bâtir "un nouveau cadre d'investissement" ;

- ou encore "réfléchir à une évolution de certaines normes de comptabilité pour permettre de gagner en visibilité dans un cadre pluriannuel de long terme".

› François Bayrou au soutien de la ligne Marseille-Briançon

Évoquant les Jeux Olympiques d'hiver de 2030, François Bayrou l'a affirmé : "L'État sera au rendez-vous. Il donnera son assentiment au lancement urgent de la modernisation de la ligne Marseille-Briançon, indispensable à la tenue des jeux". Le Premier ministre a précisé qu'il organisera à Briançon, au début du mois de juillet, un comité interministériel consacré à ces JO et, "parallèlement, une réunion avec la région pour la fixation du cadre financier dans lequel les collectivités locales devront aussi assumer la part de financement à laquelle elles se sont engagées".

 

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