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Social - La Cour des comptes doute de l'efficacité des dispositifs en faveur des familles monoparentales

La Cour des comptes a publié, le 8 septembre, son rapport annuel sur la sécurité sociale. Celui-ci consacre un chapitre aux aides publiques apportées aux familles monoparentales. L'enjeu est important puisque la France compte 1,76 million de familles monoparentales - dont 85% de mères - avec au moins un enfant de moins de 25 ans, soit 2,5 fois plus qu'en 1968 et 21% des foyers en métropole (39% dans les départements d'outre-mer). Ces familles regroupent au total 2,8 millions de jeunes de moins de 25 ans. Elles sont davantage exposées que les autres au risque de précarité : accès plus difficile à l'emploi, taux de pauvreté élevé (en moyenne, 60% du niveau de vie de référence d'un couple avec enfant) malgré l'importance des transferts... D'où la mise en place, par les pouvoirs publics, d'un certain nombre de dispositifs de nature fiscale ou sociale : demi-part supplémentaire, maintien du quotient conjugal pour les veufs avec enfants, allocation de soutien familial (ASF) en cas de non paiement de la pension alimentaire, allocation parent isolé (API) remplacée aujourd'hui par le revenu de solidarité active (RSA)...
Le bilan qu'en tire la Cour des comptes est plutôt critique. Elle estime en effet que ces dispositifs et ceux destinés à faciliter l'insertion des parents isolés sur le marché du travail "n'ont pas complètement fait la preuve de leur efficacité, comme le montre la concentration persistante de la pauvreté sur ces familles, en particulier sur celles qui ne sont pas dans l'emploi". De ce point de vue, le rapport, tout en reconnaissant que le RSA est plus favorable à la reprise d'emploi que le RMI, estime qu'il est moins avantageux pour les familles monoparentales que pour les couples. La Cour prévoit que "la levée des obstacles financiers à la reprise d'un emploi, telle qu'envisagée dans le cadre du RSA, ne sera pas suffisante, surtout dans un contexte économique dégradé".
Ces résultats mitigés des aides aux familles monoparentales s'expliquent peut-être par la relative modestie de leur montant. En additionnant les mesures fiscales bénéficiant aux parents isolés avec enfants à charge, l'ASF et l'API, la Cour des comptes arrive en effet à un total de 2,6 milliards d'euros. Or, elle estime que "pour être plus efficace, une politique de lutte contre la pauvreté nécessiterait d'accroître le revenu initial des familles monoparentales, notamment en facilitant leur insertion sur le marché du travail". Autre faiblesse pointée par le rapport : les transferts sociaux et fiscaux en faveur des familles monoparentales ne sont pas suffisamment ciblés sur les plus défavorisées d'entre elles. C'est tout particulièrement le cas des aides fiscales destinées aux parents isolés, qui ne bénéficient pas aux foyers non-imposables, concentrant ainsi l'aide sur les foyers les plus aisés.
La Cour des comptes formule donc quatre recommandations. La première consiste à évaluer les dépenses fiscales en faveur des parents isolés, "dans la perspective d'une réorientation des dispositifs vers les familles les plus défavorisées". La seconde vise à engager une politique volontariste pour lever les obstacles non financiers à la reprise d'un emploi. Ceci passe notamment par une offre de garde accessible financièrement aux familles monoparentales défavorisées. La troisième recommandation porte sur le développement du suivi des pensions alimentaires fixées par les tribunaux. Enfin, la Cour des comptes propose d'engager une réforme de l'ASF. Celle-ci aurait en particulier pour objet d'expérimenter une ASF différentielle pour les petites pensions et de définir plus précisément la notion de "hors d'état" (reconnaissance du fait qu'un parent n'est pas en mesure de régler la pension alimentaire, ce qui déclenche le versement de l'ASF).

 

Jean-Noël Escudié / PCA